Je souhaite en premier lieu remercier les éditions Rroyzz ainsi que Babelio puisque j'ai eu le plaisir de recevoir ce livre suite à l'opération Masse Critique.
Il s'agit donc d'un polar, dont l'auteur, Suzanne Vanweddinggen, est présentée comme une écrivaine ferroviaire française. Il est aussi précisé dans dans sa biographie qu'elle a mené une thèse de "Littérature comparée sur le thème du chemin de fer dans la littérature fantastique européenne".
Il y avait donc là de quoi me "mettre l'eau à la bouche" car il n'y a rien de plus alléchant qu'une intrigue parfaitement "ficelée" dans un contexte dont le réalisme repose sur une documentation fouillée: l'auteur nous retranscrit ainsi avec authenticité le décor des évènements, nous permettant de plonger sans retenue dans un récit cohérent.
Voici donc quelles étaient mes attentes sans n'avoir jamais rien lu de cette auteure.
L'intrigue de ce polar se déroule en 1898, dans la ville de Darlington, petite ville du Royaume-Uni, au nord-est du pays. Nous pénétrons dans l'univers ferroviaire et ses à côtés : la gare mais aussi le pub dans lequel les cheminots viennent boire une pinte de bière.
Je rentre donc dans ce roman en me délectant des descriptions de cet environnement très détaillé, des personnages sur lesquels l'auteure s'attarde, principalement dans ce pub. On sent assez rapidement le drame arriver. Au sortir de ce pub, un des cheminots doit finir son trajet seul pour regagner son logis. Il sera retrouvé les pieds ligotés aux rails, écrasé par le passage d'un train. D'autres victimes suivront...
Le roman va donc se construire autour de l'enquête, menée par John Goodman, chef de la police ferroviaire, et qui traquant le meurtrier, tente d'élucider les liens existant entre les victimes. Il y a une forme d'unité de lieu puisque l'enquêteur évolue principalement au sein des 2 gares principales : celle très fréquentée de Bank Top et celle, en passe d'être fermée faute de fréquentation suffisante, de North Road. John Goodman y cotoiera les chefs de gare respectifs de ces gares et chacun contribuera à faire progresser l'enquête.
Si le cadre de l'intrigue est très intéressant, si les personnages sont progressivement placés sur le chemin de l'enquête, et si les meurtres relancent régulièrement notre intérêt de lecteur, j'ai assez vite eu la sensation de faire du "sur place", voire de faire avec l'enquêteur des allers-retours incessants et un peu lassants, parce que répétitifs et sans forcément apporter grand chose à l'enquête.
Le style de Suzanne Vanweddinggen est agréable à lire, mais j'ai été gênée dans ma lecture par trois points particuliers :
- le récit est rythmé, mais de façon presque obsessionnelle: John Goodman ne cesse de se démener, il va, il vient, il bouge en tout sens mais j'ai ressenti une sensation de creux devant ses retours "bredouille". Ses agitations semblent n'avoir pour but que de nous balader dans l'univers ferroviaire.
- Jolie balade c'est vrai, mais lorsque je me permets de comparer à un inspecteur Pitt ou Monk chez
Anne Perry, ou Dalgliesh chez P.D.James, John Goodman est un personnage qui souffre de ne pas être assez construit. Il est pourtant le protagoniste principal de ce polar. L'auteur s'attarde sur les 2 chefs de gare, sans à mon avis que cela soit toujours pertinent : on se perd souvent dans ce roman, trop de détours, pas assez de recentrage sur l'essentiel. J'aurais aimé faire plus ample connaissance avec cet inspecteur, or il est désincarné, il reste flou. Là où les héros de
Anne Perry ou P.D.James ont une histoire, une vie de famille, des failles, des blessures, des "moteurs" dans leur vie d'enquêteur, je me trouve face à un John Goodman creux. Et je dois avouer m'être ennuyée, car sans histoire personnelle, il ne me restait plus qu'à suivre cet enquêteur dans ses allers retours ininterrompus.
- Ce qui m'amène au 3ème point. Je ne peux trop en dire car cela touche à la résolution de l'enquête, mais si j'ai ressenti des longueurs dans l'investigation, le final m'a laissée perplexe. L'auteure a pris le parti d'une "résolution à tiroirs": vous pensez avoir fait le tour de l'intrigue, mais finalement s'ouvre un nouveau tiroir, et encore un autre... Au niveau temporel, cela se joue dans un mouchoir de poche, il m'a fallu relire le très court passage me permettant de comprendre le fin mot de l'histoire. L'idée était bonne mais le récit est trop irrégulier : trop de "sur place" pendant une bonne partie du polar (malgré cette sensation de rythme), puis une résolution finale "à coup de hache".
Tous les ingrédients étaient là pour garantir un très bon polar, mais trop de circonvolutions inutiles au détriment d'une intrigue mal aboutie et d'un personnage central pas assez habité, m'ont empêchée de prendre vraiment plaisir à cette lecture.