AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,25

sur 50 notes
5
3 avis
4
2 avis
3
0 avis
2
0 avis
1
0 avis
Bilan de 1935, mais que notre monde en accélération continue peut et doit encore méditer... Nous avons perdu le sens de la durée, bombardés que nous sommes sans cesse par tout, n'importe quoi et leurs contraires. La transition sentie par Valéry semble perpétuelle. Plus rien n'est stable. Tout bouge. La modernité vibre, fuit, court, s'effiloche, bâtit des chateaux de sable. Et l'intelligence? Elle subit. Certes les neurones sont excitées et les connexions se font et se défont à tire-larigot, mais la pensée, le lent travail d'élaboration d'un système d'explication du monde, fonctionne à vide. Nous croyons penser mais c'est l'air du temps qui cause dans notre cerveau. Lutter contre ce vide par l'éducation ? Oui, mais sans que le but unique de celle-ci soit le diplôme, ennemi mortel de toute vraie culture... Mais cessons là ce commentaire lui-même dans l'air du temps : il faut que je corrige les examens de mes élèves...
Commenter  J’apprécie          100
Formidable texte qui date de 1935 mais qui nous incite encore et toujours à réfléchir sur notre environnement. Valéry constate l' évolution de la société et semble parfois le déplorer. À son époque déjà , il dénonce l'apparition d'une civilisation de la vitesse voire de l'urgence au détriment de la réflexion, de la sensibilité, matière première de l'homme. C'est un texte de court, pédagogique, intelligent, dénué de cet aspect moralisateur que l'on peut parfois retrouver chez certains auteurs du début du 20e siècle.
Commenter  J’apprécie          70
Sensibilité et intelligence

Le 16 janvier 1935, Paul Valéry donnait une conférence à l'université des Annales sous le titre “Le Bilan de l'intelligence” : laquelle conférence n'a rien perdu avec le temps de la justesse de son constat.
La parole de Valéry se déploie avec la limpidité d'un cristal de roche : le propos est lumineux en tous points et nous conduit à mieux discerner les parois de cette caverne où nous passons notre vie à jouer avec des ombres.
C'est ici que les vers de Boileau (issus de son "Art poétique") prennent leur plein sens : « Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement / Et les mots pour le dire arrivent aisément. »

Loin de tout dualisme réducteur, Paul Valéry affirme la nécessaire coexistence de la sensibilité et de l'intelligence. Si l'une vient à manquer, l'autre s'éteint aussitôt, de même que la flamme d'une bougie par manque d'oxygène. Car, sans un minimum de sensibilité, comment nous serait-il possible de “comprendre” quoi que ce soit ? Sans cette clef de voûte, nulle intelligence véritable. Allons donc boire à la source première des mots, au ruisseau de l'étymologie qui toujours désaltère et empêche à la pensée de trop s'assécher.
“Intelligence” provient du latin “intelligere”, qui signifie “connaître”. “Sensibilité” est, quant à lui, issu de “sensibilitas” qui annonce, entre autres, le “sens” et la “signification”. Nous pouvons donc voir ici l'harmonie de ces deux termes et en quoi leur mariage est pleinement légitime et pas morganatique pour deux sous ! Abolissons donc le divorce stérile imposé à ces deux notions si étroitement mêlées et laissons-les dès lors coucher dans le même lit !

En 1935 déjà, Paul Valéry nous démontrait à quel point la sensibilité avait une fâcheuse tendance à s'émousser, laissant ainsi le champ large à la barbarie sous toutes ses formes. Les totalitarismes à venir, qu'ils fussent hitlériens ou communistes, allaient douloureusement corroborer son discours. Une fois de plus, Cassandre ne fut pas écoutée.
L'autre argument fort de cette conférence concerne l'inanité des diplômes et le tort que ceux-ci ne cessent de causer à l'éveil de l'esprit ainsi qu'à sa liberté propre. Pour finir, laissons parler Paul Valéry :

« Disons-le : l'enseignement a pour objectif réel, le "diplôme". Je n'hésite jamais à le déclarer, le diplôme est l'ennemi mortel de la culture. Plus les diplômes ont pris d'importance dans la vie (et cette importance n'a fait que croître à cause des circonstances économiques), plus le rendement de l'enseignement a été faible. Plus le contrôle s'est exercé, s'est multiplié, plus les résultats ont été mauvais. […] du jour où vous créez un diplôme, un contrôle bien défini, vous voyez aussitôt s'organiser en regard tout un dispositif non moins précis que votre programme, qui a pour but unique de conquérir ce diplôme par tous moyens. le but de l'enseignement n'étant plus la formation de l'esprit, mais l'acquisition du diplôme, c'est le minimum exigible qui devient l'objet des études. » (p. 43-45)

« Enfin, la question si difficile et si controversée des rapports entre l'individu et l'État se pose : l'État, c'est-à-dire l'organisation de plus en plus précise, étroite, exacte, qui prend à l'individu toute la portion qu'il veut de sa liberté, de son travail, de son temps, de ses forces et, en somme, de sa vie, pour lui donner… Mais quoi lui donner ? Pour lui donner de quoi jouir du reste, développer ce reste ?... Ce sont des parts bien difficiles à déterminer. Il semble que l'État actuellement l'emporte et que sa puissance tende à absorber presque entièrement l'individu.
Mais l'individu, c'est aussi la liberté de l'esprit. Or, nous avons vu que cette liberté (dans son sens le plus élevé) devient illusoire par le seul effet de la vie moderne. Nous sommes suggestionnés, harcelés, abêtis, en proie à toutes les contradictions, à toutes les dissonances qui déchirent le milieu de la civilisation actuelle. L'individu est déjà compromis avant même que l'État l'ait entièrement assimilé. » (p. 58-59)

© Thibault Marconnet
le 10 septembre 2014
Lien : http://le-semaphore.blogspot..
Commenter  J’apprécie          70
J'adhère totalement à ce petit bijou d'analyse brillante.
Ce texte de 1935 aurait pu être écrit aujourd'hui. Il est limpide et très intéressant. Les thèmes abordés sont très actuels.
A citer copieusement.
Commenter  J’apprécie          40
Petit discours qui se lit vite, en une heure vous en aurez fini avec la lecture.
Par contre, les réflexions qui ce texte suscitera chez vous vous donneront à réfléchir pendant quelques heures voir plus.
Voici un de ces textes intemporels, dont le propos est tellement juste qu'il nous faut le lire et le débattre presque cent ans après son écriture.
Il ne vous coûtera que peu, mais il vous apportera beaucoup.
Commenter  J’apprécie          10


Lecteurs (157) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (5 - essais )

Roland Barthes : "Fragments d'un discours **** "

amoureux
positiviste
philosophique

20 questions
851 lecteurs ont répondu
Thèmes : essai , essai de société , essai philosophique , essai documentCréer un quiz sur ce livre

{* *}