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EAN : 9782226189820
224 pages
Albin Michel (01/10/2008)
4.08/5   19 notes
Résumé :
Qui se souvient de Séraphine Louis, dite Séraphine de Senlis, née en 1864 et morte de faim, sous l'Occupation, à l'asile psychiatrique de Clermont-de-l'Oise, en 1942 ?

Qui se souvient de cette vie cachée, de ce destin prodigieux qui fit d'une humble femme de ménage un des plus grands peintres hallucinés du XXe siècle, cloîtré dans sa misérable cellule, luttant contre la faim et la tyrannie de ses délires ?

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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
N°369– Septembre 2009
SERAPHINE, de la peinture à la folie- Alain Vircondelet – Albin Michel

L'univers des autodidactes m'a toujours fasciné, tout comme la spontanéité du style naïf en peinture comme dans d'autres disciplines artistiques. D'autre part, le succès, la notoriété ont des lois que je ne m'explique pas très bien surtout quand ils se manifestent en dehors des voies royales de la médiatisation, du matraquage journalistique ou d'un parisianisme incontournable.

Rien ne prédisposait en effet, Séraphine Louis, née à Asny [Oise]en 1864 dans une famille pauvre, d'un père horloger itinérant et d'une mère domestique de ferme qui meurt alors qu'elle vient d'avoir un an, à connaître le succès. Son père meurt lui-même alors qu'elle n'a pas encore sept ans. C'est donc une orpheline qui, recueillie par sa soeur aînée, devient bergère, domestique au Couvent de la Providence à Clermont [Oise] puis femme de ménage, à partir de 1901, à presque quarante ans, dans les familles bourgeoises de Senlis. C'est dans cette même ville qu'en 1912 s'installe un collectionneur et marchand d'art allemand, Wilhem Uhde, lassé de la vie parisienne. Amateur de Picasso et du Douanier Rousseau, il remarque, chez des notables, de petites oeuvres peintes sur bois et découvre que leur auteur n'est autre que sa propre femme de ménage, Séraphine. Voilà tous les ingrédients d'un conte de fée, mais la réalité est toute autre. Celle qui aurait voulu devenir religieuse par amour de Dieu et qui a été maintenue par la Mère Supérieure dans sa condition de simple servante à cause de sa pauvreté et de son absence de dot, garde cependant en elle une foi inébranlable. Considérée comme un esprit simple, sans instruction et sans fortune, elle est finalement poussée dehors et commence à peindre en s'inspirant de ce qu'elle connaît, des images pieuses, des vitraux, des statues des églises et du culte marial, des fruits, des fleurs et des feuilles.
Elle s'humilie devant Dieu qui, le pense-t-elle, lui dicte son cheminement artistique. Elle peint sans véritable technique, sans avoir jamais appris, au Ripolin, pratique des mélanges inattendus et improbables mais reste à l'écoute exclusive de cet « ange » qui la guide. C'est un peu comme si, en elle, se révélait une sorte de « mémoire héréditaire » dont elle était l'expression, la manifestation, avec en plus la main de Dieu pour la soutenir. La folie mystique qui l'habite et dont elle ne cache rien, la fait déjà considérée par la rumeur publique comme une folle. Elle se compare à Jeanne d'Arc, à Bernadette de Lourdes, se définie comme une « voyante de Dieu », prétend entendre des voix qui lui intiment l'ordre de peindre, ce qu'elle fait comme un devoir sacré.

Après la guerre de 14-18, Uhde revient s'occuper d'elle et la révèle au grand public, organise des expositions. Son style, naïf et primitif, s'inspire d'une nature luxuriante semblable à celle qu'elle imagine au Paradis Terrestre. On la compare déjà au Douanier Rousseau et les surréalistes s'intéressent à ses oeuvres. Elle-même se reconnaît une parenté artistique avec Van Gogh. La notoriété aidant, elle devient imbue d'elle-même, et elle qui avait toujours vécu de peu, se met à faire des dépenses inutiles et coûteuses malgré les mises en garde de Udhe. Son style change et se surcharge de pierreries et de plumes, les couleurs, vives au départ, s'assombrissent mais elle continue d'exploiter les thèmes bibliques ... Sa peinture est, d'une certaine façon, la synthèse entre Dieu et les hommes, se définissant elle-même comme une médium solitaire et secrète, investie par les puissances surnaturelles. Dès lors, elle se prétend « l 'élue de Dieu », sa servante, son instrument, s'affirme cependant « sans rivâle » et s'enfonce de plus en plus dans une folie irréversible.

