Citations sur Le Roi des Aulnes (187)
Pour percer le mur de notre cécité et de notre surdité, il faut que les signes nous frappent à coups redoublés. Pour comprendre que tout est symbole et parabole de par le monde, il ne nous manque qu’une capacité d’attention infinie.
La mauvaise fée qui d'un coup de baguette magique transforme le carrosse en citrouille et le petit garçon en âne, je la rencontre tous les jours, c'est la fée Puberté.
La vie et la mort , c'est la même chose . Celui qui hait ou craint la mort, hait ou craint la vie . Parce qu'elle est fontaine inépuisable de vie , la nature n'est qu'un grand cimetière , un égorgeoir de tous les instants. Franzi est sans doute mort à cette heure. Ou bien il va mourir dans un camps de prisonniers.Il ne faut pas être triste. La femme qui porte l'enfant doit aussi porter son deuil.
Il y a deux sortes de femmes. La femme-bibelot que l’on peut manier, manipuler, embrasser du regard, et qui est l’ornement d’une vie d’homme. Et la femme-paysage. Celle-là on la visite, on s’y engage, on risque de s’y perdre. La première est verticale. La seconde horizontale. La première est volubile, capricieuse, revendicative, coquette. L'autre est taciturne, obstinée, possessive, mémorante, rêveuse.
L’une des inversions malignes les plus classiques et les plus meurtrières a donné naissance à l’idée de pureté.
La pureté est l’inversion maligne de l’innocence. L’innocence est amour de l’être, acceptation souriante des nourritures célestes et terrestres, ignorance de l’alternative infernale pureté-impureté. La pureté est horreur de la vie, haine de l’homme, passion morbide du néant.
Dieu m'est témoin que je n'ai jamais prié pour une apocalypse ! Je suis un géant doux, inoffensif, assoiffé de tendresse qui tend ses grandes mains, jointes en forme de berceau.
La vie et la mort, c'est la même chose. Celui qui hait ou craint la mort, hait ou craint la vie. Parce qu'elle est fontaine inépuisable de vie, la nature n'est qu'un grand cimetière, un égorgeoir de tous les instants. Franzi est sans doute mort à cette heure. Ou bien il va mourir dans un camp de prisonniers. Il ne faut pas être triste. La femme qui porte l'enfant doit aussi porter son deuil.
(...) des petites habitudes intimes, vaguement honteuses, d'une absurdité apparente indéfendable (...) Par exemple le brame (...) C'est à la fois une mimique de désespoir et une sorte de rite pour surmonter le désespoir. Je me mets à plat ventre par terre, les pieds tournés vers le dehors, et je m'appuie des deux mains sur mes bras tendus, le buste dressé, la tête renversée en arrière vers le plafond. Là, je brame. C'est comme un rot profond et prolongé qui semble monter de mes entrailles et qui fait longuement vibrer mon cou. En lui s'exhale tout l'ennui de vivre et toute l'angoisse de mourir.
Le français avait horreur de la fonction, de l’uniforme, de la place étroitement définie dans un organisme ou une hiérarchie. Le facteur français tenait à rappeler toujours par un certain débraillé qu’il était aussi père de famille, électeur, joueur de pétanque. Au lieu que le facteur allemand, engoncé dans son bel uniforme, coïncidait sans bavure avec son personnage. […] Et alors que la mauvaise pente française menait à la misère des teintes passées, des corps invertébrés, des relâchements douteux […], l’Allemagne était toujours menacée de devenir un théâtre de grimaces et de caricatures […]. Mais pour Tiffauges dont le ciel clouté d’allégories et d’hiéroglyphes retentissait sans cesse de voix indistinctes et de cris énigmatiques, l’Allemagne se dévoilait comme une terre promise, comme le pays des essences pures.
Tout est signe. Mais il faut une lumière ou un cri éclatant pour percer notre myopie ou notre surdité.