Citations sur Les heures souterraines (415)
Ou bien elle rencontrerait un homme, dans la wagon ou au Café de la Gare, un homme qui lui dirait madame vous ne pouvez pas continuer comme ça, donnez-moi la main, prenez mon bras, rebroussez chemin, posez votre sac, ne restez pas debout, installez-vous à cette table, c'est fini, vous n'irez plus, ce n'est plus possible, vous allez vous battre, nous allons nous battre, je serai à vos côtés. Un homme ou une femme, après tout, peu importe. Quelqu'un qui comprendrait qu'elle ne peut plus y aller, que chaque jour qui passe elle entame sa substance, elle entame l'essentiel.
- Croyez-vous qu’on est victime de quelque chose comme ça parce qu’on est faible, parce qu’on le veut bien, parce que, même si cela parait incompréhensible, on l’a choisi ? Croyez-vous que certaines personnes, sans le savoir, se désignent elles-mêmes comme des cibles ?
(…)
- Je ne crois pas, non. Je crois que c’est votre capacité à résister qui vous désigne comme cible.
Les gens gentils sont les plus dangereux. Ils menacent l'édifice, entament la forteresse, un mot de plus et Mathilde pourrait se mettre à pleurer.
Sa vie est diffractée. De loin, elle semble posséder une unité, une direction, on peut la raconter, décrire ses journées, le découpage des heures et des semaines, suivre ses déplacements. On connaît son adresse, les habitudes qu’il combat, les jours où il va au supermarché, les soirs où il ne peut rien faire d’autre qu’écouter de la musique. Mais de près sa vie se brouille, se divise en fragments, il manque des pièces.
De près, il n’est plus qu’un Playmobil encastré dans sa voiture, les mains accrochées au volant, un petit être en plastique qui a perdu son rêve.
...La plaie d'amour contient en elle tous les silences ,les abandons,les regrets et ,tout cela ,au fil des années ,s'aditionne pour former une douleur générique.Et confuse.
Pourtant la plaie d'amour ne promets rien:ni aprés,ni ailleurs.
L'entreprise a fait d'elle cet être mesquin et injuste. L'entreprise a fait d'elle cet être de rancœur et d'amertume, avide de représailles.
Elle a rêvé. Elle a rêvé de cette femme qu'elle a vue il y a quelques semaines, une voyante, oui, voilà, sans châle ni boule de cristal, mais une voyante quand même. Elle a traversé tout Paris en métro, s'est assise derrière les rideaux épais, au rez-de-chaussée d'un immeuble du seizième arrondissement, elle lui a donné cent cinquante euros pour qu'elle lise dans sa main, et des les nombres qui l'entourent, elle y est allée parce qu'il n'y avait rien d'autre, pas un filet de lumière vers lequel tendre, pas un verbe à conjuguer, pas de perspective d'un après. Elle y est allée parce qu'il faut bien s'accrocher à quelque chose.
L’échec amoureux n'est ni plus ni moins qu'un calcul coincé dans les reins. De la taille d'un grain de sable, d'un petit pois, d'une bille ou d'une balle de golf, une cristallisation de substances chimiques susceptible de provoquer une douleur forte, voire insoutenable. Qui finit toujours par s'éteindre.
Sa vie n'a rien à voir avec celle des personnages de ce feuilleton français qui avait eu tant de succès dans les années 80. Ces médecins alertes et courageux qui fendaient la nuit, se garaient sur les trottoirs et montaient les escaliers quatre à quatre. Il n'a rien d'un héros. Il a les mains dans la merde et la merde lui colle aux mains. Sa vie se dispense de sirènes et de gyrophares. Sa vie se partage entre 60% de rhinopharyngites et 40% de solitude. Sa vie n'est rien d'autre que ça : une vue imprenable sur l'ampleur du désastre.
Aujourd'hui quelque chose l'atteint, de plein fouet, il n'arrive pas à mettre la distance nécessaire entre lui et cette femme.
Il la regarde et il a envie de pleurer.