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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Isadora est en maison de retraite, dans une chambre quelconque tapissée d'un horrible papier peint jaune. Alors Isadora s'évade par la pensée, repense à sa vie dans la Maison, son cocon, auquel elle a dû s'arracher. Cette Maison était pourtant toute sa vie, son havre, son refuge, le lieu de ses plus beaux souvenirs, celui de ses rires d'enfant auprès de sa petite soeur Harriett.
Petit à petit, nous découvrons Isadora, sa personnalité étrange, farouche, égoïste, incapable de s'arracher de la Maison même une fois arrivée à l'âge adulte. Elle renonce même à se marier quand elle comprend que son potentiel mari voudra la déraciner tôt ou tard à de ce lieu si cher à son coeur. Isadora sacrifie tout à la Maison jusqu'à en devenir prisonnière, avec une vie presque recluse dont elle se satisfait malgré tout.
Perrine Tripier nous immerge avec beaucoup de talent dans la vie d'Isadora en peignant la nature, le jardin, le lecteur est étourdi par le soleil d'été, irait presque se chercher un verre d'eau à la cuisine tant il a soif à la lecture des courses échevelées dans les bois et après avoir construit une nouvelle cabane. Il remonte bien haut la couette ou le plaid à la lecture des hivers rigoureux qui figent le jardin dans le givre et devant le feu qui se meurt petit à petit dans la cheminée. Il hume l'air à la recherche de l'odeur des pollens de printemps, et est ébloui par les explosions de couleurs des fleurs du jardin. L'automne est la saison triste, la fin des rires des cousins, la maison se vide.
La langue est poétique, les phrases coulent entre nos doigts, on boit avec délice l'eau rafraichissante de l'été, les tasses de thé réconfortantes de l'hiver, on se pelotonne au fond du lit avec le livre, comme le faisait Isadora petite fille quand toute la famille sombrait à l'heure de la sieste dans la Maison blanche accablée par le soleil. La fin de vie d'Isadora et celles de la Maison se superposent, la peau du visage et les murs se craquellent, toutes deux ont des difficultés à tenir debout et à faire face à l'adversité. Isadora n'a plus qu'un souhait, que leurs fins s'unissent, que la Maison tombe en ruines, que plus personne après elle n'habitera. La maison sera son mausolée car nul n'est en mesure de rivaliser avec l'amour exclusif et illimité qu'elle lui a porté.
C'est lent, contemplatif, délicat, certains s'enchanteront, d'autres s'ennuieront.
J'ai pour ma part été conquise par la langue douce et râpeuse, l'amour débordant et les règlements de compte familiaux, la palette des émotions qui varie au fil des saisons ainsi que nos sentiments changeants à l'égard d'Isadora. Un premier roman très réussi qui ravit et perturbe, une auteure à suivre pour toutes les saisons à venir…
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Elle se souvient, lors de ces nombreux étés, des courses folles avec les cousins, la cabane haut perchée, les rires, les longues soirées, l'odeur du miel et de la résine, le moelleux du pain, l'immensité du ciel bleu, les battements des sauterelles, sa main dans celle d'Harriett...

Elle se souvient du craquement des feuilles sous ses pieds, l'automne venu, le silence de la Maison, le crépitement et la chaleur du premier feu de cheminée, l'odeur de la pluie la nuit, le bruit du vent sauvage, les vapeurs salées du potage, le chagrin de quitter la Maison pour aller au Collège...

Elle se souvient du soleil qui brille sur la neige, le grand rire de Klaus, les pulls de l'arrière-grand-mère, le réconfort du chocolat chaud de Petit Père, les figurines en bois de Noël, les cris des corbeaux noirs, le ciel gris, l'amour d'Oktav, le blanc éblouissant...

Elle se souvient du piaillement des oiseaux, les fils à linge tendus de draps, l'odeur de lessive, les dessins de Louisa, les brins d'herbe vigoureux, les rires clairs, la mélodie des cuivres et le poids de la solitude...