La grande dépression des années trente met fin à ses ventes ce qui affecte sa santé mentale et physique au point qu'on songe de plus en plus sérieusement à un internement. Les symptômes délirants s'accentuent avec la perspective de la guerre qui s'annonce, Uhde, juif, anti-nazi et homosexuel, disparaît, et avec lui sa source de revenus. Son discours mystique s'accentue, elle parle de la mort, abandonne la peinture, s'enfonce de plus en plus dans un dénuement moral dont elle ne sortira plus. Des plaintes sont déposées et, possédée par un délire définitif, finit par troubler l'ordre public, ce qui la précipite à l'hôpital psychiatrique de Clermont en 1932. Elle perd complètement la tête ainsi que l'atteste un rapport de police. Dès lors personne n'entendra jamais plus parler d'elle, elle ne fera jamais plus partie de ce décor provincial où elle dérangeait. Elle y restera dix ans sans jamais reprendre la peinture, prostrée, comme si cette vibration qui avait guidé sa main l'avait définitivement quittée. Elle est victime de délires hallucinatoires, de psychoses, l'hystérie la gagne et elle souffre de persécutions. Uhde retrouve sa trace et l'aide financièrement pour adoucir son sort, mais dans cet univers, la peinture qui a été toute sa vie n'a plus d'importance.
Son délire s'accentue dangereusement, elle se croit enceinte et la deuxième guerre mondiale éclate la précipitant dans un état de dénuement physique et mental alarmant que les restrictions alimentaires et un cancer aggravent. La politique d'extermination des nazis à l'égard des malades mentaux la précipite, fin 1942, dans la mort solitaire, mais c'est aussi de faim qu'elle meurt. Personne ne réclamant son corps, elle sera ensevelie à la fosse commune.

C'est un livre passionnant et agréablement écrit que j'ai lu d'un trait tant l'histoire de cette femme est inattendue mais pourtant si commune à celle de bien des artistes, et comme le note l'auteur « Comme Camille Claudel morte dix mois seulement après elle et dans les mêmes circonstances, elle a été de ces artistes qui ont été au bout d'eux-mêmes, à l'extrême de leurs limites et qui ont accepté la plus grande violence contre eux » .

De nombreux musées, celui de Nice, de Senlis mais aussi le musée Maillol à Paris exposent ses oeuvres.



©Hervé GAUTIER – Septembre 2009.http://hervegautier.e-monsite.com
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C'est avec curiosité que j'ai commencé cette biographie ne connaissant ni Séraphine Louis ni ses toiles. Je me souvenais vaguement avoir entendu parler d'un film retraçant la vie peu commune d'une femme inculte, illuminée par la peinture interprétée par Yolande Moreau, mais qui n'avait pas vraiment éveillé mon intérêt.

La première cinquantaine de pages m'a paru lourde, longue, pesante tant le personnage de Séraphine est triste, morne, solitaire avec une vie difficile. Cette difficulté à rentrer dans le sujet n'a rien à voir avec le talent de l'auteur mais tout à voir avec la monotonie d'un début de vie incolore. Pauvre, rapidement placée comme "bête de somme" pour assumer les travaux de ferme et le ménage des maisons, elle voue sa vie à Dieu et la Vierge Marie. N'ayant aucune dote à offrir, elle ne peut prendre le voile pour devenir nonne; malgré tout elle entre au couvent pour contribuer aux travaux d'entretien des Soeurs pendant une vingtaine d'années. Il est difficile d'établir une biographie exacte de cette époque comme pour tous les "invisibles", les nécessiteux qui ne laissent aucune trace derrière eux. Mais ce départ laborieux est un passage obligé car connaître le parcours et les racines des personnages est important pour saisir l'empreinte qu'ils ont laissée sur le comportement et le déroulé de leur vie future.

