Ce tome comprend les épisodes 11 à 16 de la série, parus en 2005. Il fait suite à Tag (épisodes 6 à 10). le scénario est de
Brian K. Vaughan, les dessins de
Tony Harris, et l'encrage de Tom Feister (épisodes 11 à 16) et
Karl Story (aide sur l'épisode 11), et la mise en couleurs de J.D. Mettler.
Épisode 11 "Fortune favors" - le Maire Mitchell Hundred a hâte que la préfète de police (Amy Angotti) fasse appliquer l'arrêté 165.35, en particulier vis-à-vis de l'établissement tenu par une certaine Zehala. Épisodes 12 à 14 "Fact v. fiction" - Un souvenir du temps où Hundred opérait encore sous le nom de Great Machine rappelle qu'il n'était pas toujours efficace. de nos jours il est désigné pour être juré dans un procès. Un individu masqué se faisant appeler Automaton dispense une justice expéditive en prétendant reprendre le flambeau allumé par Great Machine. Raymond (le principal conseiller d'Hundred) s'avère incapable de livrer un mystérieux colis. Épisodes 15 & 16 "Off the grid" - Une femme vient protester à la mairie contre l'interdiction faite de se promener torse nu en ville. Journal Moore tente de convaincre Hundred de laisser des étudiants visiter les travaux de construction d'une nouvelle canalisation d'approvisionnement en eau potable. le temps est venu de faire connaissance avec Martha Hundred, la mère de Mitchell.
Avec ce tome, Vaughan abandonne le format utilisé dans les 2 précédents, à savoir la combinaison d'une intrigue de type policière, avec des polémiques publiques, en 5 épisodes. Dans chaque histoire, il utilise la même construction (une intrigue sous forme d'enquête + une question politique) dans des formats plus courts. L'épisode 11 sert à creuser un épisode traumatisant de la vie de Mitchell Hundred, sous un angle qui relativise la notion de héros. Hundred y gagne en épaisseur, en ambigüité, en crédibilité. Les 3 épisodes suivants servent à illustrer un principe simple : il faut aider le système si vous voulez qu'il vous aide. Par système, il faut comprendre "société". Vaughan fait preuve d'un talent indéniable pour entremêler les différentes composantes de son récit pour aboutir à un tout harmonieux dont les différents éléments se répondent entre eux. À ce titre, ces 3 épisodes font se répondre l'engagement d'Hundred avec les actions également engagées d'Automaton, tout en permettant au lecteur d'apprendre à mieux connaître le personnage principal. Il est également possible de constater la nature de l'engagement de Rick Bradbury et Ivan Tereshkov, tout en découvrant de nouvelles informations sur le pouvoir d'Hundred. Vaughan réussit une narration parfaitement équilibrée, satisfaisante sur tous les plans.
La dernière partie est tout aussi réussie, alors que Vaughan prend le risque de changer le ton de la série en quittant New York, pour un voyage haut en couleurs. À nouveau il crée un personnage inénarrable en la personne de la mère de Mitchell, tout en versant franchement dans le drame, avec un petit plus sous la forme de l'utilisation des pouvoirs d'Hundred.
Les dessins restent toujours aussi agréables à contempler. Harris a opté pour une mise en page assez aérée, le plus souvent de l'ordre de 3 ou 4 cases par page, de temps à autre 1 seule, ou lorsque le scénario l'exige (une scène d'action plus rapide) il peut passer à 6 ou 9 cases dans une seule page (cela reste assez rare). le plaisir de lecture provient essentiellement de 2 éléments complémentaires : les couleurs, et l'apparence des personnages. J.D. Mettler choisit ses couleurs dans une palette légèrement délavée (sans paraître fade) en adaptant leur utilisation en fonction de la nature de la séquence. Lorsqu'Harris réalise un dessin ayant pour objet de décrire avec précision un lieu,
Mettler va utiliser les couleurs pour mieux fait ressortir chaque élément. La page d'ouverture de l'épisode 12 comprend 2 cases, dont une occupant 2 tiers de la surface établissant un plan large de l'intérieur d'une boutique de comics.
Mettler effectue un travail discret pour que chaque étagère, chaque bac se distingue de son voisin. Par infographie, il insère une vingtaine de couvertures différentes de comics pour compléter le dessin et apporter de la substance à ce magasin, ainsi que de l'authenticité. L'absence de couleurs vives permet ne pas donner l'impression d'une composition surchargée, et le lecteur peut choisir ou non de laisser son regard errer pour regarder les comics, en ajustant sa vitesse de lecture en fonction de ses envies. Dans d'autres séquences, il privilégiera des compositions à partir de plusieurs nuances d'une même teinte pour installer l'ambiance de la scène, sans rien perdre en lisibilité pour distinguer les formes les unes des autres.
Le deuxième aspect qui procure un plaisir visuel immédiat à la lecture réside dans la capacité d'Harris à rendre chaque personnage plausible, unique, et amical malgré ses défauts. Au fil des épisodes, Mitchell Hundred devient plus complexe, forcément avec l'apparition de traits de caractères moins positifs que d'autres. Cette évolution se constate également dans les expressions de son visage qui deviennent plus ambigües, plus décidées. Même quelqu'un comme Ivan Tereshkov dont les convictions semblent mettre en danger la position d'Hundred, reste un individu complexe (grâce au scénario bien sûr), mais aussi grâce aux dessins qui le montrent comme un homme mûr, peu amène, mais sans être caricatural. La force d'Harris dans la création des personnages se retrouve dans l'apparence du conseiller Raymond (Ray) lié à cette boutique de comics. Lors de sa première apparition, le lecteur a l'impression d'une forme de familiarité : voyons voir, un chapeau, une belle carrure d'épaules, des lunettes à monture simple. Mais oui ! c'est l'apparence classique d'un reporter pour le Daily Planet (Clark Kent). Et malgré ce clin d'oeil, Ray ne se réduit à pas à un hommage simpliste, il a aussi ses propres expressions, sa personnalité visuelle qui évite qu'il ne soit qu'un simple décalque. Au-delà de ces 2 aspects plus accrocheurs, Harris, Feister et
Mettler donnent une apparence visuelle adulte aux personnages, et créent des endroits intéressants (par exemple le paysage désertique entourant une caravane de type trailer).
Avec ce tome, Vaughan, Harris, Feister et
Mettler continuent de développer l'environnement de Mitchell Hundred, avec des personnages attachants gravitant autour de lui, des problématiques délicates exposées de manière intelligente (sans aller jusqu'à une analyse fouillée) dans une série qui mélange aventure, anticipation et questions de société. le mandat d'Hundred se poursuit dans March to war (épisodes 17 à 20, et numéros spéciaux 1 & 2).