Ce n'est qu'au crépuscule de sa vie qu'Isadora quittera la Maison pour entrer à l'hospice. Une Maison où elle aura vécu toute sa vie, ne pouvant se résigner à la quitter, allant jusqu'à sacrifier l'amour d'un homme qui l'aura demandée en mariage. Une Maison qui aura connu, au fil des années, le bonheur en famille, des morts, des départs mais qu'Isadora aura aimée toute sa vie, y puisant sa joie de vivre, s'y ressourçant. Une Maison gorgée de souvenirs, de bruits, d'odeurs, de couleurs, de rires et de larmes, de cris et de silence. Au sein des quatre saisons, Isadora replonge, avec nostalgie, dans son passé, où elle retrouve les siens. Si les années passent, si la Maison se vide, si Isadora se retrouve seule, elle convoque à chaque fois l'enfance qu'elle tente de faire revivre, de peur, peut-être d'oublier, que ce temps est révolu et d'effacer les peines, les larmes, le silence et l'amertume. D'une infinie délicatesse, Perrine Tripier convoque l'enfance et donne à voir, à sentir, à ressentir des scènes, des événements, tels des tableaux qu'Isadora veut dépoussiérer. Sa plume, poétique, vivante, sensorielle, se révèle d'une incroyable justesse.

Un premier roman délicat et mélancolique...
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J'aime les romans qui parlent de maisons. J'aime les histoires familiales qu'elles renferment avec leurs secrets, leurs joies et leurs drames, leurs rires et leurs pleurs.

La Maison d'Isadora Aberfletch est au coeur du premier roman de Perrine Tripier. Lieu d'intimité et de refuge, de retrouvailles et de partages, de querelles et de réconciliations, lieu de mémoire et de drames, de solitude et de regrets, elle reflète l'âme de ses occupants.

« Il est des lieux qui vous harponnent. Qui enroulent leurs mailles autour de vos songes, qui ajustent leurs griffes, juste assez pour vous laisser grandir, mais avec dans votre chair la meurtrissure de leur emprise.
Il est des portes dont le bruit quand on les pousse est comme un cri du temps qui brise encore l'oubli.
Il est des escaliers dont on aimerait tant gravir à nouveau les marches, juste une fois, en laissant couler dans sa paume le poli froid de la rampe. »

*
Vous êtes-vous déjà senti attiré par un lieu, au point de ne pouvoir vous en détacher sans être amputé d'une part de vous-même ?
Isadora Aberfletch, la narratrice, a vécu toute sa vie dans cette grande Maison familiale au charme désuet. Elle s'est retranchée corps et âme dans une solitude voulue, vieillissant avec sa Maison, s'y fondant, rejetant comme une amante jalouse ceux qui pourraient également l'aimer et s'y sentir bien.

Mais maintenant âgée et en mauvaise santé, elle doit se faire une raison : c'est un crève-coeur de l'admettre, mais il ne lui est plus possible de vivre seule dans cette maison isolée, humide, pleine de courants d'air et beaucoup trop grande pour elle.
Dans la chambre de la maison de retraite qu'elle occupe désormais, ses pensées continuent à vivre dans cette Maison, au milieu de tous ses souvenirs.

« Quand on ouvre la fenêtre de la chambre pour aérer, pour assainir cet air d'hospice des chambres de vieille, j'écoute le vent sauvage qui vient du fond du monde, et je l'imagine avoir traversé ma forêt, épousé les contours de la Maison, chargé ses bourrasques des odeurs de résine que je connais tant, et mes narines frémissent de délice… »

*
Ses souvenirs sont si vifs que je n'ai eu aucun mal à m'y projeter.
J'ai imaginé cette Maison imposante, toute lasurée de blanc, posée au milieu d'une colline verdoyante parcourue de bois. Un jardin parsemé de fleurs des champs et un verger chargé de fruits gorgés de soleil l'enchâssent avec simplicité. Des rais de lumière s'infiltrent par les fenêtres étroites, traversent les pièces, éclairant les vieux meubles aux couleurs fanées, jetant un regard doux empreint de nostalgie.