Mon intérêt s'est éveillé dès que Séraphine a saisi un pinceau pour coucher ses premières couleurs sur des bouts de bois de récupération. Impossible d'avancer dans ma lecture avant de visionner les quelques toiles restantes disséminées dans les musées qui veulent bien les exposer. À partir de cet instant, je me suis totalement laissée emporter par les délires picturaux de l'artiste méconnue. Son oeuvre est classée dans l'Art Naïf mais ses tableaux ne peuvent rester enfermés dans une case bien délimitée, tout comme la femme. Ses fleurs sont tourmentées, sans cesse en mouvement tout comme son esprit en proie à la folie naissante qui finira par l'anéantir. Ses couleurs incandescentes, dont elle ne dévoilera jamais le secret de fabrication, expriment une rage de peindre comme si elle n'avait pas de temps à perdre. Les deux ne sont pas sans rappeler la fureur créatrice et dévastatrice de van Gogh. Est-ce sa vocation religieuse contrariée, sa solitude ou le rejet que lui fait subir la société qui la tourne vers la peinture? Elle attribue ses tableaux à l'inspiration divine, sa façon d'établir un dialogue avec Marie et tous les Saints. On peut constater que les tailles des toiles, leur construction et leur beauté s'accroissent avec le temps. Peut-être un peu par la maîtrise qu'elle acquiert mais surtout en parallèle de son délabrement psychique. La cacophonie de ses voix intérieures la plonge dans une transe mystique que seule la pratique de la peinture semble apaiser.

Le hasard a mis sur son chemin Wilhem Uhde, collectionneur, marchand d'Art et mécène, ami du célèbre Ambroise Vollard et "découvreur" de Picasso et d'Henri Rousseau entre autres. C'est grâce à lui que Séraphine de Senlis n'est pas restée dans l'ombre car il lui a acheté toute sa production, tant il a été bouleversé par ses représentations végétales illuminées et tourbillonnantes. Malheureusement, beaucoup de ces tableaux ont disparu, victimes de la destruction aveugle de "l'art dégénéré" orchestrée par le nazisme. Uhde étant notoirement pacifiste et homosexuel, il s'est caché de la Gestapo avec quelques toiles, celles que nous pouvons admirer aujourd'hui.

Même si l'auteur n'y faisait pas référence à plusieurs reprises, il est impossible de ne pas penser à Camille Claudel (1864-1943), son exacte contemporaine. Ces deux femmes artistes, restées longtemps dans l'ombre ont connu la même fin tragique, terrassées par la folie, refusant de pratiquer leur art pendant tout le temps de leur internement. Ce sont leurs seuls points communs car leurs origines n'ont rien en commun, Séraphine étant née dans un milieu pauvre dont elle ne sortira jamais et Camille de famille bourgeoise aisée pourra suivre une instruction liée à son art. La première totalement autodidacte est animée d'une force mystique alors que la seconde cherche à modeler la palpitation de la vie et sa force destructrice.

Mille mercis à mon amie Gouggy pour m'avoir fait découvrir ce livre et surtout l'artiste "sans rivâle" comme elle aimait à se définir, la mystique qui peignait le mouvement, les pigments de la vie et de sa folie. Inculte, sans formation d'aucune sorte, elle puisait son inspiration dans la nature, répondait en images aux voix qui la guidaient et l'habitaient et qui ont fini par la noyer dans un délire métaschizophrénique.

Pour compléter cette découverte aussi fascinante que troublante, je vais m'empresser de visionner le film Séraphine de Martin Provost (2008), récompensé de pas moins de 7 Césars ne sachant pas s'il va faire vibrer les mêmes cordes sensibles touchées par le livre.
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C'est avec une grande émotion que j'ai refermé cette histoire de Séraphine, un degré d'émotion que je connais bien, quand, la dernière page tournée, en silence, je tournicote le livre dans tous les sens, sans pouvoir me résoudre à le poser, à l'abandonner…

Séraphine est un personnage bouleversant et son oeuvre l'est tout autant, c'est un enfantement, ce n'est pas rien. Alain Vircondelet a magnifiquement su le faire vivre et partager son émotion et celle de Wilhelm Uhde qui avant lui était tombé sous le charme et grâce à qui une partie de son oeuvre a pu être sauvée de la barbarie.
Si la création artistique est déjà un mystère, avec Séraphine tout est mystère, et il se déploie au centuple dès que l'on se frotte à la troublante et intense présence de ses floraisons. D'où viennent-elles ?

