C'est parce que l'homme m'a paru si démuni, si "lâché dans le monde", comme disait Saint-Exupéry, que j'ai renoué avec l'art du portrait, abandonné lui aussi au nom de la sacro-sainte abstraction. J'ai longtemps observé, admiré, copié les portraits si indiciblement singuliers du Musée historique de Berne, ceux d'Holbein, de Cranach, des frères Le Nain Portraits de commande saisis dans le vif de leurs identités, sujets presque naïfs dans leurs habits bordés de galons.
L'art prétendument moderne a gommé la peinture depuis ses origines, depuis les peintures rupestres de l'art magdalénien qui étaient en prise directe avec le spirituel, le sacré.
Certains peintres que l'on rattache à la peinture surréaliste n'y appartiennent pas à mes yeux. Si Dali n'est pas parvenu à s'en détacher, lui dont l'oeuvre initialement était si soignée et si riche, Miro par exemple a su s'en éloigner.
Les jeux surréalistes érigés en oeuvre d'art, cadavres exquis et écritures automatiques ne sont pas pour moi de l'art, mais un exercice, un amusement qui n'ont rien à voir avec la pratique de la peinture.
Rouault est sans invention, il ne sait pas transposer le monde, lui donner son relief intérieur, atteindre son espace intérieur
Peindre, ce n'est pas figurer, mais pénétrer.
Il y a, je crois, beaucoup de malentendus sur certains peintres français du XIXe siècle que l'on considère comme réaliste. Courbet par exemple, que j'admire tant, est un peintre qui a au contraire refusé cette grande fracture avec la peinture orientale à laquelle la Renaissance a contribué.
On a prétendu que mes jeunes filles dévêtues étaient érotiques. Je ne les ai jamais peintes avec cette intention qui les aurait rendues anecdotiques, bavardes. Or je voulais justement le contraire, les entourer d'une auréole de silence et de profondeur, créer comme un vertige autour d'elles. C'est pour cela que je les ai considérées comme des anges.
La peinture est un long processus qui consiste à faire en sorte que chaque couleur, comparable à une note de musique, s'assemble aux autres couleurs, et produise ensemble le son juste. Les couleurs n'existent, oui, que par rapport aux autres.
mes choix de toujours, la peinture chinoise, les primitifs italiens, Bonnard aussi qui apaise la rigueur géologique du site exceptionnel, quand les failles des roches, à la manière des peintres extrême-orientaux, côtoient la tendresse des pergolas et des treilles qu'il aurait aimées.