Certains pourraient la trouver inquiétante, triste ou malaisante, mais du fond de la mémoire de la vieille femme, cette maison l'a toujours accueillie, rassurée, apaisée, consolée. Elle est un cocon, un refuge, un nid dans lequel elle se love et revit ses rêves d'enfant.

*
L'autrice évoque les épreuves d'une vie à travers la métaphore des saisons. Elles sont le fil conducteur et le fil de souvenirs qui s'enroulent inlassablement autour de la maison d'enfance d'Isadora.
En tournant les pages de chacune d'entre elles, c'est un nouveau tableau qui se dessine avec ses couleurs, ses lumières, ses odeurs et ses bruits familiers.

« Je rouvre l'album, et le premier souffle qui s'en dégage est un soupir du temps, une bouffée d'odeurs ternies qui me replonge chez moi, subrepticement, pendant une fraction de seconde avant qu'elle ne se dissipe. »

Le récit commence par l'été et s'achève au printemps.
Ces jours estivaux gorgés de soleil s'imprègnent de l'insouciance et de l'innocence de l'enfance.
La Maison, ouverte sur l'extérieur et la nature environnante, est le royaume des jeux et des bousculades, des cris et des rires d'enfants. Elle abrite leurs clowneries, leurs rêves, leur envie de liberté, puis plus tard, leurs secrets et leurs désirs naissants.
La Maison se pare de couleurs chaudes accompagnées de senteurs de sève et de fleurs, de draps frais délicatement parfumé à la lavande et séchés par le vent d'été, d'odeurs appétissantes de cuisine familiale et généreuse.

« Les soirs d'été… le murmure des grillons qui s'élève au creux de l'herbe ondoyante… Sentir le vent léger monter des sapins plongés dans l'ombre, avec le ciel qui se teinte peu à peu d'indigo, une seule goutte d'eau et un pinceau imbibé d'outremer pour que le pigment violacé se diffuse en veines liquides sur le papier blanc… »

Chaque saison qui passe apporte ses moments de joie et ses profondes douleurs.
Avec l'automne, ce sont des senteurs humides de sous-bois, le retour du froid et de belles flambées, l'éloignement et la solitude, la douleur de l'absence.
L'hiver a ses moments de bonheur, les batailles de boules de neige, les câlins au coin du feu, les odeurs de chocolat chaud et d'épices, mais aussi les silences tragiques et l'isolement pesant.
Jusqu'à l'apaisement et le réconfort du printemps reléguant les ombres des souvenirs en arrière-plan.

Les enfants grandissent et la Maison se vide, emportant la gaieté et les moments heureux, la chaleur de l'été et le sentiment de sécurité, les jeux dans le grenier et les cabanes au fond des bois.
Seule, Isadora reste, figée dans le passé alors que le temps continue sa route, emmurée dans un présent trop douloureux et un futur dans lequel il est impossible de se projeter. Son équilibre, elle pense l'avoir trouvé dans cette Maison, entourée de ses souvenirs.

« J'avais compris que le passé était la seule chose qui valait la peine que ma vie soit vécue. Moi, la Maison et nos souvenirs, nous ferions de grandes choses. Car les choses familières ne sauraient mourir. »

*
La jeune autrice explore avec profondeur et poésie les pensées de la vieille femme. L'écriture, mélancolique et nostalgique, saisit les variations dans les émotions, découvrant peu à peu les désillusions, les douleurs.