« Tout ce qu'elle a peint, tout ce qu'elle a fait naître vient de trop loin et répond à un ordre trop mystérieux, envoûtant et enchanteur qui n'appartient pas au registre de la folie, sauf à penser que la folie est un lieu encore inexploré que seuls pionniers, comme Séraphine, ont eu le « privilège » de traverser. le prix à payer fut lourd et le tribut, écrasant. A coups de solitude et de désespoir, de pauvreté et d'abandon, de misère spirituelle. Au prix de ce que Jean de la Croix appelait « la nuit ».
Séraphine la connut. Elle fut immense, vaste et sans horizon. »

Où sont dispersées aujourd'hui les oeuvres de Séraphine, la « sans rivale » comme elle se définissait ? Apparemment une pincée de musées en possèderait quelque unes, mais Alain Vircondelet est muet sur ce sujet, par contre il déplore à juste titre l'incroyable et injuste dédain dans lequel on continue de la maintenir, et aujourd'hui encore :

« L'oeuvre néanmoins demeure, imparable, infracassable. Mais jusqu'à quand connaîtra-t-elle l'exil dans lequel elle est encore demeurée, loin des cimaises publiques, loin des expositions temporaires, loin des ouvrages de référence, loin de l'indifférence du grand public ? Jusqu'à quand subira-t-elle l'outrage des faux modernes, elle qui l'est si complètement ? …. Jusqu'à quand devra-t-elle attendre de rejoindre sa vraie place qui est parmi les premières de l'art moderne, aux côtés de ceux qui ont fait le XXe siècle, Picasso, Matisse, Braque, les surréalistes, les grands maîtres naïfs, les fauves et les expressionnistes ?

Celle qui sut transformer sa « vie minuscule » en destin grâce à la peinture, et qui mourut affamée, dans sa ville occupée par ceux qui traquaient ses fleurs gothiques au nom de « l'art dégénéré ».

Et l'on comprend mieux alors, s'il en était encore besoin, qui étaient les vrais fous ».
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Séraphine est, pour moi, une artiste qui mérite à être connue.

Je l'ai découverte grâce à l'exposition qui a eu lieu au musée Maillol, à l'occasion du film de Martin Provost, en 2008.

Ce fût pour moi une révélation.
J'ai été impressionnée et touchée par ce monde végétal si coloré et vivant, grouillant même, n'appartenant qu'à elle.
Sans aucun cours de dessin, ni de connaissance artistique, elle a réussi à créer une oeuvre riche.

Puis, je suis allée voir le film.
Peu de dialogue, nous sommes dans le contemplatif, le ressenti. Un film incroyable avec Yolande Moreau qui colle totalement au personnage. Elle ne joue pas Séraphine, elle est Séraphine.

Enfin, j'ai lu cette biographie.
Intéressante, elle permet de mieux connaître sa vie mais surtout son besoin viscérale de produire, de créer.
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Séraphine - de la peinture à la folie ( Alain Vircondelet) 2008

Vous ne la connaissez peut-être pas ?
Et pourtant tous les grands artistes surréalistes du XXe siècle ont admiré ses oeuvres.

Séraphine est née en 1864 dans l'Oise. Issue d'une famille pauvre, elle devient femme de ménage. Mais elle a une passion. Ou plutôt un besoin vital, presque métaphysique : celui de peindre. Fervente croyante ( elle voulait, étant jeune, devenir religieuse, mais sa pauvreté l'en a empêchée), elle se laisse guider par "son ange" dans ses oeuvres. Elle n'a aucune technique et n'appartient à aucune Ecole.
Habitée par une sorte de folie mystique, elle est considérée comme simple d'esprit.
Cependant, grâce à Wilhelm Uhde ( galeriste et critique d'art allemand), les peintures de Séraphine sont exposées.
Mais la crise des années 30, puis l'arrivée de la guerre accentuent les difficultés et la santé mentale de Séraphine décline vertigineusement. L'internement en hôpital psychiatrique est inévitable : viennent alors les délires hallucinatoires, les crises d'hystérie, le sentiment de persécution...
Et la peinture dans tout ça ?

Cette lecture m'a marquée et bouleversée. On ne peut s'empêcher de faire le parallèle avec Camille Claudel, sa contemporaine, qui a connu sensiblement le même parcours, la notoriété en plus.
La solitude de cette artiste, sa souffrance mentale et plus tard physique m'ont beaucoup émue.

