AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,78

sur 48 notes
5
5 avis
4
4 avis
3
1 avis
2
2 avis
1
1 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Parmi les écrits d'Antoine Volodine & Cie, les grands romans parus au Seuil sont à distinguer.
S'il était encore nécessaire de parler en terme de construction, ils en seraient les poutres : narrations au long cours, véritables trames romanesques, structures narrées de manière sérieuse.
De solides histoires, se déroulant dans des mondes qui le sont beaucoup moins, où narrateurs, personnages et spectateurs tentent de se raccrocher à des lambeaux de vie normale au milieu d'environnements en décomposition.

Ces Songes sont bien une manière élégante et vaguement désespérée de nous conter la difficile expérience d'une traversée du Bardo, équivalent tibétain de notre purgatoire, 49 chapitres dans cet univers noir.

La réussite de ce roman tient dans sa progression physique et géo-mentale ininterrompue, étageant ses différentes strates de réalités sans nécessité d'en consulter la carte, les quelques recours à la magie semblant plus vrais que nature.

Des oiseaux-mutants en sont les gardiens, ou peut-être simplement les prisonniers.
Le folklore post-historique y reste discret, nous situant dans une capitale orientale de l'Eurasie, si un tel lieu pouvait exister.

Rien n'y est facile, et pourtant, tout s'y passe naturellement.
La noirceur absolue qui y règne ne nous fait jamais perdre de vue la malice de son créateur ; on se prend même à sourire, à rêver et à rire, alors que toute couleur a disparu.

Un essentiel morceau d'histoire post-exotique, pas le premier ni le dernier, pour continuer son chemin…
Commenter  J’apprécie          8215
« Un nouveau tramway glissa sur sa gauche en annonçant son passage à coups de cloche rituelle. Tu n'en peux plus dans cette chaleur poisseuse, Mevlido, pensa-t-il. Mais reprends-toi. Ne laisse pas les horreurs du passé déborder sur ton présent. Évite de songer au passé, ne considère le présent que sous son jour le plus favorable. Apaise-toi. Regarde le réel tel qu'il est au centre-ville, agrippe-toi à lui. Regarde Memorial Avenue. Tu es au centre de la civilisation, au centre de ce qui n'a pas été détruit, c'est vrai que cela ne représente plus grand-chose à l'échelle de la planète, puisque presque rien n'y a été épargné, mais tout de même, c'est le centre. La ville a tenu bon en dépit des massacres, elle regroupe ceux qui ont tenu bon, ceux qui restent, elle s'appelle maintenant Oulang-Oulane. ».

Dans cette ville tentaculaire, Mevlido, un policier au service d'un état corrompu, habite Poulailler Quatre, un quartier pauvre. Pas par choix mais pour surveiller ses autres habitants, mi-humains, mi-oiseaux pour beaucoup d'entre eux. Il joue un double-jeu car il a aussi des contacts avec des groupes terroristes.

L'atmosphère de ce quartier est littéralement étouffante, entre plumes et poux en suspension dans l'air ambiant. Et la canicule perpétuelle aggrave encore la situation.
Son amour, Verena Becker, a été assassinée par des enfants-soldats et il est resté inconsolable. Un peu comme Orphée, il sera tenté d'aller la récupérer dans des enfers toujours plus labyrinthiques, entre présent et passé, vie et mort.

Je ne sais qu'ajouter au sujet de ce roman, qui brasse beaucoup des thèmes favoris de l'auteur. Mais la donne issue de ce brassage est à chaque fois différente. Et pour ma part je ne peux qu'avancer dans ces mondes étranges et sombres. J'ai lu environ une dizaine de textes de cet auteur et à chaque fois je suis captif. Je n'en abuse pas, car je sais que cela me fera forte impression et que la lecture ne sera pas toujours une partie de plaisir. Une sorte d'humour est parfois présent, mais le ton général reste cauchemardesque.
Commenter  J’apprécie          295
À une époque indéterminée, deux cent ou trois cent ans après le désastre historique du XXème siècle, la planète a été ravagée par les guerres, les catastrophes écologiques et les génocides ; les espoirs révolutionnaires ont été systématiquement déçus et les rares survivants de l'humanité agonisante sont maintenant regroupés dans la ville d'Oulang-Oulane.

Aux marges de cette mégalopole, Mevlido, qui exerce la profession d'inspecteur de police, mène une vie de survivant dans un ghetto sordide, le Poulailler Quatre, où survivent les membres de la «sous-humanité», refugiés pouilleux, malades mentaux, vieilles bolcheviques insanes et oiseaux menaçants, sous la lumière d'une lune inquiétante.

«Dès qu'ils furent de l'autre côté de la Porte Marachvili, le blanchoiement de toutes choses sous les rayons lunaires s'atténua. Les rues avaient rétréci. L'éclairage urbain avait des défaillances. On devait parcourir des dizaines, et parfois des centaines de mètres dans l'ombre, au petit bonheur. Les trottoirs et la chaussée étaient jonchés d'épaves. Souvent on frôlait des drogués des deux sexes, affalés dans leur vomi et dans leurs rêves. Quand l'obscurité était profonde, des oiseaux la colonisaient : des mouettes obèses, gigantesques, des corneilles monstrueuses, des chouettes, des poules ; elles recouvraient de larges portions du sol, constituant des groupes compacts qui protestaient contre les intrusions et interdisaient le passage à coups de bec. On marchait au milieu des gloussements et des cris.»

