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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Sylvain Tesson a-t-il le besoin d'écrire, il prend son vélo, ses chaussures de marche et court la planète nettoyer son cerveau des scories de la vie urbaine et en extraire le distillat de ses cogitations. le pédalier de son vélo fait jaillir les réflexions de son esprit comme le chevalet de pompage dont la tête oscille obstinément dans les plaines américaines fait jaillir le pétrole des tréfonds du sous-sol. L'absolu de ses pensées est une encre qui vient abreuver la page blanche du produit de son esprit vagabond.

Un périple de plusieurs milliers de kilomètres le long d'un tube d'acier qui conduit le brut vers le ventre des pétroliers c'est d'abord la solitude propice à la méditation, la chaleur de l'astre source de toute vie, la fatigue, quelques rencontres, mais pas trop pour ne pas distraire de l'objectif, des bouquins piochés ça et là et se nourrir de l'intelligence des autres. le résultat c'est Éloge de l'énergie vagabonde.

Le sujet c'est l'énergie justement sous toutes ses formes mais fossile de préférence en ce siècle d'empuantissement de l'atmosphère. L'assèchement des ressources par une population qui croît à une cadence exponentielle sur une la planète qui reste quant à elle dans ses dimensions originelles. Deux siècles pour consumer ce qui a mis des millions d'années à se constituer. Et après ?

L'après, on y pensera quand la source sera tarie. Qui vivra verra. Parvenu au bout du pipe-line les questions demeurent. Voilà un ouvrage lourd de culpabilisation d'Homo sapiens. Il a éliminé tous ses concurrents. Va-t-il s'éliminer lui-même avec sa frénésie consumériste. Bonne nouvelle l'intelligence survivra nous dit Yuval Noah Harari dans Homo Deus une brève histoire de l'avenir. Mauvaise nouvelle, elle sera artificielle. Sera-t-elle plus lucide quand à sa survie ? Résoudra-t-elle le problème de cette énergie si mal répartie mais qui aura disparu des profondeurs de la croute terrestre ?

Ouvrage lourd de réflexions puisées à coup de pédale pour conclure du bout des lèvres que l'avenir de l'homme sur terre ce serait peut-être la décroissance. Qui commence ?

Ouvrage écrit à la sueur d'un corps qui s'échine par monts et par vaux, par tous temps. Une écriture toujours aussi riche de formules percutantes, de références érudites, d'à propos humanistes, de croyances qui ne croient que ce qu'elles voient. C'est pour cela que Sylvain Tesson va au bout du monde à la vitesse de ses pieds, au mieux de son vélo, pour prendre le temps et le recul d'entrevoir l'avenir que se prépare Homo sapiens. Une philosophie de la sueur, du muscle sec, de l'esprit qui s'ouvre aux espaces infinis. Ni optimiste, ni pessimiste, un constat lucide et si habilement formulé.
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« Caminante no hay camino, se hace camino al andar » ! (Antonio Machado)
* «Marcheur, il n'y a pas de chemin, le chemin on le trace en marchant»!

Pourquoi Sylvain Tesson aurait, au départ, fait le choix de traverser l'Asie Centrale en 2006, de la mer d'Aral à la mer Caspienne, et de là jusqu'à la mer Méditerranée, suivant les tracés d'oléoducs qui acheminent gaz et pétrole vers les pays occidentaux ? Parce qu'il serait «obsédé par les tubes» et que les «pipelines» le «ravissent» ? Parce qu'étant «sensible à l'esthétique de leur déglingue», il «aime les terres ex-soviétiques» ? Parce qu'il s'était promis lors de périples précédents en Karakalpakie qu'il reviendrait bourlinguer un jour dans ces parages afin de pouvoir enfin traverser les hauts plateaux désertiques de l'Oustiourt, situés entre l'Ouzbékistan et le Kazakhstan?