Un film a été réalisé en 2008. Séraphine y est interprétée par l'incroyable Yolande Moreau. Un magnifique hommage.
Lien : https://www.instagram.com/lo..
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Citations et extraits (28) Voir plus Ajouter une citation
Les restrictions conduisent à l’intérieur même de l’hôpital à des délits organisés qui privent de nourriture les malades. Certains membres du personnel soignant ou administratif volent les maigres rations des aliénés. Séraphine ne cesse de réclamer du papier et à manger. On lui dit que c’est la guerre, qu’il n’y a plus de papier et plus de nourriture. Elle commence alors à manger régulièrement de l’herbe à quatre pattes, comme une bête, se sauve la nuit de son pavillon, et déclare aller « boire le lait qui coule de la lune » et manger l’herbe fraîche de rosée.

Alentour champs et fermes cultivés par les malades pour fournir fruits, légumes et laitages à l’hôpital. Mais dans la débrouille généralisée et organisée, le personnel détourne systématiquement la nourriture destinée aux malades. Le fameux « coulage » comme on l’appelle, bénéficie directement à l’administration de l’hôpital. Certains abus, trop fragrants, sont certes sanctionnés à Clermont.
Des membres du personnel sont licenciés pour détournement de nourriture destinée aux malades, mais dans l’ensemble on ferme les yeux devant les larcins, encouragés par des circulaires d’Etat… : « Le manque de denrées se fait sentir pour tous et il n’y a aucune raison pour que les aliénés bénéficient d’un régime de faveur ». Ce n’est qu’en 1942 que le secrétaire d’Etat à la Santé et à la famille adopte une circulaire dans laquelle il spécifie qu’il convient « d’accorder des suppléments en denrées contingentées aux aliénés internés dans les hôpitaux psychiatriques ».

En 1940, la France compte environ 110 000 malades mentaux internés. 45000 y mourront de faim entre 1941 et 1945, la plus grande hécatombe se trouvant entre 1941 et 1942.
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Elles ne savent pas tout de Séraphine, mais Séraphine non plus ne sait presque rien d’elle. D’où vient cette souffrance intérieure, comme un cri bâillonné, d’où vient cette gorge sèche qui réclame d’autres soifs ? Elle sait que si ce cri devait un jour sortir, il briserait par sa force et son intensité les vitraux de l’église, il effraierait les pauvres sœurs, il dirait tant de douleur et tant de solitude, tant de jours anéantis, d’élans fracassés, de vie qui de nouveau coulerait, forte comme une crue, et charrierait tant de couleurs…
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Toujours est-il qu’il (Uhde) va faire mourir Séraphine dès 1934, soit, deux ans à peine après son hospitalisation, comme s’il voulait par-là se délier d’elle. L’esthétisme de Uhde ne se plaît guère dans ces lieux de douleur. Il y a chez lui comme une fuite, une démission causée par sa sensibilité à fleur de peau, non pas une ingratitude au regard de tout ce que Séraphine lui a en fait confié, la quasi-totalité de son œuvre picturale, mais un refus d’aller au-devant du malheur et de la folie.

Séraphine est abandonnée de tous. Uhde lui-même depuis longtemps ne donne plus signe de vie, l’a enterrée de son propre vivant….Il sait que sa vie est menacée, qu’en tant que Juif, Allemand hostile au nazisme et homosexuel, il a toutes les raisons de le croire.
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Quand Uhde lui raconte le succès qu’elle a dans les milieux artistiques, elle en sourit, la comble. Elle lui dit cependant que tous ceux qui l’admirent ne savent pas forcément la portée de ce qu’elle peint. « Ce ne sont pas seulement des fleur », a-t-elle coutume de dire, « pas seulement des arbres et des feuilles, mais bien autre chose. Quelque chose de la vie et de la mort », rajoute-t-elle mystérieusement. . Uhde le sait bien.
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Certaines toiles, probablement, durent subir l’outrage de la destruction volontaire au nom de l’art maudit. Les autres, celles que l’on peut voir encore ont été gardées, roulées soigneusement par les Uhde et de nouveau encadrées à la Libération. Dès 1937, les nazis ont pillé les musées nationaux, à la recherche d’œuvres dites « dégénérées ». Coupables à leurs yeux d’avoir été réalisées non seulement par des ennemis du Reich, mais aussi par des fous, des illuminés, de dangereux subversifs.

Mais c’est grâce à l’habileté et à la prudence de Uhde que restent aujourd’hui quelques spécimens majeurs de l’art fantastique de Séraphine.
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Alain Vircondelet vous présente son ouvrage "Et nos pleurs seront des chants" aux éditions Fayard.
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