AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,03

sur 287 notes
5
23 avis
4
25 avis
3
7 avis
2
1 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Lors de la passionnante entrevue avec des lecteurs Babelio, Kim Thùy a dévoilé que c'est une incroyable photographie de Chick Harrity qui était à l'origine de ce très beau roman : un bébé qui dort dans une boîte en carton, sa main qui en sort touchant celle d'un petit garçon recroquevillé contre la boîte. Deux orphelins dans la rue, à Saigon, en 1973, en pleine guerre du Vietnam. le genre de photo qui vous bouleverse. Kim Thùy a imaginé le destin de ces deux enfants, devenus adultes.

Ce qui est très impressionnant, c'est qu'en seulement 150 pages, elle est parvenue à une épure riche de sens et très prenante émotionnellement. Rare un roman qui dit autant, avec autant d'intensité, avec un tel art de la concision. Tout le contexte de la guerre du Vietnam est évoqué, mais de façon subtile, par touches, remontant même à l'Indochine française et à ses plantations d'hévéas. Rien n'est occulté des tragédies des ces deux époques : l'exploitation des coolies et le droit de cuissage, le massacre de My Lai en 1968, le recours à l'épandage d'herbicides défoliants ( agent orange notamment ), mais aussi l'opération Babylift de 1975 qui permet l'évacuation de milliers d'orphelins vietnamiens adoptés par la suite aux Etats-Unis.

Et pourtant, Em est un roman tourné vers la vie, lucide et optimiste. On entend des mots sans colère, ni haine, ni rancune, des mots qui respirent de façon apaisé, presque calme. Comme si le Bien se faufilait dans les fissures du Mal. Les personnages sont tous plein de drames et de larmes, mais ils avancent : Tam née à l'époque indochinoise d'un colon et d'une coolie, survivante d'un massacre, sauvée par sa nounou ( magnifique personnage, incarnation de la loyauté et de l'altruisme, qui coud sous ses vêtements les bijoux qui vont payer à sa protégée l'éducation occidentale à) laquelle elle aurait eu droit sans le meurtre de son père ) ; Em et Louis, les deux orphelins métis nés de mères vietnamiennes et de pères GI's, qui seront en quête d'identité.

C'est dans ce faisceau de personnages poignants que l'illustration de la couverture résonne. Réalisée par l'artiste canadien Louis Boudreault, elle est juste sublime. Des fils tissés qui sortent d'une boîte en carton. Au départ, les chapitres, très courts, sont peints comme des tableaux impressionnistes, sans lien apparent. Et puis à mesure que l'auteure tisse son récit qui se déploie tel un kaléidoscope plein de sens. Pas grave si la rencontre presque magique tissée entre les deux orphelins semble complètement improbable dans la vraie vie, on y croit à cet incroyable destin. le récit touche ainsi au conte pour célébrer la résilience et surtout l'amour, tellement simple là où est la vie n'est que complexité. Les fils se cousent, s'assemblent avec une belle liberté, certains ne seront pas noués ou n'arriveront pas à destination.

Avec son écriture ciselée, ses phrases peaufinées avec minutie, ce subtil roman distille un charme et une sagesse qui ne peuvent que toucher par leur générosité jusqu'à son titre polysémique : «Em », « petite soeur » ou « petit frère », «  bien-aimé.e » en vietnamien, prononcé « aime » en français.

Commenter  J’apprécie          13310
En 1973, le photographe Chick Harrity émut l'Amérique avec une image prise pendant la guerre du Viêt Nam : une toute petite fille endormie dans une boîte en carton, donnant la main à son frère couché à ses côtés dans une rue de Saigon. Ces deux orphelins ont inspiré à Kim Thuy les personnages de cette histoire : Em Hong, bébé abandonné recueilli par Louis, lui aussi enfant des rues de Saigon, évacués de la capitale au cours de l'opération Babylift qui, en 1975, envoya aux Etats-Unis trois mille enfants vietnamiens, orphelins de guerre ou nés de GI‘s.


