Citations sur Passagère du silence : Dix ans d'initiation en Chine (118)
Je compare la vie d'un homme à la terrifiante beauté d'un bonzaï ou d'un vieux pin sur les récifs en bord de mer qui a pris les plis du vent avec le temps. On le juge beau à l'automne de sa vie, mais quel sacrifice a-t-il dû accepter pour pousser ainsi?
"Son enfance, on la subit ; sa jeunesse, on la décide"
Ce sentiment d’union avec l’univers et sa beauté, je tente de le transmettre par mes toiles. Pour beaucoup il y a, d’un côté, le monde de l’art et, de l’autre, celui de la vie quotidienne. Je voudrais réaliser l’adéquation des deux. Ma peinture exprime le désir de volupté, de béatitude, un refuge contre la tristesse, le plaisir procuré par les beaux paysages qui depuis mon enfance m’ont apporté les moments les plus intenses de joie et de paix. J’ai compris que l’extase, qu’elle se crie ou se taise, n’est pas un don du Ciel qu’on attend les bras croisés, mais qu’elle se conquiert, se façonne, et que l’intelligence y a aussi sa part. (p. 303)
Il s’agit de suggérer sans jamais montrer les choses, disait le maître. L’ineffable, en peinture, naît de ce secret : la suggestion. Tu dois parvenir à saisir cet état entre le dit et le non-dit, entre l’être et le non-être.
Je compare la vie d'un homme à la terrifiante beauté d'un bonzaï ou d'un vieux pin sur les récifs en bord de mer qui a pris les plis du vent avec le temps. On le juge beau à l'automne de sa vie, mais quel sacrifice a-t-il dû accepter pour pousser ainsi ?
La forme nait de l’informe : il ne faut pas avoir peur du chaos. Prends un pot par exemple : c’est le vide qu’il enferme qui crée le pot. Toute forme ne fait que limiter le vide pour l’arracher au chaos. Depuis lors, j’explore le chaos. Pour certains tableaux, je garde le geste qui décrit un rond, car tout nait du cercle et, dans ce chaos d’encre que j’efface et recrée, dans ce tourbillon, ce maelström, soudain, mystérieusement, la forme s’inscrit et l’objet de mon intuition nait de lui-même. Je reste alors émerveillée comme devant un phénomène de magie.
Ce qui m'a le plus frappée, ce sont les maisons tibétaines, entièrement en pierres, comme des châteaux, où le maïs sèche sur le toit à côté de grands piquets auxquels sont attachés des textes sacrés. Ces inscriptions sur des tissus de différentes couleurs ressemblent à des temples éphémères, flottant au vent, qu'on découvre en des lieux perdus, érigés entre ciel et terre, entourés à la base de pierres et de plaques de bois où sont inscrites des citations de soutras. Je n'ai jamais vu plus fragiles et émouvantes constructions. il régnait là une solitude pleine, une spiritualité vivante, un étonnant jeu de mouvance entre les textes sacrés et le vent.
Le paradoxe le plus fou de ces régimes totalitaires, c'est qu'ils annihilent , chez les plus faibles, l'individu, sa personnalité, sa liberté. Chez d'autres, au contraire, ils créent ou déclenchent une énergie intérieure violente, une puissance de survie nouvelle.
Pars toujours d’une intuition poétique et essaie d’exprimer la substance des choses; tel est le principe constant.
La peinture chinoise n’est pas, comme en Occident, une représentation de la réalité qui nous entoure. La ressemblance ne nous intéresse pas; elle est pour le vulgaire. (…) La peinture chinoise est une peinture de l’esprit; elle ne vise qu’à transmettre l’esprit des choses, à partir des formes qui ne sont qu’un moyen. (p. 118)