Optant pour un itinéraire quasi exclusivement en vélo et à pied, «by fair means, loyalement» et «sans propulsion motorisée», pourquoi notre vagabond se préparerait-il ainsi, contre tout bon sens, à prendre la route avec de moyens logistiques aussi stricts en pleine fournaise d'un été qui vient de commencer dans les steppes et dans les déserts d'Asie Centrale? Est-ce parce que il a en tête aussi de pouvoir «réfléchir au mystère de l'énergie», celle bien-sûr extraite des sous-sols pétrolifères, mais également celle, plus ineffable, à l'origine des pensées, des paroles et des actions humaines? «Pétrole et force vitale procèdent du même principe : l'être humain possède un gisement de force que des forages propices peuvent faire jaillir.» Ou, en fin de compte, est-ce tout simplement du fait que le grand oléoduc BTC (Bakou-Tbilissi-Ceyhan) construit par un consortium international, projet titanesque dont les investissements nécessaires ont été de l'ordre 17 milliards de dollars et dont Sylvain Tesson voudrait suivre le trajet depuis les rivages de la mer Caspienne, devra être enfin mis en service au cours de cet été 2006?

Est-ce qu'on le saura vraiment ? «En voyage, le premier jour on se demande pourquoi on est parti. Les autres jours, on se demande comment rentrer». Ces questions, comme tant d'autres certainement, devaient le tarauder cette première nuit lorsque il s'était glissé «dans l'étui de (sa) tente tubulaire» où «c'est l'étuve», mais où au moins il était protégé des épeires particulièrement agressives sévissant dans la région! Mais quelle autre solution? Impossible pour notre vagabond de réfléchir autrement, impossible de «poser (son) cul sur une chaise de bois et la tête dans les mains, creuser la question avec la pelle du silence et du temps»!

ELOGE DE L'ENERGIE VAGABONDE est ma première lecture de Sylvain Tesson et donc mon seul point d'observation pour l'instant. Je suis d'emblée séduit par le personnage avec lequel je fais connaissance au travers de ce récit, par ses paradoxes et ses contradictions dont il ne cherche pas spécialement, me semble-t-il, ni à cacher, ni à épancher ou encore moins à justifier. A la fois truculent et sensible, ne cherchant pas particulièrement à être consensuel comme il le siérait à un wanderer romantique, en tout cas ne prenant jamais la tangente quand s'exprime à travers lui une énergie fossile en combustion spontanée... Capable par exemple de lire «La Dame aux Camélias» sous une chaleur digne des forges de Vulcain au bord de la Caspienne, ou encore de regretter le pillage énergétique de la terre mais ne pouvant pas dissimuler, lors de son passage à Bakou, sa réjouissance à faire durer un entretien avec une artiste et à profiter ainsi de la climatisation de l'appartement de cette dernière, alors que la température frôle les 50° degrés dehors... Définitivement, me suis-je dit, connivent, on n'est pas vraiment tout à fait à «Ushuaïa TV» !
Ce n'est pas non plus que je m'identifierais particulièrement à Sylvain Tesson. Nous sommes même très différents à la base ! Je suis quelqu'un, permettez-moi cette petite confidence, pour ainsi dire plus «méandrique» que l'auteur : mon énergie fossile se répandrait davantage en tenant compte d'autres accidents géographiques du relief extérieur à la surface. J'aime pourtant cette différence par rapport à moi ! Et je comprends parfaitement que son personnage puisse en même temps déplaire à d'autres lecteurs.

Séduit aussi, je fus par l'extrême élégance de cette langue recherchée, d'une beauté incisive et par moments condensée en des formules aux tonalités véritablement extatiques, d'un rayonnement qui me semblait frôler parfois l'insolence esthétique ! La transposition ici d'un champ lexical propre à la constitution et à l'exploitation des hydrocarbures sur d'autres formes d'énergie plus abstraites, liées par exemple aux mouvements des corps, aux opérations de l'esprit ou aux vicissitudes des règnes végétal et animal, ainsi que les métaphores, telle par exemple celle, époustouflante, du «monde énergétique des abeilles», ou bien des tournures pour décrire les paysages et/ou le temps qu'il fait, sont toutes d'une économie, d'une justesse, et la plupart du temps d'une beauté à couper littéralement le souffle (le mien, en tout cas !).

