Comment attendre sans espérer ?
Debout ou couché il fallait choisir, mais, pour moi, l’alternative était claire : j’étais soit couchée dans une tombe, soit debout dans la vie. Une autre vie, sans doute, mais la vie.
Tu ne connais pas mon passé et je ne sais rien du tien, que faisons-nous l'un à côté de l'autre, à nous frôler, à nous manquer ?
J’aime ces gestes du quotidien, que je peux exécuter sans réfléchir, machinalement, le vide en moi, et qui pourtant s’accomplissent. Ils me rattachent au réel. Ils me sauvent de la noyade
Je ne savais pas que les mots peuvent sauver. Aujourd'hui, je le sais: ils maintiennent le lien à soi. Ils permettent de ne pas s'égarer dans la nuit profonde de la folie.
Ne t'en va pas, Genevieve, ne t'en va pas. Je croyais connaitre la solitude, mais maintenant que je te sais bientôt absente, je comprends comme je me suis trompé : c'est lorsque tu seras morte que je serai seul. Durant toutes les années où nous avons vécu loin l'un de l'autre, te savoir en vie m'aidait à vivre, à tenir bon. Tu étais là, quelque part ; je ne te voyais pas mais je savais que celle qui avait été traversée par la même douleur que moi tenait encore debout. Nous nous donnions la main sans nous toucher. Toi disparue, je vacillerai. Sous mes pieds la terre ne sera plus jamais ferme.
Comment peut-on être vaniteux au point de penser savoir ce qui est bon pour l'autre et ce qui ne l'est pas ? Au nom de quel désir de possession ?
Je pense soudain à une parole de Geneviève, une nuit de bonheur. Clara n'était pas née. Nous étions au bord de la mer. Naples, peut-être, ou Portofino. Certainement un de ses lieux italiens qui faisaient notre ravissement. Nous avions passé une journée merveilleuse. Le soir, en s'endormant, dans un souffle Geneviève avait murmuré:
-Crois-tu qu'il existe des gens qui ne connaissent pas la joie? Qui passent une vie entière sans la rencontrer?
Je n'avais rien répondu. Elle s'était depuis longtemps endormie que je veillais encore, les yeux grands ouverts, bêtement stupéfait de comprendre, grâce à Geneviève, que les instants que nous vivions étaient des instants de bonheur, de joie, oui, il fallait oser prononcer le mot et elle l'avait fait, et grâce à elle j'en prenais conscience et cette découverte m'y faisait pleinement accéder, me la rendant réelle. Nous étions dans la joie et nous le savions. Qu'aurions-nous pu désirer de plus?
Durant toutes les années où nous avons vécu loin l'un de l'autre, te savoir en vie m'aidait à vivre, à tenir bon. Tu étais là, quelque part; je ne te voyais pas mais je savais que celle qui avait été traversée par la même douleur que moi tenait encore debout. Nous nous donnions la main sans nous toucher. Toi disparue, je vacillerai. Sous mes pieds la terre ne sera plus jamais ferme.
J'ai lu dans ses yeux de la pitié. Il a tenté un : 'C' est terrible, n'est-ce pas ? Moi-même,j'ai deux enfants ...' Je n'ai pas écouté la suite. Mes oreilles se sont mises à bourdonner.J'ai fait un signe de la main pour lui faire comprendre que cela suffisait, que le reste ne m'importait pas. Il a fait comme s'il n'avait pas compris, il a continué à parler, un flot de paroles dont je ne saisissais pas le sens, certains mots me parvenaient, [... ]