Comme le 24 septembre prochain, il y aura des élections chez notre voisin, l'Allemagne, et qu'à la télévision et dans la presse écrite il sera souvent question d'un des candidats ou plutôt d'une candidate qui se présente pour un quatrième mandat au poste suprême de chancelière fédérale, j'ai pensé qu'il serait peut-être opportun de brosser le portrait d'Angela Merkel, sur la base de la bibliographie qu'en a faite
Marion van Renterghem : "Angela Merkel, l'ovni politique".
Depuis l'élection de
Konrad Adenauer comme premier chancelier d'après-guerre, l'Allemagne n'a connu, pendant 68 ans, que 7 chanceliers. Avec presque 10 ans de moyenne par chancelier, notre voisin peut se vanter d'une remarquable stabilité. Très brièvement un rappel des 6 prédécesseurs de Merkel avec indication de leur appartenance politique, CDU pour chrétiens-démocrates, SPD pour sociaux-démocrates : 1) Adenauer, (1949-1963), CDU, ex-maire de Cologne, bâtisseur de l'Europe et normalisateur des relations avec Israël ; 2) Ludwig Erhard (1963-1966), CDU, l'homme du miracle économique (Wirtschaftswunder) ; 3)
Willy Brandt (1969-1974), SPD, ex-maire de Berlin, prix Nobel de la Paix - et mon favori - 4)
Helmut Schmidt (1974-1982), SPD, économiste rigoureux et grand ami de la France ; 5) Helmut Kohl (1982-1998), CDU, l'homme de la réunification du pays ; 6) Gerhard Schröder (1998-2005), SPD, à mon avis le plus contesté et le moins convaincant.
Mutti (mère, un de ses surnoms) est née Angela Kasner en 1954 à Hambourg. Lorsqu'elle avait 3 ans, son père, un pasteur protestant, accepta un job en RDA (République démocratique allemande) et la famille déménagea en sens opposé des 180.000 qui avaient déjà fui ce paradis communiste et ce qu'on a appelé le "plébiscite par les jambes". Très jeune, elle se fit remarquer par son talent pour les mathématiques et en 1986 elle obtint son doctorat en chimie quantique avec une thèse dont le titre dépasse de loin mes connaissances scientifiques. Sans être contente du régime, elle passa une jeunesse conformiste, en gardant un profil bas. En 1977, elle maria l'étudiant Ulrich Merkel, mais comme c'était un mariage sans grand amour, ils se séparèrent et Angela alla vivre avec Joachim Sauer, qu'elle épousa discrètement en 1998 et s'occupa des 2 filles qu'il avait eues d'un premier mariage.
En 1989, elle joigna un groupuscule d'opposition, le Renouveau démocratique, et c'est le début d'une carrière politique fulgurante. Après la chute du mur de Berlin, le 9 novembre 1989, elle devient la porte-parole de Lothar de Maizière, le dirigeant du premier gouvernement d'Allemagne de l'Est librement élu. Après la réunification de son pays, à 36 ans, elle est élue député et nommée ministre des femmes, de la jeunesse et des sports du gouvernement Kohl. En 1994 elle est chargée du ministère de l'environnement. 4 ans plus tard, elle est nommée secrétaire générale de la CDU. Promue présidente de la CDU en 2000. Et en 2005, elle devient la première chancelière d''Allemagne. Un poste qu'elle a gardé jusqu'à maintenant.
J'étais curieux de savoir comment
Marion van Renterghem était arrivée à son titre un tantinet étrange, désignant la dame la plus puissante du globe, comme ovni ? La réponse tient en quelques mots. Au Bundestag (Parlement), parmi cette élite masculine, elle faisait figure d'oiseau rare : une femme venant de l'Est, divorcée sans enfants, protestante, fagotée comme l'as de pique, piètre orateur, réservée et sans grande stratégie ou philosophie d'ensemble. Mais, en contrepartie, elle disposa de solides atouts : discrétion, simplicité, honnêteté, observatrice, connaissance exceptionnelle des dossiers, et une fois sa position fixée, résolue et tenace, sans pour autant l'obstination de la dame de fer
Margaret Thatcher.
Son épreuve de feu vint en 2015 avec l'ouverture des frontières de son pays à presque un million de réfugiés. Sa légendaire boutade "Wir schaffen das" (Nous y arriverons), s'est traduite par une remontée de l'extrême droite populiste et un fort mécontentement de l'union européenne pendant toute une période. Ce sont les résultats électoraux décevants en Autriche, aux Pays-Bas et en France de cette droite simpliste, qui ont fait tourner le vent. L'élection d'
Emmanuel Macron et le renforcement de l'axe Paris-Berlin devraient permettre à l'Europe de poursuivre sa destinée face à un capricieux Trump et un incalculable Poutine.
En effet, le tsar actuel en faisant nommer récemment l'ex-chancelier Gerhard Schröder au conseil d'administration du géant semi-étatique pétrolier Rosneft a réussi à créer la zizanie dans le camp socialiste et a hypothéqué ainsi les chances de son challenger principal Martin Schultz. Si tel était son but, franchement, je l'ignore. Tout porte à croire qu'Angela remportera à la fin du mois une belle victoire et un quatrième mandat.
La sympathie qu'a l'auteure pour sa protagoniste ne saura faire l'ombre d'un doute. Dans la dédicace de son ouvrage à ses grands-parents, elle est très explicite , en notant : "Je vous présente Angela Merkel, vous l'auriez aimée". Si le but d'une biographie est de faire comprendre et apprécier l'objet de son opus,
Marion van Renterghem a parfaitement reussi. Comme grand reporter au Monde et lauréate du prix
Albert-Londres de la presse écrite en 2003, elle est trop professionnelle pour se laisser aller à une hagiographie naïve.
Je termine par ses mots, le 29 août dernier sur France Inter : "Si Angela Merkel est réélue, elle devra beaucoup à
Donald Trump, au Brexit, à la Syrie."
Pour l'Europe, j'avoue que j'espère qu'elle gagne également !
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