Ce tome fait suite à Stop/encore (épisodes 18 à 23). Il contient les épisodes 24 à 31 initialement parus en 2004/2005. le scénario est de
Brian K. Vaughan, les dessins de Pia Guera, l'encrage de
José Marzan junior, la mise en couleurs de Zylonol et les couvertures de Massimo Carnavale.
Épisodes 24 & 25 - le temps d'une nuit, Yorick Brown échappe à la compagnie de l'agent 355 et du docteur Allison Mann. Il pénètre dans une église à proximité, où il rencontre Beth, avec qui il bavarde (et plus si affinités).
Vaughan offre un petit intermède à Yorick, une sorte de respiration dans l'intrigue... au moins en apparence. En découvrant ces 2 épisodes, le lecteur constate que Vaughan continue de développer son thème principal sur les différences des rôles sociaux entre homme et femme, en particulier au sein de la religion organisée (catholique). Il entremêle plusieurs points de vue comme à son habitude. S'il ne s'agit pas d'une étude sur les dogmes ou un historique sur la constitution du clergé, il réussit à évoquer la conséquence de la disparition des hommes sur une organisation dont les sacrements sont dispensés par des hommes, à faire ressortir que l'exploitation du prochain n'est pas l'apanage des hommes (avec une référence au film The Magdalene Sisters de Peter Mullan), saupoudré d'une blague sur la différence entre cannibalisme et transsubstantiation, et d'une autre sur le rôle d'Ève dans le péché originel. Comme il lui restait encore un peu de place, il propose une nouvelle histoire pour répondre à la question " Que faisiez-vous quand tous les hommes sont morts ?", et il montre que Yorick doit faire face aux conséquences psychologiques résultant d'avoir tué une autre personne (en légitime défense). Tout ça en 2 épisodes, respect !
Le style de Pia Guera et
José Marzan, est identique à celui des tomes précédents : propre sur lui, réaliste sans être photographique, un peu fade, sans être superficiel. Ils réussissent à rendre crédible l'église où se déroule la majeure partie de l'action. Les personnages sont sympathiques et normaux, avec une mention spéciale pour Beth dont la joie de vivre et l'entrain transparaît clairement sur son visage. Guera et Marzan arrivent même à faire ressortir la transgression impensable que constitue une femme en train de fumer dans un lieu public (une tour de contrôle). 5 étoiles
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Épisodes 26 - Cet épisode est consacré à Hero Brown, la soeur de Yorick. le lecteur la revoit à 3 époques de son passé : une fois alors que Yorick devait avoir 4 ou 5 ans, puis juste avant qu'elle ne quitte le domicile familial, et enfin quelques secondes après que tous les hommes soient morts. Enfin il la suit parcourant le chemin la menant au laboratoire d'Heather et Heidi Hartle.
Cet épisode part d'un bon sentiment : étoffer la personnalité d'Hero Brown en révélant 5 moments clefs de sa vie. Ce genre d'entreprise se heurte souvent à l'artificialité d'une telle approche. La mise bout à bout de 5 moments constituent une collection de révélations qui ne s'additionnent pas pour retracer une vie. le lecteur perçoit l'empilage de moments très significatifs comme un résumé expéditif et trop elliptique d'une vie. Cela ne suffit pas à donner vie à un individu. Cela ne suffit à justifier la facilité avec laquelle Victoria a établi son emprise sur Hero. Les dessins de Guera et Marzan remplissent bien leur fonction descriptive, mais leur apparence simple ne leur permet pas d'étoffer la narration, encore moins de palier ses manquements. 2 étoiles.
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Épisodes 27 à 31 - La petite troupe a atteint San Francisco et le docteur Mann peut enfin réaliser ses analyses sur Yorick et Ampersede. Mais l'agent 355 a été rattrapée par Anna Strong et ses 2 assistantes. La ninja (Toyota) a également rattrapé Yorick. Et ce dernier commence à ressentir des symptômes inquiétants.
Avec ces épisodes, Vaughan redonne la première place à l'intrigue. Il revient entre autres sur la mystérieuse amulette récupérée par l'agent 355, une cause potentielle de la mort de tous les individus mâles, le retour de la mystérieuse ninja, les analyses du docteur Mann sur Yorick, ou encore une branche séparatiste du Culper Ring appelée Setauket Ring. le récit est rapide, Vaughan ne délaye pas et fait avancer de manière significative chacun de ces points, et d'autres encore. Il continue d'insérer plusieurs références à la culture populaire (par exemple au film Gremlins) et à insérer quelques factoïdes dont il a le secret. Coté réflexion, il réussit également à faire apparaître la force de l'engagement de l'agent 355 à servir son pays, en obéissant aux ordres qu'elle a reçu, alors même que l'ordre du monde a été bouleversé (doux euphémisme) et que ces instructions n'ont plus de sens concret dans ce monde sans individu mâle. Il insère un développement à demi convaincant sur la prostitution. D'un coté, il trouve une justification à cette pratique dans le plaisir et le réconfort que peuvent procurer des contacts physiques ; de l'autre la mise en place d'une prostitution tarifée semble incongrue dans ce contexte. Parmi les éléments un peu difficiles à accepter, il y a également la capacité très fluctuante des femmes à s'organiser pour maintenir un niveau de technologie plus ou moins élevé, en fonction des endroits où se trouve Yorick. Comment la communauté de San Francisco a réussi à maintenir son niveau de technologie (électricité comprise) ? Mystère, sans réponse. Mais c'est bien pratique du point de vue du scénario parce qu'ainsi le docteur Mann peut conduire ses analyses. Vaughan continue à pratiquer un humour discret à la fois par les réparties des personnages, mais aussi en intégrant des éléments inattendus (ici la burqa et son usage, pour un résultat gentiment provocateur, mais aussi désarmant).
Guera et Marzan poursuivent leur travail descriptif à la lisibilité immédiate et facile. Leurs pages comportent une moyenne de 4 ou 5 cases par page, c'est-à-dire un nombre peu élevé, sans en devenir minuscule. Leurs dessins collent toujours à une forme de réalisme simplifié sans en devenir enfantin, avec une augmentation des informations visuelles quand le besoin s'en fait sentir. En fonction des séquences, cette augmentation du niveau de détail peut s'appliquer aux décors (boutique d'accessoires de magie, aménagement du laboratoire du docteur Mann quand Yorick est alité, jetée de San Diego), aux personnages (public du match de basketball), aux vêtements (veste à frange d'Hero, robe de la mère maquerelle).
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Dans ce tome,
Brian K. Vaughan s'attache d'abord aux personnages avec un doigté délicat pour Yorick, avec un épisode trop rapide pour Hero, puis à la progression de l'intrigue avec le séjour à San Francisco. du fait de sa construction, ce tome fait un peu trop ressortir ce mouvement d'alternance entre les centres d'intérêts (personnages / intrigue), aux dépends d'une narration plus intégrée. La partie graphique continue à se vouloir essentiellement fonctionnelle, en restant au second plan, sans éclat, mais aussi sans incohérence, avec une grande fluidité. Les protagonistes reprennent la route dans Entre filles (épisodes 32 à 36).