Dans cette atmosphère crépusculaire et moite, Mevlido est un héros englué dans ses fantasmes, ses cauchemars et dans les mensonges qu'il doit faire, à la hiérarchie policière, à la psychiatre et à tous les autres pour protéger ses rêves. Il partage sa vie avec Maleeya Bayarlag, une femme abîmée par la perte de son compagnon tué dans un attentat, et qui a depuis basculé dans la folie. Et Mevlido est lui-même égaré et psychiquement fragile, sans cesse assailli par les souvenirs et les songes de la femme qu'il a aimé, Verena Becker, martyrisée et assassinée vingt ans plus tôt par des enfants soldats. Toutes les femmes qu'il croise et qui meurent autour de lui le renvoient vers cette quête de Verena Becker à laquelle il ne peut renoncer.

Mevlido est-il dans le rêve ou la vie éveillée ? Déjà au-delà de la vie ? Ou se trouve le mensonge et la vérité ? Ces questions se posent, mais on peut s'en défaire puisque la recherche de vérité et d'idéal apparaît comme vouée à l'échec.
Dans notre humanité crépusculaire, voisine familière de cette fiction et également hantée par la perte d'idéal, pénétrer l'oeuvre monde d'Antoine Volodine semble un recours indispensable. Et ce seizième roman de l'auteur, paru en 2007 aux éditions du Seuil, peut constituer, à l'instar d'«Écrivains» (2010) ou de «Terminus radieux» (à paraître fin août 2014), une magnifique introduction à son univers imaginaire unique, étrange et visionnaire.

«Mevlido se rappelait l'épisode final de ce livre dont il avait oublié le titre. Un être invulnérable, condamné à mort, était exécuté dans l'unique endroit où on avait pu l'atteindre, à l'intérieur d'un de ses rêves. Profondément endormi, il ouvrait les yeux et il voyait sur le sol des bourreaux qui étaient venus à lui sans armes ni vêtements, des assassins que la traversée des mondes oniriques avait empoisonnés et presque tués : un homme et deux femmes, précisément. L'asphyxie ralentissait leurs gestes, leur peau avait bleui, ils grelottaient à l'entrée de la chambre. Lui, l'être qu'aucune arme ne blessait, quittait son lit, il s'approchait d'eux, il les examinait comme s'il allait brutalement leur régler leur compte, et pourtant, envers ces trois individus qui avaient pour tâche de le détruire, il ressentait de la compassion. Tel était le mécanisme infernal de ce cauchemar. Méprisant le fait que les agresseurs se trouvaient à sa merci, il les consolait, il se penchait sur eux et leur parlait. Et ainsi se refermait le piège de pitié qu'on avait tendu autour de lui. Une à une, ses défenses s'étiolaient, ses capacités de résistance à l'anéantissement. La sympathie, l'empathie dissolvaient sa carapace, et, pour finir, en contradiction avec les principes qui avaient gouverné jusque-là son existence, il perdait toute envie de s'évader et il allait avec philosophie à la rencontre de sa mort.»
Commenter  J’apprécie          40
Engagez-vous, qu'ils disaient ! Lire Volodine c'est s'engager dans un voyage sur «Cauchemar Airline » , un univers poisseux , pulvérulent et fracassé de bidonvilles apocalyptiques envahis d'araignées et d'oiseaux mutants , résonnant de slogans surréalistes et de chants chamaniques, où les personnages tuent , rêvent qu'ils tuent , rêvent qu'ils sont tués , aiment , rêvent qu'ils aiment , rêves qu'ils sont aimés . Et il faut le lire Volodine , pas seulement pour son imaginaire fascinant , sa remarquable écriture mais aussi parce c'est notre monde qu'il décrit.
Commenter  J’apprécie          20
Dans un monde dévasté par la destruction et la violence, Mevlido, fonctionnaire dans la police, mène une existence sinistre, frôlé par le désespoir, la démence et des rêves terribles. Verena, l'épouse de Mevlido, a été massacrée par des enfants-soldats vingt ans auparavant. Suite à un attentat, il lance délibérément ses collègues enquêteurs sur une fausse piste, à seule fin d'en savoir plus sur une femme qui se trouvait sur les lieux et ressemblait de façon troublante à Verena.
Lire la suite : http://ivressedupalimpseste.blogspot.com/2008/11/antoine-volodine-songes-de-mevlido.html
Lien : http://ivressedupalimpseste...
Commenter  J’apprécie          10


Lecteurs (95) Voir plus



Quiz Voir plus

Les plus grands classiques de la science-fiction

Qui a écrit 1984

George Orwell
Aldous Huxley
H.G. Wells
Pierre Boulle

10 questions
4895 lecteurs ont répondu
Thèmes : science-fictionCréer un quiz sur ce livre

{* *}