Ce roman m'a accroché dès sa sublime couverture.
Peu après avoir repéré l'objet visuel, je me précipitais directement pour l'acheter et ce, sans même avoir pris le temps de me renseigner sur l'histoire. Une fois encore je fonctionne au coup de foudre, et une fois encore mon instinct ne me trompe pas. Car, après avoir refermé en tremblant le livre, je peux l'écrire directement, j'ai adoré cette première oeuvre de
Karen Thompson Walker et il manque de peu d'entrer dans la catégorie de mes nombreux livres de chevet tant il m'a bouleversé à mesure qu'on se rapprochait du final.
De quoi parle
L'âge des miracles ? Sous couvert d'une SF parfaitement plausible (l'inexorable fin du monde suite au ralentissement de la Terre), de l'éclosion des sentiments et sensations de Julia, jeune fille d'alors 11 ans quand les événements surviennent. Julia est à la fois la narratrice sur l'instant quand elle-même "adulte" n'intervient pas dans certaines digressions pour nous rappeler que les choses vont de mal en pire encore plus plusieurs années plus tard.
Cela pourrait être un roman sur une maladie incurable ou le deuil qu'on ose nommer, c'est au fond la même problématique : comment font les gens pour continuer à vivre avec ça ? Il y a ceux qui essayent de s'adapter aux nouvelles conditions de journées et de nuits, toujours plus longues, échappant aux système d'heures, et ceux qui continuent de se baser sur le système des 24 heures, faussées mais délivrant un certain carcan qui permet de ne pas sombrer immédiatement dans une certaine folie.
Pourtant la folie guette d'une certaine manière. En mêlant des données implacables au récit d'une jeune fille timide et refermée, Karen Thompson livre un matériau intimiste qui sort parfois de son cadre avec une certaine fureur ouatée. Il y a "les symptômes", pas vraiment une maladie mais le nom donné aux effets que ressentent tous ces gens touchés par le ralentissement, comme n'importe quelle espèce animale. Cela se traduit de plusieurs manières chez l'être humain et certains s'en sortent d'ailleurs mieux que d'autres.
Et puis il y a les animaux qui se retrouvent déboussolés et finissent par lentement tous disparaître. Ce qui est alors spectaculaire devient cruellement par répétition des plus banals. Par exemple les oiseaux qui ressentent tous de plus en plus l'accroissement de la gravité. Quand ceux ci ne s'écrasent pas, perturbés par ce nouveau poids ou leurs efforts pour voler; certains se laissent mourir, n'ayant plus la force de s'envoler. Les cétacés et surtout les baleines s'échouent par centaine, puis milliers sur les plages, leur système d'écholocation bousillé, leurs repères modifiés par cette marée qui a alors pris du terrain sur les côtes de Californie à tel point que plusieurs maisons en deviennent immergées, créant des passages plus qu'oniriques.
Les humains étant aussi des animaux à la base (voui, voui, ne le nions pas hein), ils se dérèglent aussi plus ou moins.
Comme je l'avais écrit plus tôt, certains choisissent de suivre "le rythme solaire" par opposition au temps fixé par l'Homme. Cela se traduit par de rares personnes qui sortent quand il fait jour ou dorment quand il fait nuit là où les autres suivent le principe des 24 heures d'une ancienne journée habituelle --faussée dorénavant, occasionnant parfois des scènes irréelles où les villes semblent presque désertes et mortes.
En grande partie, ce sont des marginaux, artistes, poètes, originaux, ou opposés aux institutions qui essayent de vivre de cette manière. Certains iront même dans des communautés "plus libres" loin de tout en pleine nature. Une manière de se rassurer en tentant de croire qu'on peut s'adapter en quelque sorte.
Et puis en plus des "symptômes", il y a les pulsions. Avec ce dérèglement de temps, les humains changent, sans doute sentent-ils pour certains leur fin prochaine et font ils tout pour vivre le plus intensément possible. Il en va de même de la petite vie de Julia, une adolescence presque comme toutes les autres mais où chaque moment compte, le coeur qui bât grâce à la présence de Seth Moreno, le garçon qu'elle aime. Est-ce le dérèglement qui poussera Julia a voler un soutien-gorge dans un magasin qui essaye de rester ouvert pour les tenants du rythme libre et les autres ? Ou juste le désir de grandir alors que sa poitrine n'a pas encore muée ?
C'est simple à lire, passionnant et très intimiste, loin de tout coup d'éclat constant. Ménageant à la fois des situations pouvant très bien théoriquement arriver (hélas) avec une description poussée des états d'âme adolescents et des tableaux presque fantastiques résultant des diverses conséquences de la catastrophe,
L'âge des miracles sidère tout le long et marque durablement une fois qu'on a fini le livre, qu'on soit plus que touché ou pas.
Grand livre que je vous recommande.
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