En définitif, l'auteur me réjouit aussi quand il avoue en toute sincérité voyager «en vagabond enchanté pour le seul bénéfice de mon âme et la pure jouissance de mon corps : me frotter à la beauté du monde est mon unique raison de lever les ancres». Sylvain Tesson ne voyage pas nécessairement pour aller à la rencontre de «l'autre» (une absurdité, d'après lui, en tant qu'objectif en soi, et qui serait alors comme «visiter des temples» ou «goûter la cuisine » !), ou avec le souci de dénoncer par son témoignage direct le «mal» qui loge dans l'homme, ou encore de promouvoir un «bien» au nom d'un mouvement ou d'une idéologie en particulier, même si un chose, bien-sûr, n'empêche pas forcément l'autre : l'auteur laisse alors , me semble-t-il, plutôt au lecteur le soin d'en tirer ses propres conclusions.
L'invitation que propose Sylvain Tesson, citant aussi Montaigne au passage, consisterait prioritairement à « tenir l'âme en haleine », à réussir à «se mettre en état de reconnaissance devant le cours des choses», à éprouver en soi «l'unité du vivant».
Je suis de la partie, Monsieur Tesson, et tout à fait prêt à repartir en votre compagnie!
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Un livre de Sylvain Tesson que j'ai beaucoup aimé , comme quoi j'ai bien fait de ne pas rester sur une moins bonne impression avec une lecture précédente .
Un voyage assez surprenant , l'auteur va suivre le tracé des pipelines , le pipelestan ...
Voyage insolite , vers une destination qui n'est pas du tout habituelle , un voyage à pied , à vélo qui m'a fait rêver .
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A travers une traversée depuis la mer d'Aral, ou ce qu'il en reste, jusqu'à la Turquie, Sylvain Tesson nous emmène le long des routes de l'énergie.
Ce voyage accompagne celui des oléoducs et des gazoducs qui alimentent l'Occident insatiable.
A travers des réflexions sur l'énergie, sa gestion, sa consommation effrénée, son gaspillage qui sous-tendent notre système même, Tesson se livre à une réflexion plus globale sur l'humanité.
Cette humanité ne cesse de croître à mesure que baissent les réserves énergétiques mondiales, épuisées par une demande exponentielle.
Ces réflexions sur l'énergie fossile poussent le lecteur, guidé par l'auteur, à se questionner sur l'énergie qui le fait marcher, avancer, vivre.
On découvre ainsi qu'un gisement quasi illimité existe au tréfonds de chaque être, pourvu qu'il parvienne à le découvrir en son propre sein.
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Nonobstant son côté extrême, je me sens beaucoup d'affinités avec Sylvain Tesson dans sa volonté de bouger mais aussi de se poser pour mieux réfléchir. Et encore une fois, il réussit son pari d'intéresser avec une démarche originale et un peu folle de longer à vélo et à pied l'oléoduc qui traverse l'Asie centrale, d'Ouzbékistan à la Turquie, en passant par l'Azerbaïdjan et la Géorgie. Une occasion de plus pour l'auteur de philosopher en compagnie du lecteur sur les moeurs des communautés rencontrées. Et toujours cette écriture inspirée pour évoquer la nature en même temps qu'un souci d'informer avec des faits concrets et des statistiques sur notre dépendance au pétrole et sur les enjeux planétaires reliés à l'environnement. Un très beau travail d'introspection et d'ouverture sur l'autre.
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1670 km c'est la distance de l'oléoduc qui relie Bakou - Tbilissi - Cehan et qui permet d'acheminer le pétrole de la mer Caspienne à la mer Méditerranée. Enterré ou aérien, ce long tube traverse l'Asie centrale pour déverser un million de barils de brut par jour ! Source d'énergie de nos voitures, chauffages, usines, ...
Mais de ce sang de la terre Sylvain Tesson ne boira pas une seule goutte car il va parcourir ce territoire sur sa vieille bicyclette. Fasciné, dit-il, par les tubes, il va consacrer son "temps d'avancer solitaire à réfléchir au mystère de l'énergie. Celle que nous extrayons des strates de la géologie mais aussi celle qui attend son heure au plus profond de nous".
Ce récit est extraordinaire car Tesson n'est pas du genre à raconter béatement un voyage. Tout est interrogé, la géologie et la chimie pour comprendre la transformation de la matière en pétrole et gaz, l'économie qui pousse l'homme à faire rendre gorge à la planète pour un profit à court terme, la physique pour définir ce qu'est l'énergie, la géopolitique, la sociologie et la philosophie à chaque coup de pédales.