L'histoire d'Em et de Louis, adoptés puis devenus adultes en Amérique, est l'occasion de nous plonger dans la guerre du Viêt Nam, en une série de flashes où resurgissent tour à tour l'exploitation des coolies dans les plantations d'hévéas de l'Indochine française, le massacre de My Lai jugé plus tard comme « l'épisode le plus choquant de la guerre du Viêt Nam », les épandages d'agent orange - ce défoliant qui empoisonna durablement les populations locales -, et enfin le sauve-qui-peut et l'évacuation d'enfants lors de la prise de Saigon par les communistes.


Chaque scène est marquante et comporte son lot d'émotions. Les mots de Kim Thùy alignent une série d'images fortes qui n'ont rien à envier à la photographie à l'origine de ce livre. Pourtant, le ton est calme, presque apaisé, sans rancune ni colère. Car ce qui l'emporte dans ces pages est au final l'affection tendre contenue dans le mot em : « petit frère » ou « petite soeur », homonyme du mot « aime ». du carton de la photographie à la boîte pleine de fils de la couverture illustrée par l'artiste canadien Louis Boudreault, l'accent est mis sur les liens d'amour entre deux enfants qui, par delà la guerre et les continents, tissent peu à peu la toile de leur résilience.


Cette lecture m'a ramené à l'esprit la vaste fresque quasi documentaire Sud lointain d'Erwan Bergot, mais aussi le terrifiant Avant la longue flamme rouge de Guillaume Sire, qui débouche sur l'infinie culpabilité de faire partie des survivants. Kim Thùy a, elle, choisi de s'attacher à la part d'humanité sauvée de l'enfer, dans une narration éclair, ciselée jusqu'à l'épure, d'une rare et bouleversante intensité.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
Commenter  J’apprécie          8813
On a tous en mémoire les images d'un hélicoptère qui décolle en catastrophe d'un toit de Saïgon, avec à son bord deux fois le nombre de passagers autorisé. Malheurs à ceux qui sont restés, la résistance nord-vietnamienne les a châtiés.
Et ceux qui ont abandonné leur terre pour se donner un futur, que sont-ils devenus ? C'est le sujet principal du très beau livre de Kim Thúy. Des premières échauffourées à la débâcle finale, l'auteure suit les pas des enfants métis, nés de soldats américains, que leur couleur de peau trahit et qu'on tolère comme un mal nécessaire. Ils traversent les horreurs de la guerre, résistent à la misère, infusent la société comme ces mots étrangers, français ou anglais, qui s'immiscent dans la langue du pays. On suit les trajectoires de Mai, de Tâm, d'Em ou de Louis. Leur émouvantes épopée est le prétexte à des rappels historiques déconcertants, comme l'opération « Babylift » voulu par le président Ford (rapatriement des bébés nés de GI's) ou l'acharnement de l'occupant à défolier la forêt, condamnant ainsi des générations entières au cancer ou à la malformation physique.
Ce fut une guerre immonde (l'éloquence des chiffres p145) dont l'auteure résume l'absurdité par cet accablant constat : « j'ai évité de vous attrister (…) avec le document qui présente les raisons pour lesquelles il fallait continuer la guerre 1) 10% pour la démocratie 2) 10% pour prêter main forte au Vietnam du Sud 3) 80% pour éviter l'humiliation ».
Les rescapés qui ont rallié les USA sont devenus docteurs, hommes d'affaire ou très souvent, patronnes d'un salon de manucure. Et de finir sur cette remarque déchirante : contrairement à ce qu'affirmait son médecin, Tâm n'est pas décédée de la trop grande inhalation des vernis qu'elle utilisait dans son salon mais des effets tardifs de l'agent orange.
Notre imaginaire est pollué par les très nombreux films consacrés à la guerre du Vietnam, pourtant, Kim Thúy réussit à l'évoquer d'une voix singulière.
Bilan : 🌹🌹
Commenter  J’apprécie          400

Em ou la guerre à hauteur d'innocence, fragments d'enfances détruites.

Poésie brutale, frontale mais nécessaire sur la guerre qui secoua le Vietnam dans la deuxième moitié du XXème siècle.

Tachées de sang et de larme, chaque page porte en elle la gangrène physique et psychique des plaies ouvertes qui mutilent les victimes innocentes de la folie des hommes.

