Perte et fracas

Moi qui avais toujours cru que les gens qui possédaient ces belles maisons de banlieue étaient plus riches que moi, j'ai appris en les côtoyant qu'il s'agissait seulement d'une manière plus sophistiquée d'être sur la paille. Il y a d'abord le gros crédit immobilier, le prêt participatif pour rénover la cuisine et les salles de bains, puis les deux ou trois traites mensuelles pour les voitures de luxe et avant de comprendre ce qui vous arrive, vous avez déjà claqué cent mille dollars sur vos revenus nets d'impôts sans avoir posé le moindre morceau de pain sur votre table. Malédiction de la classe moyenne, mon oeil ! Ils s'infligent ce fardeau tout seuls, afin que leur vie ressemble à un film de Noël hollywoodien. C'est une existence tenue, construite sur une base de dettes colossales, et la moindre erreur de calcul, le moindre bonus trop maigre, le moindre mauvais investissement ou la moindre dépense imprévue risque de faire s'effondrer tout l'édifice.

Elle m'a souri à travers ses dernières larmes, les traits tirés, angoissés, un tantinet ravagé et c'est exactement ce qu'on cherche chez une belle femme : une faille dans son armure qui vous donne le courage de l'aborder. A défaut, vous vous contentez habituellement de lui tourner autour comme un charognard en observant les manoeuvres des autres prédateurs.

Dans le meilleur des cas, il est plutôt difficile d'établir des liens d'amitié avec un adolescent révolté. Mais quand vous couchez avec sa mère, rien ne va plus. Croyez-moi, cela exige des trésors de diplomatie. Dès mon arrivée, j'ai su que je devrais faire le maximum pour bien m'entendre avec Russ, histoire de rassurer Hailey. Si les choses tournaient mal, ce ne serait pas son fils qu'elle mettrait à la porte. Dernier engagé, premier viré.

j'ai perdu quelque chose à la mort de Hailey. J'ignore au juste comment l'appeler mais il s'agit de ce mécanisme qui vous retient de dire la vérité quand les gens vous demandent comment vous vous sentez...Il y a quelques semaines,un Témoin de Jéhovah, ou un Juif pour Jésus ou je ne sais quel ravi de la crèche vendant du Dieu en brochure, s'est pointé à ma porte pour me demander, sourire jusqu'aux oreilles :
"_ Avez-vous laissé entrer Dieu dans votre vie ?
_ Dieu peut aller se faire foutre", lui ai-je répondu.
Il a continué à me sourire d'un air béat comme si je venais de lui faire un compliment sur son costume minable.
"_ Je pensais comme vous autrefois, mon frère.
_ Vous n'êtes pas mon frère, lui ai-je rétorqué. Et vous n'avez jamais pensé comme moi. Si vous aviez un jour pensé comme moi, vous penseriez toujours pareil car ça ne s'en va jamais. Et vous n'iriez pas faire du porte-à-porte chez de parfaits inconnus avec ce sourire à la con en travers de la tronche !"

Nous avons suffisamment de monospaces pour faire fondre les deux calottes glaciaires à nous seuls, nous modernisons nos superbes baraques de quatre-vingt ans d'âge avec assez de câbles en fibre optique pour garrotter la planète entière, nous faisons pousser des galeries commerciales, des Home Depots, des Wal-Marts, des Stop ans Shop et autres hangars à marchandises comme des tumeurs sur le moindre lopin de terre disponible, mais nous avons aussi des lapins qui viennent batifoler sur nos pelouses comme dans une saleté de production Disney, alors le débat est clos. Nous ne faisons qu'un avec la nature.

Et je ne parviens toujours pas à me ressaisir, parce que chaque petite chose que j'enlève ou que je nettoie est une nouvelle trace d'elle qui s'efface pour toujours. Je voudrais installer des étançons ou des cordons de sécurité ,comme on le fait dans les demeures historiques pour empêcher les touristes de déranger le passé...

Read this one in english. As the first one I have been through, this Tropper is a very good book with a very pleasant writing. Another kind of sarcastic and funny view of people. Couldn't feel like this widower myself though : this kept me a bit away from the main character.
Fall 2014.

Parfois, la seule vérité que les gens soient prêts à admettre est celle avec laquelle ils se réveillent le matin.

A cause de cette tendance nouvelle que j’ai développée consistant à lâcher de mini bombes de souffrance à vif – mon syndrome de « tourette » émotionnel – et aussi parce qu’il m’est insupportable d’inspirer la pitié à qui que ce soit, à l’exception de moi-même, j’ai plutôt tendance à rester enfermé chez moi.

C'est la vie, voilà tout. Il n'y a pas de happy end comme au cinéma. Seulement des jours, des moments heureux. La seule fin véritable est la mort et, crois-moi, personne ne meurt heureux. Et le prix à payer, quand on ne meurt pas, c'est que tout change constamment, et la seule certitude sur laquelle on peut s'appuyer est qu'on ne peut s'appuyer sur aucune certitude.