Ce livre compte 6
nouvelles : « Récit d'un inconnu », « La peur », « le professeur de Lettres », « En tombereau », « Les Groseilliers » et « Ionytch ». Ces
nouvelles sont sombres et pessimistes pourtant, il y a une pointe de cet humour bien spécial à
Tchékhov, telle cette phrase : « Si vous craignez la solitude ne vous mariez pas ». Ses héros ont peur de la vie, peur de ne pas être aimé, peur d'aimer et de perdre la liberté, ils manquent d'ambition, s'ennuient et s'ils rencontrent l'amour c'est souvent sans partage car ils sont dans l'incapacité de communiquer… Bref on peut s'ennuyer ou « broyer du noir » comme ces héros, mais non, pas du tout !
Je m'arrêterai principalement sur « Récit d'un inconnu » la nouvelle la plus longue.
Tchékhov nous conte admirablement une situation banale, digne d'un marivaudage.
le décor est planté, nous sommes dans une riche maison bourgeoise, celle du fonctionnaire Orlov dont le père est un important homme d'Etat. Un homme donc, un inconnu (Stépane) se fait engager comme valet sous une fausse identité, dans le seul but de tuer le père d''Orlov qu'il considère « comme ennemi de sa cause ».
Ce récit est dense et tragique.
Tchékhov peint admirablement les caractères, la vie sombre, sordide et désespérée de ces êtres ordinaires.
Elle, magnifique, jeune ardente et amoureuse vient de fuir son mari et se réfugie auprès de son amant, Orlov.
Lui, Orlov frivole, couard, poltron aime sa vie oisive de célibat, ses amis, mais, quand sa maitresse se réfugie chez lui il n'ose pas par faiblesse lui refuser l'asile.
Stépane, le valet, observe, épie alors l'amère comédie qui s'installe entre ces êtres. Bientôt son coeur vacille, ses convictions chancellent. Honteux il renonce à son projet, se dénonce dans une lettre magnifique à Orlov, et, fuit avec celle qu'il admire vers Venise puis Nice cette ville où
Tchékhov lui-même est parti se soigner, où il écrivit ou termina d'écrire, justement, le « Récit d'un inconnu ».
C'est une impossibilité de communiquer qui domine le récit, une certaine indifférence à l'autre, celle qui « équivaut à une paralysie de l'âme, à une mort prématurée » comme l'écrivit
Tchekhov.