Mohini ou l'Inde des femmes

Venant de lire Un atlas impossible d'Anuradha Roy,paru en avril 2011 chez Actes Sud éditions, j'ai eu envie de me replonger dans Mohini ou l'Inde des femmes de Rose Vincent,apprécié il y a déjà plus de ... quarante ans, qui trône toujours sur mes étagères.
Même époque, qui débute en 1907 pour le premier et en 1930 pour le second, mais Mohini ou l'Inde des femmes résulte d'une rencontre
entre l'Est et l'Ouest,Mohini, "Indienne occidentalisée mais très profondément enracinée dans une famille traditionnelle hindoue" et Rose Vincent l'auteur Française.
Voici une histoire d'amitié entre deux "étrangères" que tout séparait. Voici le quotidien de femmes,"d'artistes,de balayeuses,médecins,étudiantes,danseuses,servantes,harijans qui risquent leur vie en puisant leur eau dans celle des hindous de castes".
Voici le poids des traditions qui entrave la liberté d'une fille,d'une épouse,d'une belle-fille, qui arrange les mariages,établit des règles entre castes.
Voici une page d'histoire,la guerre en 1940 qui fait rage sur l'Europe mais dont les ondes bien que lointaines font réagir le mahatma Gandhi par un appel à la non-violence, la guerre, encore, en 1947, lorsque "le Pakistan lance ses meilleurs régiments des Pathans sur le Cachemire,le régime socialisant bien plus tard qui donne aux femmes des droits enviables mais utilisés par une minorité.
Voici un livre fort et vrai.
A prèsent que vaut ce témoignage publié en 1977? Qu'est donc devenue l'Inde quelques quarante ans plus tard? Et la "shakti", l'énergie créatrice divine qui s'incarne en elle?

Mohini est une jeune fille née en Inde au tout début des années 30.
Ce pays qui est si rigidement soumis à la dictature des castes dont les membres ne fréquentent pas ceux des autres castes.
Ce pays dans lequel hommes et femmes ne se côtoient pas même si ils sont de la même famille et vivent sous le même toit.
Le toit de la belle-mère d'ailleurs, celle qui choisira qui ses fils épouseront
Ces mariages arrangés pour lesquels les familles des filles s'endettent terriblement, il leur faut payer le trousseau de leur fille, faire des cadeaux au futur mari, à ses parents, ses frères, ses soeurs, ses oncles et tantes, ses cousins et cousines, payer tous les frais de la noce a laquelle tous les membres de la caste sont invités pendant plusieurs jours.
Voila pourquoi voir naître une fille est signe de malheur, ses filles dont les familles se débarrassent à la naissance.
Oui mais un grand espoir va naître, Mohini a 16 ans lorsqu'en 1947 l'Inde se libérera du joug anglais pour devenir indépendante.
Un grand espoir mais il en faudra tant pour faire bouger la société indienne, et pour que les filles et petites-filles de Mohini puissent y avoir une vraie place.

Je n'avais guère envie d'ouvrir ce livre. Je ne suis pas le lecteur idéal pour les récits d'une bourgeoise occidentale sur les bourgeoises indiennes.

Je me suis trompé : Mohini ou l'Inde des femmes est à lire.

Je peux être peau de vache, j'en conviens. Qualifier Rose Vincent, une résistante, une journaliste, de « bourgeoise » pour être femme d'ambassadeur en Inde, c'est facile. J'en ai le droit ! Parce que ce livre est une biographie de Mohini et de sa famille, à travers de nombreux thés au cours desquels Rose Vincent intervient. Cela fait partie du jeu quand on s'expose. Je m'en prends des réflexions à cause de mon autobiographie de prof en Inde, Bonjiour Miéssieur. Rien que sur le titre, les imbéciles tiquent. Imbécile que je suis, la photo de l'autrice sur la couverture me démotivait, j'avais l'impression d'une pub pour le café en vente par correspondance dans les années 80, vous vous en souvenez ? C'était une famille de 4 personnes…

Ce livre a été publié en 1978, il a vieilli. Mais est-ce un problème ? Et si c'était sa force ? Si ce livre avait un intérêt historique ? Pour moi, oui. Par exemple quand Rose Vincent constate qu'il y a plus de députés femmes (elle ne met pas le mot au féminin) en Inde qu'en France (9 à l'époque). de plus, Rose Vincent n'a pas ménagé ses peines, elle a même appris l'hindi.

Le style est clair et rigoureux, plutôt journalistique, l'ensemble est équilibré, un peu comme chez Dominique Lapierre (ils ont à peine 13 ans de différence). C'est quand même mieux que bon nombre de best-sellers actuels.

Ce livre m'a permis d'en savoir davantage sur l'Inde et les femmes, deux sujets qui me passionnent. Merci Rose Vincent !
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