Kazuto Tatsuta est le nom d'emprunt d'un mangaka qui à partir de 2012 s'est enrôlé dans les équipes de travailleurs de la centrale de Fukushima, afin d'oeuvrer à l'effort colossal qui sera nécessaire, pendant des décennies pour que les choses rentrent plus ou moins dans l'ordre...
Il a entrepris en trois tomes de raconter le quotidien de ces hommes. Pour l'ensemble des trois volumes, la tonalité est très descriptive, et du coup leur qualité principale est la précision du propos, les détails apportés, qui rend le tout particulièrement instructif. le ton n'est pas du tout larmoyant. Il nous est plutôt conté un quotidien terre-à-terre, parfois trivial, où se mêlent les problèmes de contrat et de salaire, de contraintes vestimentaires liées à la sécurité pour cause de radiations, d'alimentation, logement et toilettes.
Les ouvriers du nucléaire sont ainsi rendus très humains, loin d'une image de héros, ce seraient plutôt des hommes qui cherchent d'abord à gagner leur croûte, à quoi s'ajoutent quand même le désir de servir cette région du Tohoku qu'ils ne connaissaient pas forcément.
Un regard utile et original, pour une vision neutre, à la manière d'un reportage. Et si l'on devine bien les travers de cet écosystème en quasi vase-clos, l'auteur se garde bien de les dénoncer véritablement, utilisant plutôt l'humour, à bon escient.
Dans ce tome 1, l'auteur-narrateur découvre le site, l'occasion de nous faire partager les contraintes liées à la sécurité (tenue complète très contraignante, à enfiler et défaire à chaque entrée-sortie de la zone, pour décontamination, contrôles...), mais aussi le système des sous-traitants en cascade, qui laisse les travailleurs peu libres de leurs mouvements pour changer d'affectation dans ce microcosme (le travail est plus ou moins intéressant et risqué, et le salaire est évidemment en conséquence), alors que les sous-traitants prennent des commissions à chaque niveau, le haut de la pyramide faisant de belles affaires...
Bien que passionné par le Japon, et sa littérature notamment, je ne suis pas amateur du tout de manga. Et je dois dire qu'ici, ça fonctionne plutôt bien pour dédramatiser un peu ce sujet angoissant.