Dans « Les guerres précieuses », il y a cette fidélité à ses origines, cet attachement foncier à cette Maison qui fut le théâtre d'une enfance heureuse, cette Maison que la narratrice a voulu garder envers et contre tout et tous.
Dans « Les guerres précieuses », il y a la fugacité du temps, l'importance de la mémoire et des souvenirs.
Dans « Les guerres précieuses », il y a tous ces moments de partage et de convivialité, toutes ces joies enfantines qui résonnent de cris perçants, de disputes et de rires. Des instants précieux qu'Isadora ne veut pas oublier, afin qu'ils ne meurent pas une seconde fois.

« Pour moi Petite Mère était translucide dans la véranda, elle peignait des toiles invisibles que nous ne savions pas voir. Elle emplissait mes souvenirs avec ses bras aux parfums de fleurs, elle me souriait dans mon sommeil, elle infusait tout. Rester à la Maison, c'était rester auprès d'elle, de la vraie elle, mais ça personne ne le comprit. »

Mais tous ces souvenirs ne sont-ils pas le plus souvent embellis par le passage du temps qui conserve les illusions, l'innocence et l'immaturité de l'enfance ?

*
Pour conclure, ce que j'ai apprécié dans « Les guerres précieuses », c'est la justesse du ton, le rythme lent et introspectif, la profondeur des émotions qui évolue avec le changement de saisons, le charme suranné de cette Maison, ces escapades dans la nature, l'atmosphère sensorielle, intimiste et contemplative.
C'est un petit roman à la fois doux et amer, triste et gai, tendre et âpre, vibrant et troublant.
A découvrir.

***
Merci à tous mes ami.es sur Babelio, ils se reconnaîtront, sans qui je n'aurais jamais lu ce beau roman.
***
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Ecrire si magnifiquement un premier roman, à l'âge de 24 ans, j'en reste sidérée... Et qui plus est, prendre le point de vue d'une vieille femme se penchant sur un passé jamais quitté avec une telle justesse, je ne peux que murmurer: " Quel talent!"

Un murmure, oui, un souffle qui vous enveloppe, comme les pensées secrètes d'Isadora, arrachée au lieu chéri , qui filent vers l'enfance, à travers les saisons, en recherche éperdue de la lumière dorée qui coule, du bois, de l'étang et des pins. de la Maison, qu'elle a aimée si follement, si égoïstement, il faut le dire aussi.

Car la narratrice a préféré cette maison à tout, la découverte du monde, l'amour, les contacts sociaux. Solitaire, elle y égrène ses souvenirs, vivant avec le fantôme de sa soeur fusionnelle . On peut ne pas adhérer à ce choix, mais on reste fasciné par cet attachement si démesuré, presque désespéré, à un endroit.

Chaque phrase m'a fait vibrer, l'écriture est de toute beauté, nostalgique, poétique, et c'est elle qui contribue pour beaucoup à l'enchantement de ce livre, contemplatif et tourné vers un passé magnifié, une maison qui revit sous nos yeux. La Maison.
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Isadora raconte, depuis la maison de retraite dans laquelle elle réside, son Amour pour la maison de son enfance qui fut sa seule maison, son refuge, son nid.
Elle choisit de nous faire part de son histoire à travers les quatre saisons. Quelle riche idée !
Chaque saison va être associée à des souvenirs qui se veulent, pour certains gais, synonyme de bonheur, de l'insouciance de l'enfance, mais ce n'est pas ce que j'ai ressenti.
Ce n'est pas une histoire légère, l'atmosphère est pesante.
Si on ressent bien l'amour d'Isadora pour cette maison familiale, c'est un amour qui m'a mise mal à l'aise. Son attachement est troublant et même dérangeant.
La nostalgie qui parcourt tout ce roman est contagieuse et puis il y a son amour pour Hariett, sa jeune soeur, amour absolu qui là aussi est empli de nostalgie, de douleur.
Alors oui c'est très bien écrit, Perrine Tripier choisit avec soin ses mots, le vocabulaire est riche, les phrases ciselées et percutantes. Perrine Tripier sait transmettre le poids du chagrin, la lourdeur des souvenirs, la nostalgie.
En ce qui me concerne, j'ai eu la sensation d'être avalée, étouffée par cette maison familiale qui, loin de me faire rêver m'a donnée une seule envie, celle de fuir...
Je n'ai pas retrouvé ce sentiment d'oppression, d'alienation dans les critiques lues, je pense alors que mon goût de la liberté et l'imposante maison de mon enfance, chargée elle aussi d'une histoire lourde, n'y sont sans doute pas étrangers.
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Ma vie dans la grande Maison

