En 1994, Bassam Tayara croise le regard d'un SDF dans la gare de Sannomiya à Kobe. L'homme lui sourit et l'invite à partager son carton. Peu pressé de rentrer chez lui, Bassam Tayara se laisse tenter et passe le reste de la nuit avec le SDF. Même s'ils parlent tous les deux le japonais, il y aura peu d'échanges verbaux mais des regards, des sourires, des bières partagées. A l'heure du premier train, Tayara prend congé quand le sans-abri lui remet un paquet contenant un manuscrit et un album photo. Très pris par ses activités professionnelles, Tayara ne se penche sur ce ''cadeau'' qu'un an plus tard, alors qu'un terrible séisme ravage la ville de Kobe, lui rappelant cette brève rencontre. Alors il se penche sur le paquet. L'album contient les photos de voyage prises au Japon d'un couple français, en 1961. le manuscrit a été rédigé par le SDF, Saburô Takimoto et raconte sa liaison avec une française, peut-être celle qui voyageait en 61.
Que dire de cet ouvrage si ce n'est que c'est une réelle déception. On peut saluer le travail de traducteur de Bassam Tayara qui s'est échiné sur un texte parfois illisible, écrit dans l'urgence. Mais une fois le déchiffrement réalisé, son travail d'analyse est très limité. Il nous donne à lire la prose de Takimoto et se permet quelques réflexions mais sans approfondir. Il faut dire que sa trop brève rencontre avec le SDF et son intérêt limité ne lui ont pas permis de l'interroger pour en savoir plus sur ce personnage plus complexe que sa situation de sans-abri ne le laissait supposer. Takimoto semble avoir voyagé, fait des études, il parle français. Ce n'est pas lui rendre hommage (l'homme est probablement mort lors du grand séisme) que de douter de ses propos et de pratiquement l'accuser du vol de l'album. Son texte est peut-être la retranscription d'une histoire vécue ou le fantasme d'une liaison avec une belle étrangère...Pourquoi choisir la seconde option ? Pourquoi ne pas imaginer qu'il a aimé cette femme mariée, qu'elle l'a aimé en retour, qu'elle lui a offert ses photos de voyage ?
Le texte du SDF se suffit à lui-même et raconte, parfois avec impudeur, cette liaison cachée et éminemment érotique. On peut le lire en omettant les remarques de Tayara.
Une curiosité à découvrir, en mémoire de cet homme tombé dans l'oubli, mort dans l'indifférence.
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