Lorsqu'on ouvre ce roman, on entre dans un autre monde, une autre littérature.
Ismaëlle, 18 ans, est une jeune fille sensible, en demande et en questionnement sur sa mère qui est morte en la mettant au monde. A son tour elle attend un enfant et revient sur les événements qui viennent de se produire et le passage de sa vie d'enfant à celle d'adulte, de son adolescence à sa future vie de mère.
Au tout début j'ai trouvé l'écriture intéressante, le sujet également : une adolescente confrontée à sa solitude, au manque maternel, à la froideur de son père pêcheur sur le Lac Leman, une solitude pesante. Mais l'accident de son père va lui permettre de prendre sa vie en main, faire des choix et changer son destin.
Les femmes ont des modesties, elles savent se contenter de la place assise, sur le banc, à côté. (p10)
Elle va devenir peu à peu adulte, avec un métier d'homme, femme au milieu des hommes.Elle porte un enfant, elle a peur, elle sent la vie naître en elle, va-t-elle disparaître comme sa mère :
Mourrai-je moi aussi, en couches, d'hémorragie ? A la dernière page ? L'Epilogue ? de l'enfant que j'attends, qui bouge dans mes entrailles, qui va percer la poche, me faire perdre les eaux ? (p12)
Et au fil des courts chapitres où elle revient sur le passé, comment les événements se sont enchaînés, le climat change, la mort rôde avec l'apparition des cadavres à la surface du Lac, des centaines, des milliers, La Bête rode elle est là, tapie dans les profondeurs et demande chaque jour son lot. Pour moi j'ai pensé à une métaphore avec la mort des immigrés sur la mer, sur les plages. J'ai trouvé le symbole puissant, fort, faisant souvent référence à Moby Dick. La lutte du bien et du mal, l'indifférence, la peur des riverains.
Ismaëlle va faire la connaissance d'Ezéchiel, fils d'un dictateur africain, un prophète, riche qui a vu les exactions de son père, qui saint la dureté du monde et des hommes, qui veut affronter la Bête, Mammon comme il la nomme.
Les génocides ressemblent à des actes agricoles. On laboure, on retourne, on épand — et c'est le corps humain qui nous sert d'engrais. (p87)
J'ai recherché les symboles et significations liés aux prénoms des héros Ismaëlle : celle qui entend, Ezéchiel, le prophète, Mammon, le Veau d'or. Beaucoup de symboles mythologiques donc sans compter la référence à Moby Dick et à la lutte contre le mal.
J'ai aimé les pensées, les sentiments d'Ismaëlle du début, comment elle découvre en même temps que le métier de pêcheur qu'elle reprend, la découverte de son corps, de ses sentiments, d'une certaine froideur et désillusion, d'une absence de sensations jusqu'à l'arrivée d'Ezéchiel, sa fascination pour cet homme venu d'ailleurs, son mystère.
Je n'avais pas pleuré mon père. Pas une fois. J'ignorais qu'il suffisait de parler, tant dans mon ventre, j'étais pleine de larmes. (p108)
J'ai eu beaucoup plus de difficultés à suivre la deuxième partie du récit : lorsque Ezéchiel prend la parole, sa relation à Ismaëlle, ses envolées lyriques etc… C'est une écriture très poétique, très belle mais assez lointaine, qui n'a pas trouvé écho en moi et au fil des pages je me suis un peu perdue, j'ai décroché et ai eu du mal à aller jusqu'au bout.
C'est un récit fort j'en conviens mais pas accessible, je pense, à tous les lecteurs. Il y a beaucoup de références, de symboles qui, si on ne les possède pas, rendent la lecture laborieuse et hermétique.
Merci aux Editions Les Escales et à NetGalley pour cette lecture
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