Pour son premier roman, Perrine Tripier se glisse dans la peau d'une vieille dame contrainte de quitter la grande Maison où elle aura passé quasiment toute sa vie. Son regard sur sa vie en famille, puis en solitaire, est mélancolique et poétique.

La littérature a ce côté magique qui permet à une jeune femme de 24 ans de se glisser dans la peau d'une vieille dame. Perrine Tripier est donc Isadora Aberfletch. Au soir de sa vie, elle se souvient des années passées dans la Maison avec un grand "M". Il faut dire que la grande bâtisse blanche au milieu d'un grand parc, blottie entre les grands sapins bleus et les érables, est plus que centenaire. Elle aura accueilli plusieurs générations et conserve la trace de leur passage. Aussi peut-on la considérer comme un personnage qui "enroule ses mailles autour des songes", «juste assez pour vous laisser grandir, mais avec dans votre chair la meurtrissure de leur emprise.»
C'est dès sa jeunesse qu'Isadora comprend que sa vie se fera entre ses murs et qu'elle sera dictée par ce choix. Pour continuer à pouvoir vivre là, elle ira jusqu'à dire non à Oktav, quand il la demande en mariage, «car il n'aurait jamais voulu qu'on vive dans la Maison». Mais n'allons pas trop vite en besogne et commençons par les jeunes années, quand près d'une quinzaine de personnes vivaient là. Outre les parents et la fratrie, les oncles, tantes et neveux en faisaient une époque joyeuse.
«Je veux me rappeler les voix d'enfants glorieux s'enchevêtrant, la tendresse froide et pudique de Petit Père, les jaillissements d'inspiration de Petite Mère quand elle se levait subitement de table, saisissait les pinceaux dans le pot sur le buffet et se ruait vers son atelier, dans un coin de la véranda. Je veux me rappeler quand Klaus, Louisa et Harriett étaient encore à la Maison, Klaus déjà à l'orée de l'adolescence. Il était beau, le grand frère prodige, brillant, drôle, insolent de talent.»
Perrine Tripier choisit alors d'oublier la chronologie pour nous raconter la Maison au fil des saisons. L'été, quand «tout le monde revenait de la Ville, refluait vers la campagne familière et les forêts nimbées d'ombre lustrale», promesse de joyeuses escapades, de nouvelles découvertes, de construction de cabanes en baignades dans le lac et d'explorations nocturnes nimbées de mystère. C'est aussi en été que s'échangent les premiers baisers.
L'automne symbolise quant à lui, la saison où la maison s'est vidée, où les jours raccourcissent, où le froid s'installe. L'hiver, en revanche, est plus gai. Autour des préparatifs de Noël, de la neige et des parties de luge, cette saison aura été sans doute la plus initiatique.
Reste le printemps et ses promesses de renouveau. Il fallait conclure cette éphéméride avec cette saison. Pour ne pas laisser la mélancolie tout emporter. Pour que les souvenirs heureux, «comme un cri du temps qui brise encore l'oubli», l'emportent sur l'inéluctable solitude, sur la mort qui vient après avoir déjà emporté les parents et la soeur Harriet.
C'est dans un style admirablement maîtrisé, avec quelque chose de proustien, que ce roman va toucher les lecteurs. Un roman qui fleure bon la nostalgie de cette maison et de cette jeunesse perdues. Un roman qui est aussi riche d'une belle promesse, celle du second roman – déjà attendu – de Perrine Tripier.