Entre juin et septembre 2006 sous une chaleur accablante frisant les 50°, notre aventurier va pédaler, réfléchir, rencontrer. Il traverse des voies ferrés, des autoroutes, des forêts, des villes, des villages. Parfois mal accueilli, parfois chaleureusement reçu par des paysans, il regrette (et nous avec) les grandes absentes de ces rencontres : les femmes. "Au café, foule de moustachus. On me fête quand j'y fais halte. La plupart des hommes sirotent du thé. Pas une femme. Une absence douloureuse comme une amputation". Éternelles servantes elles ploient sous les tâches domestiques dans le seul domaine autorisé par les hommes : la maison.

Ce récit ponctué de rencontres éclairantes - comme par exemple le Président de la British Petroleum à Bakou, des crétins qui font des chasses à la saïga (une antilope emblématique et menacée de disparition) dans le désert de l'Oustiourt), des ouvriers de maintenance, Mimi Graceful cadre d'une compagnie logistique, Youri qui tient une quincaillerie et son frère Marzak, des paysans turcs, Lise et David... - offre d'autres points de vue que celui de notre aventurier. Tesson laisse s'exprimer la différence même si après coup il peut s'en désoler.

Ce livre se lit avec un oeil rivé sur une mappemonde : Mer d'Aral, plateau désertique de l'Oustiourt, steppes kazakhes, Aktau, Caspienne, Bakou, Azerbaïdjan, Caucase géorgien, Anatolie, Kurdistan. Les chapitres font rêver et incitent à aller faire quelques recherches internet.

Ce que nous offre Tesson avec cette énergie vagabonde c'est une observation du monde sans nostalgie mais avec parfois une touche de désespoir. Un examen de ce qui constitue l'humain et son "degré énergétique". Parfois il s'emballe, on dirait Achille préférant mourir jeune et laisser une trace plutôt que de disparaître dans l'oubli d'une longue vie tranquille "Trop parier sur sa survie, c'est rêver sa vie durant à un joli banc de bois, verni par le frottement des pantalons et sur lequel, comme les vieillards de Xanlar, on tuera le peu de temps en remâchant le souvenir du temps qu'on perdu à rêver à celui qui allait venir".

