Voltaire est un des plus importants écrivains français. Si vous ne le savez pas, ce dont je doute, je vous l'apprends ; si vous le savez, ce que je suppose, je vous le confirme. Mais il n'est pas que cela. Il est un homme d'idées, et d'idées ouvertes. Oui, parce qu'il y a des idées fermées et des idées ouvertes : certains philosophes, certains penseurs, énoncent leurs théories comme des axiomes de mathématiques. Et d'autres proposent leurs vues sans les imposer, laissant le lecteur faire son choix.
Voltaire, d'après moi, fait partie de la seconde catégorie : il a des idées bien arrêtées sur nombre de sujets, mais plutôt que les imposer, il préfère discuter, et discuter arguments à l'appui. (C'est ce que je pense, mais peut-être me trompe-je…)
En tous cas quand il a une idée en tête, il ne l'a pas ailleurs, pas même là où vous pensez. Il y a une chose qui le hérisse, c'est l'injustice. L'erreur judiciaire lui donne des boutons, la condamnation d'un innocent le fait sortir de ses gonds. Ce n'est pas juste une posture, il a une véritable culture humaniste, et il le prouve : entre 1762 et 1776 (soit entre 68 ans et 72 ans, ce n'est pas rien, à l'époque) il s'attaque à quatre grandes affaires où la justice s'était … euh … quelque peu fourvoyée : L'affaire Calas (1762), L'affaire Sirven (1764), L'affaire du chevalier de la Barre (1766) et L'affaire Lally-Tollendal (1776).
Disons deux mots de l'Affaire Calas, car c'est à la suite de ce grand débat qu'il a écrit le « Traité sur la Tolérance ». A Toulouse Marc-Antoine Calas est retrouvé pendu dans son grenier. Comme il était un protestant sur le point de se convertir au catholicisme, on a pensé (on, c'est-à-dire les malveillants sévissant sur les réseaux sociaux de l'époque) que c'était son père, protestant rigide, qui l'avait dûment occis. Ledit père fut roué vif, étranglé et brûlé, place Saint-Georges, à Toulouse (Amis Toulousains, si vous passez par là, ayez une pensée pour le pauvre Calas !)
Voltaire prit le dossier en main, et à force de secouer le cocotier, réussit à obtenir la réhabilitation de Calas, l'annulation de l'arrêt du Parlement, et l'indemnisation de la famille (qui était à deux doigts de subir le même sort que le père pour « complicité »).
Le « Traité sur la tolérance », écrit à cette occasion, est un véritable manifeste pour un « vivre ensemble » au-delà des religions, des idéologies et des croyances personnelles.
Voltaire part de l'Affaire Calas en démontrant, preuves à l'appui, le parti-pris des juges. Puis il argumente sur la tolérance, en prenant modèle sur les Anciens, puis sur les religions chrétiennes et judaïques, avant de s'épanouir dans une extraordinaire « Prière à Dieu » qui est l'avant-garde du « I have a dream » de Martin Lutherking.
Il est à noter que, même s'il fait référence aux religions,
Voltaire, sans être athée déclaré comme
Diderot, ni chrétien militant comme Pascal, se posait des questions
« L'univers m'embarrasse, et je ne puis songer
Que cette horloge existe et n'ait point d'horloger ». (Les Cabales – 1772)
Dans le « Traité », il démontre que la tolérance peut être à la fois une vertu divine et humaine, mettant ainsi tout le monde d'accord.
Signalons enfin qu'en 2015, au lendemain des attentats de
Charlie-Hebdo, le « Traité sur la tolérance » se plaça en tête des succès de librairie un peu partout dans le monde, prouvant ainsi (s'il en était besoin) que
Voltaire, en plus d'être un écrivain, est une « conscience », et, des « consciences » comme lui, nous en avons sacrément besoin !