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A l'aune de sa vie, une vieille femme se remémore son passé, étroitement lié à la Maison qui l'a vue grandir. Souvenirs précis des étés de son enfance, comme d'une parenthèse enchantée, où la liberté et la conquête de nouveaux territoires se mêlaient aux jeux d'enfants. Nostalgie d'un monde qui n'est plus, d'une insouciance perdue avec les années et les drames… Au gré des saisons, les réminiscences d'Isadora se mêlent et s'emmêlent, dévoilant l'histoire d'une famille dont le portrait est à jamais figé dans une époque depuis longtemps révolue…

Voilà un texte de toute beauté pour décrire l'histoire d'une vie. Avec sa plume pleine de délicatesse et de poésie, Perrine Tripier nous invite à pénétrer dans la Maison, personnage à part entière de ce roman, gardé jalousement par sa propriétaire. En entrant dans cette demeure hors du temps, on s'immisce du même coup au coeur de l'intériorité d'Isadora. Au gré de ses souvenirs, on découvre une âme vibrant au même rythme que son antre, un personnage empreint de nostalgie dès sa prime jeunesse, qui défendra sauvagement contre tous, même les siens, son territoire. Gardienne de la mémoire collective, dernier rempart contre l'oubli, Isadora est un personnage touchant, prisonnière d'une tragédie qu'elle a elle-même orchestrée.

Perrine Tripier, âgée seulement de 24 ans au moment de la sortie de ce premier roman, fait preuve d'une étonnante maturité pour parler du temps qui passe et de la nostalgie face à la perte de ce qui ne reviendra pas. Sous sa plume gracieuse, le temps semble se figer pour nous offrir des instantanés au charme suranné. Un texte de toute beauté, qui invite à contempler le monde d'un regard neuf, avec des yeux d'enfant, laissant derrière lui un arrière goût doux amer. Une très jolie découverte assurément!
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Tout au long de ma lecture je me suis étonnée de l'âge de Perrine Tripier! J'aurais dû lui attribuer cinq étoiles pour la beauté de son écriture. Ce sont des tableaux impressionnistes qui se succèdent tous plus beaux les uns que les autres.
Mais mon étonnement est aussi lié à ce qu'une aussi jeune femme se glisse de cette façon dans la peau d'une vieille femme qui,à mes yeux,est passée directement de l'enfance à la vieillesse. Comme un bouton de rose prometteur qui ne peut ,finalement, s'épanouir, trop serti dans sa corolle. Cette femme est comme prisonnière d'une enfance idéalisée, cette enfance étant symbolisée par La Maison au point que l'amour des siens finit par passer en arrière plan pour pouvoir se consacrer exclusivement à cette maison. Une prison dorée dont elle garde les clés farouchement afin d'éviter toute intrusion. Elle ne tolère que le fantôme de sa petite soeur Hariette,peut-être justement parce que sa mort permet de maintenir l'idealisation. Je n'ai éprouvé aucune sympathie pour ce personnage égocentrique et dans un attachement pathologique à sa maison.
Je serai attentive au prochain roman de Perrine Tripier car si son personnage m'a dérangé, j'ai adoré son écriture et sa capacité à créer un univers très personnel.
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"On a tous dans le coeur une maison de rêve "...
Celle où on a véritablement passé son enfance où celle dont on a rêvé jusqu'à imaginer qu'elle a vraiment existé .

Le récit à la première personne est celui d'une vieille dame qui a quitté à contre-coeur sa maison pour l'Ehpad où elle va finir ses jours .
Cette femme, c'est Isadora, elle va raconter sa vie telle l'oeuvre bien connue de Vivaldi en la segmentant par saisons.

