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Marcel Duhamel (Traducteur)Jacques-Laurent Bost (Traducteur)
EAN : 9782070406616
224 pages
Gallimard (23/10/1998)
4.01/5   35 notes
Résumé :
Un petit port du Maryland commence sa vie de tous les jours sous une bise glaciale.
Un petit port avec ses pêcheurs d'huîtres, son débit de boissons, ses marins, sa putain locale, et Jim, le pauvre nègre transi.
Et tout à coup la brutalité, le sadisme collectif se déchaînent et l'on assiste - sous couvert de moralisation - à un spectacle abominable, écoeurant. Les atermoiements de la police locale, la lâcheté, la veulerie, la sauvagerie des uns, l'impu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Jim est saoul. Jim tue une femme blanche. Malheureusement pour lui, Jim est noir, ce qui est déjà un crime dans les Etats-Unis des années 1930. Publié en France en 1951, ce roman noir de Don Tracy est réellement un ouvrage important sur le thème du racisme, à l'instar du « Chien blanc » de Romain Gary, bien plus tardif. Bien entendu, l'auteur ne minimise nullement l'acte du « nègre » mais là n'est pas son propos, même s'il métamorphose le meurtrier en victime, dans une scène d'une violence insoutenable. Non, ce qui l'intéresse est d'étudier et de démonter les processus psychologiques qui mènent à la justice expéditive (le lynchage) et à l'hystérie collective. Il place au départ un événement qui engendre les préjugés de toute une population vis-à-vis d'êtres humains considérés comme des animaux : ils sont irresponsables, puérils, fainéants (mais bons danseurs !). Ces idées préconçues sur une bonne partie de l'humanité conduisent à transformer une parodie de justice en un spectacle digne des jeux romains. Mais au-delà de cet événement atroce, Don Tracy analyse également les différentes réactions de plusieurs personnes en particulier. Car le racisme, c'est comme la peste, tous n'en meurent pas mais tous en sont frappés. Ainsi Al, ami d'enfance de Jim, blanc instruit, épris d'idées progressistes et égalitaires, se retrouve-t-il à hurler avec la meute assoiffée de sang et de bastonner le corps sans vie de son copain. Ainsi, dans les couples, les femmes poussent-elles leurs époux à participer à l'émeute hurlante. Ainsi, les autres noirs font-ils profil bas : ils se terrent chez eux ou fuient la ville. Ainsi les communistes, venus pour des raisons politiques, renient-ils leurs opinions emplies de revendications sociales. Que faire face à la cruauté portée à son paroxysme, avec la complicité de la loi (le shérif) et du pouvoir (le gouverneur) ? Pourquoi risquer sa position sociale pour défendre un « nègre » ? Pourquoi risquer sa propre vie ?
Mais la bête, quand elle a goûté au sang, elle en veut toujours plus. Alors elle cherche d'autres boucs émissaires. Quand il n'y a plus de noirs pour une bonne ratonnade, il y aura toujours bien un juif, un arabe, un homosexuel, un communiste, un journaliste, quelque part, en ville. La violence fait tache d'huile et se répand très lentement, en douceur dans les esprits et dans les coeurs.
Roman américain courageux, « How Sleeps the Beast » nous pose plusieurs questions, toujours très actuelles. Premièrement, comment réagirions-nous, nous, indignés par les actes de ces personnages de fiction, face à une telle démonstration de force aveugle ? Aurions-nous réellement le courage d'agir ou alors ferions-nous le dos rond ? Ensuite, à plusieurs reprises, Don Tracy fait tenir à ces gens-là des propos (valeurs de la suprématie blanche, minorités inutiles, profiteurs et assistés sociaux, justice lente et inefficace…) encore entendus, il y a peu, dans un reportage sur l'extrême-droite américaine. Mais ces affirmations ne sont pas propres aux Etats-Unis. Vivant dans un pays au passé colonial trouble (le Congo belge), j'entends encore ces paroles à propos des noirs (et de bien d'autres) dans la bouche de certaines personnes. Si bien que la bête immonde est toujours là, tapie dans l'ombre des consciences, n'attendant qu'un détonateur pour cracher à la figure de tous les humanistes, de tous les démocrates, de tous les hommes de bonne volonté.
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Un roman "noirissime" qui immerge immédiatement le lecteur dans une Amérique où la crasse morale et physique sont le lot quotidien des personnages décrits. La misère mine les relations humaines et l'alcool n'arrange rien à l'affaire.
Dans cet univers mesquin, un crime totalement gratuit dû à l'abus d'alcool va être le détonateur d'un déchaînement de haine et de violence aveugle.
