… j'ai songé alors que ce qui est violent, ce n'est pas le temps qui passe, c'est l'effacement des sentiments et des émotions.
Comme s'ils n'avaient jamais existé.
Je ne savais pas que les mots peuvent sauver. Aujourd'hui, je le sais: ils maintiennent le lien à soi. Ils permettent de ne pas s'égarer dans la nuit profonde de la folie.
Certains déserts ne se traversent que dans un sens.
Je ne savais pas que la douleur éloignait tant des autres.
Je ne peux pas dépasser ma petite vie, son calvaire, je ne peux pas aller au-delà, être touchée par ce qui se passe à l'extérieur
On dit que les épreuves rapprochent ; elles nous ont disjoints
Comment se mettre à la place de quelqu'un qui va mourir ? Comment imaginer ce que peuvent être les derniers moments ? Savoir que dans quelques jours, dans quelques semaines, on ne sera plus là. Le corps disparu, la voix disparue, la pensée disparue (…) savoir que ce sont les dernière fois, les derniers frôlements de main, les derniers regards, les derniers sourires… Les dernières paroles échangées… Accepter de disparaître sans savoir ce qui restera de soi. Et portant vivre chaque heure. Passer celle-là, puis la suivante, puis celle d'après. Ne pas abandonner, pas encore… Puis, soudain, se laisser emporter.
Il me semble que lorsqu'on sent la nuit venir, on aspire à l'ordre et non au désordre. Le temps n'est plus à la quête
Certains êtres, à mesure que le temps passe, deviennent de plus en plus libres : ils se redressent au lieu de s'affaisser. Il émane d'eux une énergie étonnante. Ils sont lumière pour qui les rencontre. J'aimerais savoir ce qu'ils ont fait des ombres de leur passé. De leurs regrets, de leurs déchirures. Comment ils s'en sont arrangés.
Parce qu'on n'oublie rien, je le sais ce soir. On n'oublie rien. Quand bien même on s'est efforcé du contraire : le passé vit en nous. Masse informe tapie au plus profond de soi, qu'on pourrait croire endormie mais qui veille ... Alors, eux, ces êtres de lumière : comment font-ils ?
Pourquoi as-tu besoin de me revoir ? Tout n'a-t-il pas fini il y a quinze ans ? Les années qui se sont écoulées, depuis, au cours desquelles je me suis appliqué, chaque jour, de toutes mes forces, à ne pas penser à toi, à ne pas penser à nous, soudain nous n'avions pas existé, c'était si simple, il suffisait d'y croire. Nous n'avions pas existé puisque c'était fini, qui aurait pu me forcer à me souvenir de nous, c'était fini, il ne restait rien de nous.