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EAN : 9782350960951
400 pages
Les Prairies Ordinaires (21/10/2014)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
Le procès de Nuremberg (1945-1946) est devenu un symbole, celui d'un grand événement de justice internationale qui a permis d'affirmer que l'idéologie nazie ne devait pas rester impunie et relevait d'une nouvelle incrimination : le crime contre l'humanité. Cet ouvrage, qui place la focale sur la France, vient combler un important vide historiographique. La contribution française rappelle en effet que la justice internationale résulte d'un long travail de tractations... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Réflexions sur l'articulation entre l'écriture de l'histoire et l'acte de rendre justice

Dans une courte préface, Annette Wieviorkia parle de l'exposition détaillée d'Antonin Tisseron de la question de « crime contre l'humanité »… Elle ajoute : « Antonin Tisseron donne de l'épaisseur à un événement historique analysé davantage comme un avant (le crime contre l'humanité) que comme un événement en soi. La communauté des historiens peut lui en être reconnaissante ».

Novembre 1945, procès de Nuremberg et une nouvelle qualification « celle de crime contre l'humanité ».

Antonin Tisseron contextualise ce procès, interroge sur ce que pourrait signifier « la communauté internationale », comment analyser « l'étendue des crimes »… Qu'en est-il du « principe de responsabilité », du caractère spécifique du génocide ? Comment qualifier « l'inouï et l'inédit des crimes commis » ?

Il convient de rouvrir ce dossier « d'un jugement possible des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, comprendre pour aujourd'hui ce qui s'est joué alors dans ces premiers procès internationaux » et cela implique « d'y revenir en historien pour montrer que le procès de Nuremberg a été historiquement vécu comme un acte fragile, incertain ».

Que certains aient développé une « conception engagée et universelle du droit » est probable ; cela reste cependant un angle « juridico-juridique » fragile en regard de la construction sociale du nazisme, de la guerre, des massacres, des camps de concentration, de la destruction des populations juives ou rroms d'Europe, etc… Cela a plus que nuit à la « lisibilité politique » comme l'auteur le soulignera, en particulier, dans sa conclusion.

Aller du passé au présent, de Nuremberg à l'ex-Yougoslavie, au procès de Paul Touvier, du régime d'apartheid en Afrique du sud au Rwanda…

J'ajoute que cela peut éclairer des « crimes contre l'humanité » d'avant la naissance de cette notion…. extermination des indien-ne-s des Amériques, traites esclavagistes, colonisations, féminicides… Encore que nous n'en ayons pas fini avec l'esclavagisme, les colonisations, les féminicides et les aspects mortifères des modes d'organisation et de production dominants de nos sociétés…

Il ne s'agit pas, bien évidement, de mettre tout sur le même plan ou à l'inverse de ne retenir que certains crimes-massacres-génocides en déniant le terme à d'autres situations criminelles, mais de porter, à chaque fois, sur des analyses de preuves concrètes et de responsabilités, un jugement politique et historique.

« Cependant, il s'agit plutôt de chercher à montrer, à travers l'exemple de la France, comment les partisans d'un nouvel ordre pénal international se sont positionnés dans l'espace ouvert par la Seconde Guerre mondiale et la criminalité nazie pour défendre leur projet en l'intégrant dans la politique française et pourquoi, en dépit de la constitution d'un tribunal militaire international, ils ont échoué dans leur entreprise pour promouvoir une justice fondée sur un sentiment d'humanité ».

Le livre est divisé en trois parties : Un désir de justice (1941-1945), Représenter la France à Nuremberg (1945-1946), Un procès en héritage (1946-1958). Il s'agit d'un travail très détaillé. L'auteur insiste particulièrement sur les contextes géo-politiques, les contradictions, les intérêts des différentes « puissances » parties prenantes. La guerre et les crimes, la conflictualité sous ses formes extrêmes, ne sauraient être appréciés hors de leurs environnements socio-économiques. Comme l'indique l'auteur, se référant à Suzanne Engelson : « la conflictualité n'est en effet pas un phénomène sporadique, accidentel. Bien au contraire, elle est consubstantielle d'inégalités économiques et sociales… ».

Il me semble important de lire dans le détail, cet ouvrage et ces analyses. Cette histoire d'un passé récent nous projette dans des débats toujours encours, des situations répétées depuis. Sans oublier la nécessaire mémoire à (re)construire en permanence face aux révisionnistes qui défilent en Grèce ou tiennent paroles applaudies dans la mouvance Soral-Dieudonné….

En conclusion, Antonin Tisseron revient sur la nécessaire contextualisation, changeante avec la guerre dite froide et les révolutions coloniales, sur l'instauration d'un « refoulement autour de cette question au sortir de la Seconde Guerre mondiale ». Il insiste sur la dénégation de la dimension politique et l'enfermement dans des positions exclusivement juridiques.

Si reconnaissance de culpabilités, il y eut, « le ressentiment est resté. Récusant le pardon comme modalité de résolution du conflit et l'établissement d'une paix interne, les associations de victimes se sont engagés contre les projets d'unification par l'oubli et l'amnistie, considérés comme une défaillance du droit face à la criminalité étatique et bureaucratique. Il n'était pas question d'accepter un récit historique dépolitisé renvoyant dos à dos les parties par un jeu de miroir, n'effaçant pas le ressentiment et ne rachetant pas les crimes commis ».

Légalité peut-être, mais bien perte « en lisibilité politique, en légitimité et en efficacité ».

Un livre très éclairant sur les contextes, les choix dans une tentative fortement dépolitisée d'inventer un droit international. Sans oublier le recyclage par les uns et les autres de criminels nazis et de criminels scientifiques ou industriels, sans oublier non plus les massacres de l'armée française à Madagascar et en Algérie, au sortir de la guerre, et toujours non qualifiés en crimes.
Lien : https://entreleslignesentrel..
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
le ressentiment est resté. Récusant le pardon comme modalité de résolution du conflit et l’établissement d’une paix interne, les associations de victimes se sont engagés contre les projets d’unification par l’oubli et l’amnistie, considérés comme une défaillance du droit face à la criminalité étatique et bureaucratique. Il n’était pas question d’accepter un récit historique dépolitisé renvoyant dos à dos les parties par un jeu de miroir, n’effaçant pas le ressentiment et ne rachetant pas les crimes commis
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y revenir en historien pour montrer que le procès de Nuremberg a été historiquement vécu comme un acte fragile, incertain
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la conflictualité n’est en effet pas un phénomène sporadique, accidentel. Bien au contraire, elle est consubstantielle d’inégalités économiques et sociales…
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