Sa vie ou plutôt, la vie de la Maison de son enfance , véritable personnage de ce roman comme d'ailleurs les saisons et reliés à jamais à ses jeunes années.
Elle n'a jamais voulu quitter ce lieu, ne vivant qu'à travers ses souvenirs .

Troisième d'une fratrie de quatre, elle est surtout attachée à sa plus jeune soeur.
Les enfants grandissent et quittent le nid, seule Isadora , enfermée dans une sorte de névrose obsessionnelle, se donne le devoir d'être la gardienne des lieux , des souvenirs, devenant parfois ogresse quand la génération suivante reproduit les jeux qu'elle partageait autrefois .

La description soigneuse , avec ses nombreux détails, les couleurs, les odeurs ou les sons réveille chez le lecteur ses sens et le pousse à se fondre dans ses réminiscences.
Cette façon de raconter est admirable et étonnante chez une auteure aussi jeune poussant le mirage jusqu'à faire renaitre "un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre ".

Peu de récits ont réussi à provoquer chez moi une telle nostalgie d'une enfance rêvée plus que vécue ...


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Une maison en quatre saisons.
Poétique et bucolique mélodie littéraire.

Un roman d'atmosphère et de sensations, mélancolique et contemplatif, animé d'une très belle écriture.

Une histoire chargée de nostalgie, de joies et de peines, de retrouvailles familiales ou d'éloignement, de complicité, de solitude aussi, racontée au fil des saisons et des âges d'une vie.

Une vieille dame ayant choisi de passer toute sa vie dans la Maison de famille déroule ses souvenirs des années bonheur de jadis… puis le temps s'écoule et ces réminiscences ne deviennent plus que limbes évocatrices dans un labyrinthe de spleen…

Le temps passe… Et certaines choses s'étiolent…
Cela m'a évoqué les tons pastel d'une aquarelle… Sepia des vieilles photos…
Dans les vacillements, à l'automne de sa vie, Isadora se remémore les bonheurs, les douleurs.

« Je me suis toujours sentie manquante, incomplète, loin de la Maison. Comme si une partie de moi s'était incrustée dans ses murs. »
L'histoire est centrée sur la relation très forte d'attachement liant la narratrice à la Maison.
Une relation d'exclusivité, quasi organique, viscérale.
Maison sanctuaire. Maison d'un poids infini et éprouvant pour Isadora. J'y ai ressenti la souffrance de son attitude passéiste derrière un certain déni.
« J'ai toujours eu le passé plus facile qu'eux. Eux, toujours trop dans la douleur du présent. […] J'avais compris que le passé était la seule chose qui valait la peine que ma vie soit vécue. Moi, la Maison et nos souvenirs, nous ferions de grandes choses. Car les choses familières ne sauraient mourir ».

Une lecture à la rencontre de ces deux « personnages » principaux et des différents membres de la famille « La petite tribu de la Maison », car chacun ressent la Maison à sa façon dans la famille.
Certains s'en vont, y reviennent parfois ; d'autres seront partis, à tout jamais…

C'est très mélancolique, une ambiance délicieusement champêtre et douce-amère imprègne ce roman. L'écriture est lumineuse, pleine de poésie, imagée et gracieuse. Et, d'une lucidité troublante pour une si jeune autrice, prometteuse et talentueuse dès ce premier roman.
*
J'ai pu trouver dans cette lecture mes propres souvenirs d'enfance des étés passés dans la maison de vacances des grands-parents à la campagne, du temps des cabanes dans les bois, des moments espiègles avec toute la flopée de cousins, des fratries nombreuses.
Et, en fond, j'ai ressenti beaucoup de mélancolie et de tristesse, une réflexion sur le sens à donner à notre existence, la difficulté de se séparer des choses, une réflexion sur le deuil, et qui nous renvoie à notre propre mort.

Un roman que j'ai apprécié même si le début m'a demandé une adaptation à son rythme plutôt lent mais au style remarquable.

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