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3,09

sur 44 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Même si je suis loin d'avoir lu tous ses livres, je suis une habituée de Nick Tosches. Je suis admirative de la beauté de son écriture, de la richesse de ses oeuvres. J'ai adoré passionnément ses polars, "Trinités", "La religion des ratés". J'ai été subjuguée par le tournant littéraire qu'il a pris avec "La main de Dante" ou "Le roi des juifs". Malgré tout, cela faisait longtemps que je n'avais plus rien lu de cet auteur atypique. C'est donc grâce à une opération masse critique que je suis revenue à Tosches avec "Le diable et moi".

On lisait dans "La main de Dante" et "Le roi des juifs", oeuvres qui s'éloignaient considérablement de la structure classique de romans, toute l'érudition de l'auteur. Une érudition assortie d'un style magnifique, d'une écriture d'une beauté à couper le souffle. Tout ça n'était pas exempt de prétention. Tosches est cultivé, intelligent, érudit, il est un auteur de génie et j'avais tendance à penser qu'il le savait. "Le diable et moi" me permet de découvrir avec bonheur une autre facette de lui. Je connaissais le Tosches érudit, le Tosches fier, sûr de son talent. Je voyais en lui un salaud génial, une ordure magnifique, empli de prétention et plein de mépris pour l'humanité. Je découvre ici le Tosches émouvant.

Dans cette auto-fiction, Tosches se livre, se met à nu. Il expose ses failles, ses doutes, ses angoisses, ses démons. Et cet autoportrait d'un homme vieillissant est bouleversant. En se livrant ainsi, il créé une proximité troublante avec le lecteur. Je me suis sentie prise d'une tendre affection pour ce génie malheureux. J'ai eu envie d'étreindre son âme, son coeur, son corps, tout son être.

"Le diable et moi" c'est la sublime histoire d'une renaissance, une résurrection dans la douleur qui prendra d'étranges chemins de traverse. Cette renaissance sera d'abord celle, illusoire et éphémère, du corps. Grâce au sang de jeunes femmes, le soixantenaire à la peau flétrie, au corps usé par les excès, voit son corps retrouver une nouvelle jeunesse. La peau se raffermit, le regard se vivifie jusqu'à devenir surnaturel... Il ressent de nouveau l'exaltation, reprend goût aux plaisirs terrestres, que ce soient ceux de la chère ou de la chair. Les descriptions sensitives sont d'une incroyable beauté. Lorsqu'il égrène les ingrédients d'un plat, Tosches devient poète et nous met l'eau à la bouche. Lorsqu'il évoque la sensation du vent sur sa peau ou la musique née d'un bruissement d'ailes, il nous subjugue par la subtilité et le lyrisme de sa plume. Les scènes érotiques sont troublantes, enivrantes, enflamment l'imaginaire et sont parmi les plus belles que j'ai pu lire. Les étreintes sont tendrement bestiales, raffinées à l'extrême et pourtant empreintes d'une intensité primitives.
Cette jeunesse retrouvée en buvant à la source même de la fontaine de jouvence, renaissance illusoire, sera bien éphémère. Et Nick sera confronté à lui-même dans un face à face diabolique avant de passer tout près de la mort. Etape nécessaire avant la vraie résurrection, la renaissance de l'âme. Nick finira par trouver une forme de paix intérieure, se réconciliant avec lui-même, se réconciliant avec la vie pour enfin être libre.

L'écriture de Tosches, toujours aussi puissante et belle, se fait plus épurée. Cette humilité stylistique lui sied à merveille. Ce récit touffu, magistral, offre une lecture en forme d'expérience sensuelle, sensorielle et émotionnelle vraiment unique. Je remercie chaleureusement Babelio et les éditions Albin Michel pour cette lecture intense.
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Je devais déposer ici un CR de lecture suite à l'envoi par Babelio du dernier ouvrage de Nick Tosches. Or, je vois que j'arrive après tant d'autres lecteurs et CR de lecture que je ne vais pas donc alourdir de blabla supplémentaire la fiche de ce livre en ligne. Ce que j'aimerais toutefois souligner pour le lecteur curieux mais non coutumier de cet auteur est que cette oeuvre - car il s'agit d'un ouvrage que l'on peut et doit considérer comme une oeuvre par la manière même dont il vient éclairer les ouvrages antérieurs de l'écrivain et s'inscrire dans son évolution atypique au coeur de la littérature américaine contemporaine (Cf ses essais sur l'Amérique, la musique, les figures mythiques, etc.) - est à prendre comme une performance d'écriture avant toutes choses :
- performance dans la manière même où le sujet abordé est décrit de sorte qu'il "heurte",
- performance dans son genre (on est toujours au bord de l'autofiction déconstruite et reconstruite selon des besoins stricto sensu de justifications littéraires, voire extra-littéraires (sur l'art des couteaux japonais pas exemple) qui font la "marque" (son style) même de l'auteur de sa propre justification à écrire (encore malgré tout),
- performance dans sa volonté absolue d'être "littéraire" afin d'exprimer les évènements de la vie à partir d'une posture existentielle ou d'un postulat qui fait de la littérature un moyen et une fin (contre la modernité sociétale),
- performance dans la langue (le parlé et le phrasé sont une et même chose dans leur différence : il suffit de savoir ce qu'est le "verbe" dans le sens littéraire encore donc),
- performance du récit (418 pages bien denses et fortes, tant en émotions qu'en réflexions qui jouent avec le temps même du lecteur, largement malmené (cela est fait exprès),
- performance dans l'analyse sociétale contemporaine ramenée à une sorte de brutalité historico-religieuse quant aux scènes "érotiques" (ce qui permet une lecture transversale de l'économie et du capitalisme, cette "part manquante" dirait Georges Bataille, à travers des ébats sexuels d'un autre temps réactualisés aux besoins actuels des limites ou de l'illimité de cette société (à travers le corps : belles descriptions quasi sadiennes),
- performance enfin du livre lui-même comme roman mainstream lancé par une (des) maison(s) d'édition (américaine et puis française) comme s'il s'agissait d'une sinécure, d'un divertissement "culturel" alors même qu'il s'agit de se confronter sérieusement à "l'oeuvre" (rabelaisienne par nature : cul, bouffe, sang, stupres, fric), de s'y enfoncer, de la saisir, d'en comprendre la révélation secrète (le plus difficile : comprendre quoi ?)... car elle possède, comme toute grande oeuvre, un secret, un secret qui revient dans chacun des ouvrages de l'auteur et dont je conseillerai au lecteur novice de commencer par ces 2 titres éclairants ("Réserve ta dernière danse pour Satan" & "Confessions d'un chasseur d'opium" aux Editions Allia) avant d'en passer par la somptueuse et ambitieuse "Dans la main de Dante" (Editions Albin Michel et Livre de Poche). Ainsi, pour conclure, disons simplement que "Moi et le Diable" est une partie du tout que forment les ouvrages de Nick Tosches et que c'est ce qui en fait l'un des plus grands écrivains américains du XXIe siècle.
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