Collages de malheurs mais aussi de solidarité, d'amour et de résilience. « em » est un pur concentré poétique, philosophique et réaliste de la géopolitique de cette époque.

Un instantanné simple et cru d'une guerre froide pour l'occident mais qui fut bouillante pour le Vietnam.

"Em" est un livre très court qui nous emporte très loin, il faut en dire très peu, presque ne rien savoir. C'est une écriture sèche et blanche qui va formidablement bien avec le sujet qu'utilise la romancière Kim Thúy pour son quatrième roman...

En 150 pages on a l'impression de revivre Apocalyspse now, Full metal jacket et Voyage au bout de l'enfer....Une lecture rare qui laisse des traces. Une sacrée expérience littéraire...
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
Commenter  J’apprécie          360
Un roman court mais riche et dense.
De manière poétique, l'auteure entrelace des destins marqués par la guerre du Vietnam.
Des massacres, des viols, des exterminations, des boat people, des orphelins, un pays scindé en deux, des enfants déracinés, quelques sauveurs et des soldats aussi victime parfois.
Au gré de la lecture, aucun sentiment de haine ou de vengeance mais le désir d'être factuelle de montrer, souvent brutalement, la noirceur des événements.
Un roman qui se lit le souffle coupé.
Commenter  J’apprécie          340
Kim Thuy avoue à la fin de son roman qu'elle aurait souhaité " démêler les fils" "pour que l'histoire de ce livre soit claire pour nous.". Cependant la vérité,les vérités sont bien trop complexes pour être démêlées. Comme le lui a suggéré son ami peintre, créateur de l'illustration de ce livre, elle s'est contentée de tirer certains des fils,d'en suivre la trajectoire. Ces fils amènent le lecteur à suivre l'histoire et le devenir de quelques orphelins ,de quelques héros humains dans la guerre du Vietnam.
Sur un ton presque journalistique, descriptif, l'émotion n'est jamais nommée mais pourtant vibrante à chaque page. Les abominations d'abord venues de l'ennemi extérieur ont engendré un véritable fratricide. le cauchemar de cette guerre est dénoncée à travers des morceaux de vie,des focus de moments quotidiens. Sans analyse, à l'état brut, comme un grand tableau de collages. L'effet est saisissant,troublant, révoltant. Et pourtant se faufile,mine de rien ,un fil particulier parmi toutes ces prises de vues. Celui de la poésie,de l'amour,de l'altruisme. Ces petites graines qui survivent sur les terrains les plus minés,les plus immondes,et redonnent au monde visage humain.
Commenter  J’apprécie          300
Roman fictif, témoignage, suites d'anecdotes… ? Toujours est-il que Kim Thúy ne nous raconte pas une histoire ni l'Histoire mais une multitude d'histoires qui constituent une partie de l'Histoire de notre monde.
J'ai été autant surprise par la couverture (dont l'illustration prend sens au cours de la lecture) que par l'écriture elle-même. Je m'attendais peut-être à des phrases plus lyriques, à des mots emplis d'émotions. Au contraire cette écriture m'a paru froide et détachée au premier abord, se bornant à restituer des faits avec une grande concision. Et pourtant les émotions sont bien là, présentes au plein coeur de notre lecture, bouleversantes et obsédantes car plusieurs jours après on y repense !
Au départ l'écriture peut sembler décousue : on passe en effet d'un sujet à l'autre et d'un personnage à l'autre en changeant de chapitres, lesquels sont brefs. L'auteure évoque tout aussi bien un arbre, qu'une famille ou bien encore un bol de nourriture.
Néanmoins progressivement on retrouve une trame et chaque élément va rejoindre les autres. A la fin de l'ouvrage, nous avons bien le sentiment d'avoir lu des histoires qui forment un tout.
Kim Thúy parvient à nous narrer l'indicible : des violences, des douleurs et autres atrocités et injustices que comportent une guerre. Toutefois au-delà de cette horreur, elle apporte un message d'espoir, d'amour, de tolérance. Elle témoigne que la vie et une certaine douceur (em) l'emportent, douceur dans les sentiments envers un être que l'on accepte car il est dans la même survie. Bien des destins vont en effet se croiser, se séparer, se retrouver ou pas. Des enfants seront protégés, recueillis. Une femme éloignée de son propre enfant, chérira un enfant trouvé, perdu, mais tout aussi fragile.
L'auteure ne fait pas dans la psychologie, on ne sait guère ce que pensent les personnages. Elle se contente de dépeindre leurs actions, les actions qui mènent leur vie. Une écriture subtile s'il en est.
Ce récit devient universel et touche car il n'est pas centré uniquement sur le Vietnam. Bien des pays ont été impliqués dans le conflit, et bien des pays ont aussi accueillis les réfugiés qui ont fui leur terre natale. Ainsi tout le monde est en partie lié, à des degrés divers bien sûr, dans ces drames et ces vies bousculées. Pourtant l'auteure ne dénonce personne, on ne sent pas de rancune particulière envers untel ou untel. Il ne m'a pas semblé. J'ai trouvé ses propos apaisés et plutôt tournés vers l'après, la vie qui se poursuit et le titre suggestif : « em ». Elle a voulu mettre en avant une minorité souvent oubliée et pourtant au coeur des faits, les orphelins de guerre.
Il ne s'agit-là que de mon ressenti personnel à la suite de cette lecture. Il n'est pas aisé d'exprimer clairement ce ressenti, j'espère être restée fidèle à ce texte singulier.

