Ayant lu le livre de
Slavomir Rawicz À marche forcée,
Sylvain Tesson, jamais avare de bonnes idées et l'envie de bouger chevillée au corps, a naturellement voulu refaire le périple raconté par le Polonais.
De mai à décembre 2003, il a mis ses pas dans ceux des hommes qui, pendant un demi-siècle, ont fui le goulag. Un voyage de 6 000 kilomètres, de la Sibérie jusqu'au sud de l'Eurasie, à pied, à vélo et à cheval.
La quatrième de couverture parle d'une "célébration de l'esprit d'évasion" et aussi d'un "hommage à ceux qui choisissaient la liberté au prix du froid, de la faim, de la solitude".
Le photographe
Thomas Goisque, ami de
Sylvain Tesson, est venu le rejoindre à quatre reprises, ce qui nous vaut de splendides clichés qui émaillent le livre et se marient à merveille avec
les mots de l'auteur.
(Quelques années plus tard,
Thomas Goisque partagera avec son ami fantasque et
Cédric Gras l'épopée narrée dans
Berezina et que je ne peux que vous recommander.)
En cinq parties qui constituent cinq entités géographiques distinctes (La taïga, La steppe, le désert de Gobi, le Tibet, et pour finir L'Himalaya, le Sikkim et le Gange) notre écrivain nous entraîne dans son sillage et décrit avec sa verve coutumière les mille et une péripéties qui ne manquent pas de se produire.
Il raconte également les multiples rencontres qu'il a effectuées et enrichit son texte de nombreuses réflexions historiques, géographiques, et bien évidemment, humoristiques.
Le tout forme un tableau extrêmement vivant, instructif et passionnant.
Que le récit de Rawicz soit vrai ou non, finalement, peu importe. L'essentiel est ailleurs.
Il y a bien eu des prisonniers dans les goulags soviétiques ; selon les historiens, entre 10 et 18 millions. Certains ont tenté de s'évader, quitte à risquer la mort en chemin.
C'est à cette réalité historique, qu'il ne faut jamais oublier, que
Sylvain Tesson nous ramène.
"C'est à la célébration de la figure de l'évadé politique que j'ai consacré ma longue marche davantage qu'à l'enquête sur la plausibilité d'un récit lequel, aussi trépidant soit-il, n'est qu'un témoignage parmi d'autres sur un pan bouleversant de notre Histoire."
Notre écrivain-voyageur conclut en ces termes : "Je suis parti avec l'envie de trouver une réponse, et revenu en me disant qu'il était idiot de se poser la question. En Sibérie, je voulais savoir si Rawicz avait dit vrai ou bien s'il avait mystifié ses lecteurs. En rentrant chez moi, neuf mois après mon départ de France, riche des témoignages moissonnés au cours du voyage, je m'appuie sur cette certitude qu'avec ou sans le Polonais, des hommes ont bien foulé un jour les pistes d'Eurasie pour fuir les totalitarismes, pistes que je demande mentalement à
Sartre l'ironique autorisation d'appeler les « chemins de la liberté »."
Une fois de plus,
Sylvain Tesson m'a emmenée en voyage. Un voyage riche et particulièrement émouvant si l'on pense à ceux qui se sont mis en route malgré tous les dangers, non pour le plaisir, non par curiosité, non par désir d'aventures, mais simplement pour retrouver la liberté.