On n'est pas dans un roman psychologique, les pires choses arrivent parce qu'elle semblent dictées par le pire, et rien que le pire.
On assiste, écoeurés, à la libération des passions les plus viles de l'humanité et dans le genre, c'est un festival sidérant...
Un roman fort !
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Le roman noir américain charrie, dans ses eaux troubles, des pépites sublimes.
La bête qui sommeille est de celles-ci.
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Polar coup de poing dénonçant la bêtise, la lâcheté, la violence aveugle dont est capable notre belle humanité.
Dans une petite bourgade américaine, Jim, pauvre noir paumé, après avoir trop bu, commet un viol. Très vite, il est arrêté et jeté en prison. La population locale va alors se déchaîner et vouloir lyncher le pauvre bougre.
Faux polar ? L'enquête est quasi inexistante dans ce livre et ce qui importe avant tout l'auteur, c'est la peinture d'une humanité écoeurante de veulerie, d'ignorance, vivant dans une misère sordide.
Don Tracy, sans donner de leçon, nous montre la puissance de la bête qui sommeille en chacun de nous.
Et le roman, de façon terrifiante, avance vers une fin inexorable, à laquelle aucun des protagonistes n'y pourra rien changer.
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Don Tracy l'a dit lui-même : de toute sa production, fort importante, c'est son livre préféré. C'est un réquisitoire implacable contre le racisme en Amérique dans les années 30. le manuscrit a d'abord été présenté aux éditeurs américains qui l'ont, systématiquement, rejeté. C'est en Angleterre qu'il a été publié pour la première foi, avant d'être repris aux États-Unis en 1938. Ce n'est qu'en 1951 qu'il est paru en France à la Série Noire.
Je pense que Gallimard aurait pu lui faire l'honneur d'une publication dans sa collection blanche au même titre qu'un Steinbeck. Il est des oeuvres dont la grandeur reste ignorée. Mais il n'est jamais trop tard...
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Dans les endroits où le capitalisme dresse les Blancs contre les Noirs, et entretient soigneusement la haine raciale pour leur faire oublier qu'ils sont mal payés, qu'ils vivent dans la misère, qu'ils n'ont pas les moyens de vivre comme des êtres humains. Le capitalisme entretient le lynchage. Le capitalisme favorise délibérément les lynchages, en utilisant les Noirs comme briseurs de grève contre les Blancs. Le capitalisme utilise le racisme comme dérivatif pour contrecarrer tous les mouvements qui luttent pour améliorer les conditions d'existence dans la région. (p. 117)
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Il suivi la foule. Bousculé par les hommes qui le croisaient, il fit demi-tour vers la ville. Il marcha d'abord lentement, mais le mouvement de la foule l'obligea å accélérer. Puis, entraîné lui aussi par la force aveugle et hideuse qui poussait la horde, il se mit à courir.
Il se surprit å crier avec les autres et s'arrêta, stupéfait.
"Moi ? pensa-t-il. Qu'est-ce-que je fais dans cette foule ? Pourquoi est-ce-que je crie avec les autres ? Je suis différent. Je ne suis pas un lyncheur. Je ne devrais pas être ici.
Il se mit au pas puis il recommença à trotter, puis à courir. Et bientôt, il se remit à hurler avec les autres. (p. 155)
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Il y eut un remous dans la foule. Elle avançait, elle reculait. Elle commençait à se convulser de plus en plus violemment. Les visages étaient comme tordus par une espèce de fureur démente. Les yeux étaient durs et brillants. Les poings se crispaient. C'était une horde primitive qui s'excitait au carnage en criant des mots guerriers. Le type de New York jouait le rôle du sorcier, en les réchauffant avec des phrases brûlantes auxquelles la répétition n'enlevait rien de leur virulence. Il brisait les chaînes qui retenaient la bête qui sommeillait en chacun d'eux. (p. 92)
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- Nègre, dit le sheriff, tu n'es pas près d'avoir un avocat communiste pour te faire durer deux ans. Tu n'iras pas à la grande ville où on te mettrait dans une grande chambre tapissée de velours rouge et où on te nourrirait de poulet rôti. C'est pas en ville que tu vas aller. C'est en enfer que t'iras ce soir, et j'espère que tu y brûleras pendant l'éternité pour les embêtements que tu m'as déjà faits et pour tous les emmerdements que je vais encore avoir par ta faute, salaud de nègre. J'espère que tu rôtiras pour l'éternité. (p. 108)
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"La bête qui sommeille en nous n'est pas celle que nous ignorons, mais celle que nous refusons de voir."
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