J'ai envie de poursuivre ma découverte de cette auteure.

Je remercie Babelio et les éditions Liana Levi de m'avoir permis de faire cette lecture en attendant la rencontre virtuelle avec l'auteure.
Commenter  J’apprécie          301
Ce qui m'a le plus frappée de cette histoire, c'est la façon dont l'auteure parle du drame. On peut percevoir toute la violence en images derrière une poésie tout à fait non violente. Une façon d'écrire les mots...Très belle, quasiment douce et pourtant...rien n'est doux dans les faits. Un roman que j'ai trouvé beau, et triste. Qui va au fil des sentiments, de ses personnages. Tel un fleuve qui coule lentement. Les deux émotions, beauté et tristesse, "clashent" ensemble, ébranlent. Kim Thuy est vraiment spéciale. Je ne connais pas ses autres romans, ceci est le premier que je lis. Cela donne envie de la découvrir. Une image, un reflet, une perception, une parcelle du Vietnam comme on ne l'a jamais vue. "Em" nous apprend beaucoup de choses sur l'horreur qui a duré 20 ans. Tellement de victimes...de vies perdues innocemment. C'est un récit à découvrir. Attendez-vous à être ému !
Commenter  J’apprécie          207
Une escale au Vietnam pendant la guerre du Vietnam (version américaine) ou guerre américaine (version vietnamienne).
Un très joli récit, tentative de transmission de l'histoire des vietnamiens, tour à tour colonisés, massacrés, exilés.
L'autrice nous précise bien que ces fils de mémoire ne peuvent être que morcelés mais la trame qu'elle tisse est pleine de poésie, de tendresse et d'espoir.
Une très belle découverte.
Commenter  J’apprécie          160
J'ai beaucoup aimé ce livre fort qui peut faire office de témoignage et même parfois de récit journalistique. La narration est particulièrement intéressante, hachée avec des chapitres extrêmement courts, donnant encore plus d'intensité au sujet abordé.
Les personnages et informations sont denses, mais tous toujours liés par un fil ténu, tous issus d'une même boîte. Ils se croisent à un moment ou à un autre, se recroisent des années plus tard, au gré de l'histoire et des drames qui surviennent.
Comme dit précédemment les informations sont denses et j'ai appris beaucoup de choses que je ne connaissais pas, notamment l'opération Ranch Hand (avec l'herbicide Rainbow), ou l'opération Babylift.

Nous n'avons pas particulièrement le temps de nous attacher aux personnages, mais je pense que ce n'était pas le but recherché, le but étant principalement d'exposer les faits et de faire connaître au plus grand nombre les chiffres et horreurs liés à la guerre du Vietnam. Cela peut peut-être gêner certains lecteurs, mais cela ne m'a pas du tout bloquée.
Commenter  J’apprécie          110




Lecteurs (651) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3204 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}