Si les autres types vont en prison, ils peuvent bien y crever, tout le monde s’en fout. Mais pas nous. Lennie intervint. — Mais pas nous ! Et pourquoi ? Parce que... parce que moi, j’ai toi pour t’occuper de moi, et toi, t’as moi pour m’occuper de toi, et c’est pour ça. Il éclata d’un rire heureux.
Prends un type qu'est vraiment malin, c'est bien rare qu'il soit un bon gars. P82
C'est pas une fois que j'ai vu ça, mais mille... un type qui parle avec un autre, et puis, ça n'a pas d'importance s'il n'entend pas ou s'il ne comprend pas. L'important c'est de parler.
– Quand je pense ce que je pourrais rigoler si j’t’avais pas avec moi, ça me rend fou. Je n’ai pas une minute de paix.
Lennie était toujours accroupi. Il regardait dans les ténèbres, par-delà la rivière.
-George, tu veux que je m’en aille et que je te laisse seul ?
- Où donc que tu pourrais aller ?
-Oh ! j’pourrais. J’pourrais m’en aller dans les collines, là-bas. J’trouverais bien une caverne quelque part.
- Oui ? et comment qu’tu mangerais ? T’es même pas assez malin pour te trouver à manger.
-J’trouverais des choses, George. J’ai pas besoin d’choses fines avec du coulis de tomates. Je m’coucherais au soleil et personne ne m’ferait de mal. Et si j’trouvais une souris, j’pourrais la garder. Personne ne viendrait me la prendre.
George lui lança un regard rapide et curieux.
J’été méchant, c’est ça ?
Si tu n’veux plus de moi, je peux m’en aller dans les collines me chercher une caverne. J’peux m’en aller n’importe quand.
Non… écoute ! C’était de la blague, Lennie. Parce que j’veux que tu restes avec moi. L’embêtant, avec les souris, c’est que tu les tues toujours.
Il s’arrêta.
George va dire que j'ai encore fait quelque chose de mal. Il m'laissera pas soigner les lapins.
George fit claquer sèchement ses doigts. Lennie lui mit la souris dans les mains.
— J’faisais rien de mal avec elle, George. J’faisais rien que la caresser.
– Vous vous bourrez le crâne, les gars. Vous passez votre temps à en parler, mais vous ne l’aurez jamais, vot’ terre. Tu resteras ici comme homme de corvée jusqu’à ce qu’on t’en sorte dans une boîte. Bon Dieu, j’en ai vu trop, des types comme vous. Lennie, là, il quittera le travail, et, dans deux ou trois semaines, il se retrouvera sur les routes. A ce qu'on dirait, tout le monde a un coin de terre dans la tête.
Candy se frottait la joue avec colère.
– Pour sûr, nom de Dieu, qu'on va le faire. George l'a dit. Nous avons déjà l'argent.
– Ah oui ? dit Crooks. Et où est-il , George en ce moment ? En ville, dans quelque bordel. C'est là qu'il s'en va vot' argent. Bon Dieu, j'ai vu ça arriver tant de fois. J'ai vu trop de gars avec de la terre dans la tête. Ils n'en trouvent jamais sous leur main.
Comme il arrive parfois, les minutes s’attardèrent, durèrent bien plus que des minutes. Et tout bruit cessa, et tout mouvement cessa pendant quelques minutes beaucoup, beaucoup plus longues que des minutes.
Slim regarda à travers George et au-delà.
- Y a pas beaucoup de gars qui voyagent ensemble, dit-il d'un ton rêveur. J'sais pas pourquoi. Peut être que les gens ont peur les uns des autres, dans ce sacré monde.
Ecoute-moi, bougre de con, dit-il furieux, t'avise pas de regarder cette garce. J'me fous de ce qu'elle dit ou de ce qu'elle fait. C'est pas la première fois que je vois des poisons comme ça, mais j'ai jamais rien vu de meilleur pour faire coffrer un type. Laisse-la tranquille. (...) En tout cas, t'approche pas d'elle, parce que, comme piège à rat, on n'fait pas mieux. Laisse Curley s'faire coincer. C'est lui qui l'aura voulu.