J'ai immédiatement aimé ce que j'ai lu. L'écriture alerte, parfois tranchante, taillée au cordeau. Les images, concrètes mais surprenantes, et pour autant toujours justes.
C'est un recueil à hauteur d'enfance, mais une enfance sans angélisme, rurale et précaire, située dans les marges de la normalité sociale. Une enfance de logements décrépits et de jardins encombrés de vieux tas de ferraille, de chaussettes rapiécées et de culottes dont on change les élastiques, entourée de grandes soeurs permanentées et trop maquillées, de mères aux chairs précocement pendantes. La bouteille d'alcool n'est jamais loin, et les bleus qui parsèment les corps ne sont pas toujours les conséquences d'une chute.
Mais ceci n'est qu'un contexte, un ensemble d'éléments qui posent le décor, sans poser question, sans susciter de jugement, puisqu'il est vu à travers les yeux de ceux qui y évoluent depuis toujours.
C'est un recueil à hauteur d'enfance, sur la capacité à l'émerveillement, à faire de l'imagination un monde à part entière, où un enfant peut devenir un ours. La nature y est omniprésente : on grandit dehors, au contact permanent des fleurs, des animaux, des insectes, au coeur de forêts, au bord de rivières aux méandres complexes. le rapport à cet environnement est organique, quasi primitif, exprimé avec une spontanéité qui annihile tout dégoût. On y célèbre la boue et l'odeur de putréfaction des choses mortes, on y embrasse des crapauds, on y collectionne des cadavres de libellules ou des morceaux de quartz. Généreuse et puissante, la nature est à la fois décor et refuge, elle rend insignifiante la brutalité du quotidien, ramène à sa petitesse le monde des hommes qui juge et catégorise.
"(…) dans le monde on serait peut-être moins perdu si on connaissait le nom des plantes sur lesquelles on marchait."
C'est un recueil à hauteur d'enfance, où tout est dépeint sans gêne ni tabou, des pipis dans l'eau et des faces pleines de morve aux sentiments troubles que l'on éprouve parfois.
Cependant, la détresse n'est jamais loin. Elle affleure à coups d'ellipses, d'allusions. La solitude, l'ostracisation, les carences affectives sont ainsi évoquées à l'occasion d'épisodes ou de propos a priori anodins qui révèlent une réalité cruelle mais indicible : l'engluement dans la misère, les humiliations subies sans révolte, le rejet que suscite votre origine géographique ou sociale.
Le langage familier, aux accents populaires, crée une véritable sensation d'immersion dans cet univers à la fois pathétique et merveilleux.
A lire.
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