Même si on ne partage pas ses points de vue, Tesson nous impose une lecture "intelligente", il ne s'agit pas digérer des paysages, de se laisser bercer par le rythme de vélo... il nous questionne dans nos choix modernes, nos modes de vie avec "les villes clignotantes, rugissantes de circulation, vibrionnantes d'activité (qui) recrachent des enfants obèses, assommés de désirs, enfiévrés d'envies et dont le ressort énergétique sidéré de graisse s'éteint au fond d'eux comme la flamme d'une lampe tempête gorgée d'huile".
Une lecture énergisante et qui d'une certaine façon donne du courage pour affronter le monde car se prendre la vague de face plutôt que dans le dos est un gage de survie.
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De la Mer Caspienne à la Méditerranée, Sylvain Tesson voyage essentiellement à vélo, en suivant le cours des oléoducs et gazoducs ce qui l'amène sur le terrain de réflexions à propos de l'énergie. Destination et parcours originaux parmi les nombreux réalisés par l'auteur, rencontres toujours fréquentes, enrichissantes ou décourageantes parfois, absence de femmes à son grand regret (mais c'est quasiment le cas dans tous ses voyages) et faculté laissée au lecteur de tirer sa propre analyse des mystères de l'énergie. Toujours cette écriture riche, prenante, quelquefois pouvant devenir irritante mais cela passe vite à la lecture savoureuse de ce conteur voyageur.
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Il faut pour savourer un Tesson à sa juste valeur être en de bonnes dispositions. Une alchimie pas toujours facile à trouver même enfoncé dans un club confortable, face à un feu qui crépite, un verre de noble liqueur écossaise à la main ou mieux encore de cette vodka rugueuse qui suinte de l'encre de Tesson.

Pourtant, je crois sans m'en vanter outre-mesure, avoir trouvé l'exacte combinaison pour que le charme opère. Et dans un élan de bonté, dû sans doute davantage aux effluves éthyliques qu'à mon humanisme bougon et contrarié, je vous le partage : lisez Tesson un soir d'élection !

D'une part ça vous calmera et d'autre part vous serez, comme lui, prêt à fuir le monde et sa folie, à prendre les chemins noirs pour vous perdre dans les maquis blancs des cartes, loin de l'hommerie et de sa bêtise ovinesque. Alors, petit à petit, comme autant de pas enchainés par ce forçat du voyage, vous tournerez les pages.

Mû par une hypnotique énergie, vous fermerez les yeux et indifférent au présent militant, vous marcherez au bord de la Caspienne et vous affronterez la steppe, le grand révélateur, là où l'homme se fait aussi petit que son âme se fait grande.

Bonne route !
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De la mer d'Aral à la mer Caspienne, de Bakou à Tbilissi et Céhan sur le parcours exact des pipelines transportant le pétrole, Sylvain Tesson fait le récit de son voyage en vélo et à pied, et livre ses réflexions sur la modernité, l'exploitation des richesses de la planète, les voies du bonheur, les mystères de l'énergie.

Pas de déchet dans ce livre mais de l'or spirituel, de l'intelligence, une grande finesse d'observation, de l'humour, des anecdotes savoureuses qui côtoient des analyses perspicaces. Tesson est un poète, il joue avec les mots, il a le sens de la formule ramassée comme celle du lyrisme endiablé. Son énergie vagabonde est contagieuse, on rêve avec lui depuis son fauteuil, on voyage avec ses yeux, on partage sa vision désabusée de la modernité et on aime son regard d'enfant, sa curiosité insatiable, sa foi en la vie. A noter aussi le féminisme sincère qui parcourt l'ouvrage, mais plus largement l'oeuvre de Sylvain Tesson, qui déplore partout où il passe l'exploitation et le cloisonnement dont sont l'objet les femmes : port du voile, corvées en tous genres, relégation à la cuisine et au foyer domestique, mise à l'écart des discussions et de l'univers social qui concernent les hommes.

Le pétrole est un prétexte pour livrer mille considérations sur les territoires traversés. Oubliez le pétrole. L'or noir ici sont les lignes du livre tracées à l'encre. 227 pages en poche d'une grande densité, un régal.

J'aime cet auteur, le lire, l'écouter, il est roboratif.

