J'ai donc voulu en savoir plus sur
Sarah Vaughan et je me suis forcé à lire «
Anatomie d'un scandale » de
Sarah Vaughan traduit par
Alice Delarbre (2019, Préludes, 458 p.)
Très rapidement le script, du quatrième de couverture « Kate vient de se voir confier l'affaire de sa vie, celle qui accuse l'un des hommes les plus proches du pouvoir d'un terrible crime. Kate doit faire condamner James Whitehouse. Sophie adore son mari, James. Elle est prête à tout pour l'aider et préserver sa famille. Sophie doit trouver la force de continuer comme avant ».
Il n'y a pas grand-chose à rajouter si ce n'est de la sauce liant le tout pour délayer et arriver aux 450 et quelques pages.
Donc l'auteur va couper l'histoire en deux parties, en 1992 et 2016, les années d'étudiant à Oxford et la vie à Londres. Rajouter également des personnages, cinq principaux en tout. Sophie Greenaway et son mari James Whitehouse, son amie Kate Woodcroft, avocate de la plaignante. Et pour faire penchant Holly, jeune étudiante qui débarque de sa province, et Allison sa fidèle amie.
A Londres, on retrouve le couple et une jeune fille au pair, ainsi que James qui est le confident de Tom Southern, devenu
Premier Ministre, et quelques figurants comme Stephen, journaliste plutôt médiocre au « Chronicle » et bien entendu Olivia Lytton l'assistante parlementaire de James qui est aussi la plaignante.
Tout commence par la fin si l'on peut dire. Vendredi 20:43 h. James est en retard. A la veille d'une importante réunion dans le Surrey. Il a un chauffeur maintenant qu'il est assistant du premier ministre, et il aurait dû être là à sept heures et demi, malgré la circulation. de plus ils doivent diner avec Matt Frisk, un autre assistant. Tout s'arrête. « On doit se parler ». En effet il est accusé de viol sur son assistante Olivia, 28 ans, blonde, ambitieuse.
Les prémices du roman.
Sarah Vaughan a été journaliste au « Guardian ». En 2009, elle travaillait en tant que correspondante politique lorsque les ennuis ont éclaté pour
Boris Johnson alors aux Affaires Extérieures. Sa femme depuis 25 ans en a assez des relations extraconjugales de son mari et demande le divorce. Et en plus un enfant est né de cette relation avec sa consultante an arts. le type d'art n'est pas précisé., mais cette diplômée en histoire de l'art, fort ambitieuse, tout d'abord attachée de presse, puis directrice de la communication du parti conservateur, après une ascension fulgurante. C'est elle qui pousse Bo Jo a se présenter comme maire de Londres. Elle devient FLOTUS, c'est-à-dire « First Lady of The United States », un surnom réservé aux premières dames américaines, en pendant à POTUS (Président of the US) qui a fait fureur sous Trump. Un second divorce donc pour Johnson. Mais tout cela fait désordre. Et
Sarah Vaughan, pour en revenir à elle, constate le lobbying excessif du pouvoir pour étouffer l'affaire. « An inverted pyramid of piffle » (une pyramide inverse de balivernes). le même processus l'avait déjà stupéfait lors du début de la guerre en Irak avec un lobbying forcené du secrétariat du 10 Downing Street pour forcer l'opinion.
C'est effectivement ce fait divers qui est à l'origine de «
Anatomie d'un scandale ». ou comment bâillonner la justice pour les puissants. « Il suffit de traîner un peu dans les allées d'un tribunal pour constater à quel point une existence peut être précaire. N'importe qui peut voir son monde s'effondrer pour un faux pas : il suffit pour cela, l'espace d'un quart de seconde fatal, d'enfreindre la loi. Surtout lorsqu'on est pauvre ». Après ces prémices, le roman relève plus, à mon sens du journalisme que de la littérature. Je sais bien que l'empoisonnement d'une épouse de médecin de campagne peut donner lieu à un fort beau texte, mais c'était avant l'invention des journaux de faits divers. A l'opposé, on peut toujours aller lire
Félix Fénéon « Pourtant, elle respire encore » (2018, Espaces et Signes, 80 p.) ou plus complet «
Nouvelles en trois lignes » (2015, Mercure de France, 128 p.). Une paire d'échantillons. « Un enfant seul (trois ans, complet bleu) a été trouvé tout en larmes, hier soir, place de la Bastille » ou encore « Calen, détenu à la prison de Thouars, que venait de manquer la sentinelle, s'est tué en tombant sur des rochers. Il s'évadait ». Au moins, il n‘ y a pas de longueurs.
Pour en revenir au roman et aux ennuis juridiques, ils se terminent environ aux deux tiers du livre. Mais ce dernier se poursuit encore en revenant en 1992 aux années d'Oxford. On y retrouve James et Tom, qui font partie d'un club assez fermé « Les Libertins ». Ce club est calqué sur le fameux « Bullington Club », club de restauration connu pour ses débordements, provocation ostentatoire, bagarres, souleries, et destructions de bars et restaurants. « Avoir son établissement saccagé par les Libertins était un honneur à Oxford ». La bonne société anglaise, la batte de cricket dans une main, le portefeuille dans l'autre. D'ailleurs
Boris Johnson a fait partie de ces « Bullers ». On pourra toujours aller voir ou lire la pièce « Posh » de Laura Wade (2010, Oberon Books Ltd, 96 p) qui traite de ce club, sous le nom de « The Riot Club ».
Pale imitation de ce qui a pu être écrit sur cette société typiquement Oxbridge, avec sa différentiation sociale fortement marquée. A la limite on pourra toujours se rabattre sur l'énorme pavé (qui pourrait être simplifié et restreint) de « le Maitre des Illusions » de
Donna Tartt (1993, Plon, 708 p.), du plus douteux «
Mauvais Genre » de
Naomi Alderman (2011, L'Olivier, 384 p.) ou en plus subtil «
le Complexe d'Eden Bellwether » de
Benjamin Wood (2014, Zulma, 512 p.). Différence qui n'existe pas, ou du moins est beaucoup plus atténuée aux Etats Unis (sauf peut-être la société bostonienne, mais Boston c'est encore le Royaume Uni). « C'est pourquoi l'Amérique effraie et séduit les Britanniques, surtout l'élite britannique. Elle porte le fruit défendu de l'espoir égalitaire, et chacun, modeste ou aisé, peut secouer les branches de cet arbre. ».
Pour conclure, une citation de
Georges Clemenceau : « La justice militaire est à la justice ce que la musique militaire est à la musique ».