Après quelques pages du roman, je voyais déjà venir le scénario : des enfants meurtris par la vie et leur handicap rencontrent des enfants normaux qui ne mesurent pas leur chance, puis les premiers finissent par tirer, tant bien que mal, leur épingle du jeu. Je n'ai pas mal visé, mais j'ai toutefois sous-estimé la force, la beauté et la complexité du récit…
Vlad est vraiment un personnage qui se démarque. Son optimisme et sa façon de voir les choses font du bien et imposent le respect. Dès le début, il surprend tout le monde, y compris le lecteur, par son audacieuse réplique au directeur. Les chapitres suivants, avec des alternances de narrateurs, Saïd et Mathilde racontent comment, d'abord réticents ou hostiles face à ce nouvel élève handicapé qui ne se laisse pas démonter, ils finissent par l'aimer. La scène où Saïd, méprisant et dominant, perd tout son pouvoir face à Vlad est particulièrement savoureuse. Et ce qui est le plus fort, c'est de voir comment Vlad décide de gérer la situation : à l'avantage de Saïd.
Contrairement à Saïd et Mathilde, Lou développe immédiatement un attachement à Vlad. le lecteur ressent toute la confusion inhérente à cette relation, sentiment alimenté par l'absence de narration de l'adolescente. Elle sort avec son copain Morgan, mais, clairement, Vlad ne la laisse pas indifférente. Cette romance, menée avec brio dans ses hauts et ses bas, prend une place importante dans le roman. À l'instar des nombreuses autres relations qui se tissent, celle-ci sonne authentique et s'éloigne de l'anodine simplicité caractéristique des plus courts récits.
« Les lèvres de Lou ont un goût auquel je n'ai pas le droit. »
À travers l'année scolaire et le concours cinématographique auquel participent Vlad et ses amis, il y a de plus toujours la question du handicap qui revient. Qui revient hanter les personnages. Avec tous les points de vue présentés, on comprend que l'acceptation est de plus en plus naturelle de nos jours, mais qu'il reste souvent une certaine réserve qui entrave la pleine inclusion. Vlad peut presque désarmer quiconque : le faux compatissant, le méprisant, l'autre ado handicapé, les enfants parfaits... Tous finissent par le respecter. Mais au-delà du respect, peut-il se faire réellement aimer avec sa différence? Il y a toujours ce petit « mais » qui flotte dans l'air. Un petit « mais » dans lequel s'empêtrent plusieurs et qui expose toute la maladresse que peut porter la gentillesse polie de chacun. Ça fait réfléchir.
Pour compléter le très beau trio de narrateurs, le lecteur retrouve l'hypocrite directeur Flachar et l'adolescent trisomique Dylan. On aime lire les cinq!
Si je n'avais qu'un élément à reprocher au roman, ce serait sa finale, toute en rose bonbon. Trop facile, pour une intrigue de cette profondeur? Peut-être. Mais, en même temps, elle est si émouvante et belle, que je ne peux me résoudre à émettre véritablement ce reproche aux auteurs. Bravo!
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