Voir en "citations" des extraits différents de ceux déjà proposés.
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C'est mon premier livre de Sylvain Tesson. Je crois que les envolées lyriques de l'auteur m'ont toujours effrayées mais ce livre là avait tout pour plaire : un voyage à vélo au long court, les steppes d'Asie centrale et des pensées philosophiques sur notre monde. Au travers d'une démarche originale, l'aventurier Tesson nous embarque dans un voyage autant physique que spirituel, c'est ça l'énergie vagabonde et je ne pouvais que me lancer !!

BTC pour Bakou – Tbilissi – Ceyhan. le BTC ce sont quelques 1600 km de gazoducs pour acheminer le pétrole de la mer Caspienne à la mer Méditerranée, symbole d'un occident à l'appétit insatiable de cet or noir.

Sylvain Tesson a choisi de longer ces pipelines source d'énergie pour tous les excès du monde moderne à vélo ou à pied. Chevauchant sa vieille bicyclette, l'énergie qui lui permet d'avancer sur ces terres hostiles et arides (la température dépasse régulièrement les 40 degrés) est souvent mentale.

La géologie, les enjeux politiques et économiques, les choix stratégiques du tracé ... chaque coup de pédale est prétexte à la réflexion. Sylvain Tesson traverse villes et et nous fait découvrir des paysages industriels post-soviétiques ("là où passent les Rouges reste la rouille") suivant des kilomètres de pipeline, longeant voies ferrées, autoroutes ou parfois même un tracé théorique en pleine forêt quand l'oléoduc est enterré.

De la mer d'Aral asséchée à la Méditerranée polluée par une consommation effrénée, ce voyage n'a pas été une balade facile, tant pour celui qui pédale que celui qui lit et il a parfois fallu que je m'accroche. J'avoue que les digressions sur la théorie psychophysique de Maxime Gorki ou l'univers des sphères de Peter Sloterdijk m'ont laissée perplexe mais c'était pour mieux apprécier les récits de rencontres avec les paysans turcs, les ouvriers de maintenance sur les plateformes de forages, les transporteurs routiers, les cadres des compagnies pétrolières ou le couple de voyageurs à vélo amoureux ... autant d'éclairages sur ces pays et leurs coutumes.  Il y a de l'humour et de l'ironie dans ces moments, d'autant que l'aventurier n'est pas de ceux qui pratiquent la langue de bois, quitte à fuir en courant.

J'ai lu ce livre en suivant du doigt le tracé sur une carte (les cartes dessinée par l'auteur sont d'ailleurs à la fin de livre) : Ouzbékistan, Mer d'Aral, Kazakhstan, mer Capsienne, Azerbaïdjan, Georgie, Anatolie, Kurdistan, Turquie … j'ai parfois eu du mal à localiser ces régions mais ce qui m'a impressionné, c'est la lucidité de ces réflexions. L'examen que fait Sylvain Tesson des rapports entre les énergies fossiles et l'humanité invite le lecteur à s'interroger sur l'emploi (et le gaspillage) de cette énergie moteur de notre quotidien.

Aventure, introspection, et le monde d'après ?
Ce livre est un mélange de récit de voyage, d'essai et d'analyse géopolitique. Déjà en 2006, Sylvain Tesson met en exergue les enjeux planétaires liés à l'environnement. Lire ce livre à la fin du confinement m'a plongé dans une forme de désespoir tant les choses se sont dégradées en à peine plus de dix ans et tant elles semblent si peu amènes à évoluer (petite parenthèse post-confinement sur les milliards que l'on va injecter dans l'économie mondiale afin de pousser davantage à la consommation sous prétexte de relance et au détriment de l'écologie).

Il s'en dégage une certaine amertume adoucie par le style imagé, poétique et érudit de l'auteur. Outre la carte pour suivre l'itinéraire de cette ligne BTC, il m'aura aussi souvent fallu l'emploi du dictionnaire en quête de définitions exactes mais cette richesse là m'a infiniment plue … vivement que je reparte sur les routes littéraires de cet aventurier un peu sauvage !!
Lien : http://www.instantanesfutile..
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