Coq de Combat, tome 27

Parricide, tel est le péché originel du personnage d'Izō Hashimoto. Dérangé, tel est le qualificatif qui le premier nous vient à l'esprit pour le décrire. Parangon de l'anti-héros, tel est le titre qui jamais n'aura été aussi bien porté. Ryô Narushima se drogue, fornique, blesse, torture, viole et tue au fil des pages. Formé au karaté lors de son passage en maison de correction il n'aura de cesse de développer son art au gré des combats, de rue ou officiels, n'hésitant pas pour remporter la victoire à user des techniques les plus vicieuses. Ryo ne se contente pas de battre ses adversaires, il les détruit, les corrompt, les humilie, les salit.

Si le premier arc narratif de cette série de mangas retraçait l'ascension chaotique de Ryo dans l'univers du karaté jusqu'à sa victoire officieuse sur son principal représentant au Japon, on pouvait s'interroger sur le sens que voulait donner l'auteur à la suite de son histoire. Il restait peu de doute sur la noirceur de Ryo et déjà il avait vaincu des adversaires foncièrement plus fort que lui, des exemples de droiture et de sportivité. Mais ce n'était pas assez pour Izō Hashimoto, il fallait opposer à son personnage la pureté elle-même, la vertu faite homme sur un ring. Il donne naissance donc à un danseur classique mondialement reconnu, qui fasciné par l'image de Ryo à travers les médias, décide de s'initier à la pratique du combat pour le rencontrer. S'exonérant de la vraisemblance martiale qui marquait le premier acte de son récit l'auteur nous offre le parfait contrepoint au mal. La gestuelle est celle d'un ange, l'âme, révélée une par lucarne narrative, est immaculée, les motivations sont celle du juste. le choix est fait ici de laisser de côté l'aspect social du récit pour approfondir encore la dimension spirituelle des arts martiaux. Pour cadre à ce mythique combat, l'auteur crée de toute pièce un tournoi de free fight. Ryo et l'ex-danseur y prendront la tête d'une poignée de guerriers qui successivement s'opposeront pour la victoire de leur équipe, de ce qu'elle représente. Car l'auteur ne ménage pas ces efforts pour colorer les deux camps, kimonos blancs contre kimonos noirs, sportifs sous la lumière des projecteurs contre assassins de l'ombre. Plus métaphoriquement encore, la neige et les grands espaces naturels qui émaillent le parcours des premiers font face à aux ténèbres des bas-fonds urbains des seconds. Les techniques issues des traditions les plus nobles sont contredites par les procédés les plus vils. L'auteur use de tous les symboles du manichéisme pour élever sa composition au paroxysme, le ring devient le lieu d'un véritable Yin et yang narratif.

Et au final, la question n'est plus de savoir qui prendra le dessus physiquement, mais qui de l'édification ou de la perversion s'imposera. Laquelle des deux croyances remportera cette lutte, prosélytisme mutuel et tacite. Reste que, plus intense est la lumière, plus profonde est l'ombre. Telle est l'histoire contée par ce vingt-septième volume.