La quatrième de couverture avait grandement piqué mon intérêt avec la promesse d'un personnage seul au monde, des milliers d'années après l'extinction humaine. Moi qui aime énormément les romans d'anticipation pour les réflexions et leur complexité scientifique, je me suis lancée sans hésiter dans cette lecture.
Le roman pourrait se découper en trois parties : la première avant l'ère glaciaire, la seconde (la plus longue, la majorité du roman) après cette ère lorsque Tom essaie de survivre, et la dernière lors du changement de vie brutal de Tom. Je n'ai personnellement pas aimé la première partie pour plusieurs raisons, la seconde m'a vraiment plu et la troisième, j'y mettrais un gros point d'interrogation car je ne comprends pas les choix et je trouve qu'il y a un peu trop d'incohérences scientifiques.
Ce qui ne m'a pas plu dans la première partie, c'est l'oralité assez étrange utilisée par le narrateur. Il s'agit certes d'un journal de bord, mais même dans un journal intime ou de bord, je n'écrirai pas du tout de cette façon, je ne trouve pas l'écriture naturelle. Il faut relire plusieurs fois les phrases pour comprendre ce que les pronoms désignent et certaines tournures de phrases ne sonnent pas bien, elles sont trop hachées à mon goût. En y ajoutant la suppression de nombreux pronoms en début de phrase (mais pourquoi faire ?) qui ont fait grincer des dents ma grammaire, ce début de lecture a vraiment été compliqué. En plus, il y a eu certaines réflexions philosophiques ou pseudo-philosophiques qui m'ont perdue avec leur trop grand nombre de métaphores. J'étais bien loin de mon enthousiasme en lisant la quatrième de couverture.
Heureusement, la deuxième partie est arrivée vite et avec elle, la survie et les scènes narratives qui m'ont le plus plu. Avec un sentiment désagréable (négatif pour moi mais positif pour l'auteur qui a réussi à transmettre ces émotions de détresse, d'attente et de mort imminente), j'ai lu la fin de l'espèce humaine d'une manière certes expéditive mais néanmoins tristement réaliste. Cette fin du monde survient par la sécheresse et par l'épuisement de la ressource d'eau potable sur la Terre entière. le roman est paru juste avant l'été, donc juste avant la sécheresse de l'été 2022, et pour avoir mal vécu cette dernière, j'avoue que cette fin du monde fictive m'a vraiment pris aux tripes.
Thibault Vié ne pouvait évidemment pas le savoir mais cet épisode l'a plutôt servi dans mon expérience de lecture.
Et ce qui est étrange, c'est que pendant ces passages narratifs, le style d'écriture redevient normal, avec des formulations et des constructions de phrases classiques. le changement est vraiment perturbant entre les moments où le narrateur raconte ce qui lui arrive et ceux où il écrit ses pensées comme au début du roman. Heureusement pour moi, les pensées solitaires du narrateur se sont faites beaucoup plus rares par la suite.
Pendant toute la suite du roman, j'ai vraiment été prise par les essais (réussis ou non) de survie de Tom, ses voyages sur cette nouvelle Terre, des dizaines de milliers d'années plus tard, ses tentatives pour créer une embarcation pour descendre les rivières, puis une cabane, de quoi s'occuper, et évidemment ses combats avec les autres animaux de la région. J'ai été conquise par Lula, une panthère noire. Tom et Lula ne sont pas sans rappeler Mowgli et Bagheera dans le Livre de la Jungle. Je ne sais pas si ce parallèle était volontaire ou non mais je trouvais ça amusant d'avoir choisi la panthère comme animal de compagnie dans les deux cas. Lula apporte vraiment quelque chose au récit, et pas seulement de la compagnie. Elle apporte des émotions, des attaches, ce qui fait de Tom un être humain finalement. Après tout ça, l'épreuve de la première partie du roman a bien vite été oubliée.
Ce qui était assez amusant dans ma lecture, c'était de comparer ce qu'auraient été mes propres choix contre ceux de Tom. Assez vite, ce dernier voulait se diriger vers la mer, voguer dessus, et se construire une cabane pour cesser sa vie de nomade. Je n'ai certes jamais été confrontée à la survie mais en y réfléchissant je n'aurais personnellement pas fait comme ça. Mais le principal est que Tom ait fait les bons choix pour lui et sa survie.
Je regrette que mes compétences scientifiques ne soient pas dans ce domaine-là, les catastrophes naturelles, la géologie, la biologie, et d'autres, car j'aurais aimé pouvoir émettre un jugement scientifique sur ce qui est avancé dans le roman, comme les périodes glaciaires, l'extinction de l'humain en quelques mois à peine, la disparition de l'eau si rapidement, l'apprivoisement des panthères par l'homme, sa capacité à construire seul des bâtiments… Lors du réveil de Tom au début de la deuxième partie et tout au long de celle-ci, j'ai eu des images du paysage vierge que le narrateur rencontrait. Ou du moins j'ai dû faire jouer mon imagination car il y avait très peu de descriptions, et aucune émotion d'émerveillement de la part du narrateur. Mais est-ce qu'on peut réellement s'imaginer ce qu'est la Terre sans l'intervention humaine ?
A la fin du roman, j'ai donc eu bien plus d'interrogations que tout au long de ma lecture qui fut néanmoins plaisante. Il y a marqué “1er Journal” sur la couverture alors je m'attends à un deuxième tome… que je lirai avec le même enthousiasme que celui-là et dont j'attendrais un grand nombre de réponses !
Ce qui a soulevé le plus d'interrogations de ma part est la dernière partie avec l'arrivée d'un vaisseau spatial humain. Tout d'abord, il est impossible que Tom puisse communiquer avec d'autres humains (et ça, c'est mon domaine) car la langue des Traceurs a beaucoup trop évolué en 40 000 à 60 000 ans d'ère glaciaire. Il n'y a qu'à voir les différences entre le français actuel et le français de 1500, qui nous est presque incompréhensible alors qu'il n'y a eu que 500 ans de différences. Donc même dans le cas où Tom et les Traceurs parlaient la même langue à l'origine (ce qui est très improbable dans le cas général mais faux dans le cas du roman car l'équipage provenait de plein de cultures différentes), il est impossible qu'ils aient réussi à communiquer. de plus, si l'histoire se passe des 40 000 à 60 000 années après la sécheresse, il y a donc des centaines de générations qui se sont succédées dans le vaisseau, à s'accoupler au sein de la même famille durant des générations. Comment ont-ils pu génétiquement gérer ça ? Ont-ils dû limiter les grossesses pour ne pas avoir une surpopulation du vaisseau ? Et aussi une question importante, comment et pourquoi sont-ils revenus sur Terre ? Comment ont-ils pu vivre aussi longtemps loin de tout ? Ils parlent de planètes habitées, comment ça se fait puisqu'aujourd'hui, en 2022, on n'en a encore trouvé aucune et que leur vaisseau date de nos jours donc n'a pas de technologie plus avancée que la nôtre ? S'ils ont en effet une autre technologie, comment ont-ils pu l'obtenir ? Et une dernière question pour la route : pourquoi Tom a choisi de les suivre dans un lieu confiné doté d'une technologie qu'il ne comprenait pas alors qu'il vivait plutôt bien sur Terre ?
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