Le fidèle qui arrive sur le parvis et s’approche de la cathédrale, tout en bas, par la force des choses, se sent écrasé par l’immensité de l’édifice. L’effet est recherché. Ses yeux sont irrésistiblement attirés vers le haut, par les cinquante-six rois de la galerie et des tours nord et sud, juste au-dessous du ciel. Immenses et majestueux, ils sont une invite à regarder plus haut encore, là où se trouve le vrai Roi, Dieu le Père qui voit tout : il le sait et en tremble d’effroi.
Lorsque, atterré par la conscience de sa petitesse et le poids de ses péchés, il baisse les yeux, il accroche, à hauteur de son visage un résumé de son histoire.
Son passé, tout d’abord, l’origine de tout, est rappelé en plein centre de la façade principale, sur le flanc du trumeau de Notre Dame : Adam et Ève, ses ancêtres, dont il porte le poids du péché originel, chassés du jardin d’Eden auquel il n’aura jamais accès.
Juste au-dessus de sa tête, son présent lui apparaît tout aussi clairement dans des images à peine métaphorisées de lui-même, bien visibles : des petites figures d’hommes, les marmousets, ployés sous les grandes statues des ébrasements dont ils soutiennent le socle, grimaçant sous un poids insensé, souffrant et se contorsionnant pour résister à l’inconfort de leur position.
Certains méditent, image de la Mélancolie, d’autres étudient, parfois même sourient malgré tout, car souffrir toute la misère du monde n’empêche pas de vivre.
La façade des cathédrales qui déploie de vastes ensembles sculptés pour l'édification des croyants est comparable aux manuscrits gothiques qui exposent leurs pages enluminés dont les marges s'ornent de figures fantaisistes ou grotesques.
Ainsi sur les cathédrales, les sculptures marginales encadrent les grandes scènes de sculpture religieuse. Elles ne semblent pas avoir de sens. Pourtant, elles établissent souvent un dialogue avec les sculptures considérées comme sérieuses. Or les marges de la cathédrale de Reims sont uniques....