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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Avec Une sortie honorable, Éric Vuilllard chante à nouveau son inlassable révolte devant les ravages et atrocités engendrés par la civilisation occidentale depuis les débuts de l'époque moderne et la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb. Conquistadors, La Bataille d'Occident, Congo, Tristesse de la terre, L'Ordre du jour, toutes ces oeuvres creusent un même sillon, rappeler avec force et indignation, par un usage maîtrisé de l'ironie et de la satire, à quel douloureux prix notre grande et belle civilisation occidentale parvint à s'enrichir et dominer le monde. Vuillard s'intéresse ici à l'opposition française et américaine à l'indépendance du Vietnam après la Seconde Guerre mondiale. Jouant librement avec les protagonistes de la véritable histoire, Vuillard affirme ainsi son statut d'écrivain et non d'historien comme certains lecteurs peuvent le croire. Il défend ouvertement la cause des faibles et des opprimés face à l'inhumanité des nantis. D'aucuns y déplorent une vision marxiste de l'histoire, mais les 3 millions six cent mille morts vietnamiens dépendent-ils d'une vision marxiste? Peut-on faire abstraction de 3 millions six cent mille morts?
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Eric Vuillard est à son meilleur dans ce court récit qui se déguste de mot en mot ! Les tableaux de la période de la guerre d'Indochine se succèdent et nous présentent la dissection minutieuse de certains de ses acteurs. Qu'ils soient politiques, financiers ou militaires, presque aucun ne trouve grâce aux yeux de ce chirurgien des mots qui sait inciser là où ça fait mal. C'est aussi cruel que jubilatoire.
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Couverture du livre, sous le titre du livre et le nom de l'auteur, juste au dessus de la tête de Jacqueline de la Croix de Castries figure la mention « récit ». Nous n'allons donc pas lire un roman. La nuance est importante. Une série de chapitres qui respectent la chronologie mais avec des coupures parfois importantes. Pas davantage d'unité de lieu, nous sautons, sans mauvais jeu de mot, de l'Indochine à la France et inversement, nous partons même brièvement au Congo Belge pour un « récit » sur Patrice Lumumba dans un chapitre « Les diplomates » que j'ai personnellement décidé de renommer, « si je devais ne garder qu'un seul chapitre, ce serait lui ! » Un peu trop de désordre pour être un roman donc, diront les esprits chafouins ! Mais nous étions prévenus, c'est un « récit ». Pourtant, un « récit » qui se lit comme un roman. Avec ses gueules, ses surnoms, ses situations trop invraisemblables pour être vraies et pourtant ! Tout est vérifiable ici, dans les mémoires de certains des protagonistes (Bidault, par exemple), dans les compte-rendus de séance du Palais Bourbon et dans les livres des spécialistes de la question, Jean-Pierre Rioux, Bernard Droz, Marc Michel, si ma mémoire ne me fait pas trop défaut.
Un « récit » donc, historique de surcroît. Mais que ceux qui dormaient pendant les cours, les miens peut-être, se rassurent, le prof Vuillard est excellent. Car oui plutôt que de « récit » et de chapitres, nous assistons à un cours. On croirait qu'il est là devant nous, ce prof passionné et passionnant, ce que nous supposions depuis « L'ordre du jour ». C'est comme s'il était en train de commenter un Power Point, plein de documents évocateurs, s'efforçant de nous plonger dans l'Indochine coloniale, sa justification économique, la prédation des marchands d'alors. Ensuite, il parle de la guerre qui suivit, les mots sont toujours précis. Il sait, comme un bon prof, relancer notre attention en se permettant des digressions. Il nous donne des clés supplémentaires pour appréhender cette douloureuse page de l'histoire nationale qui se déroule dans le contexte très particulier de la guerre froide. Comme tous les bons profs, il ne cherche pas à être objectif, il prend position, il épargne PMF et égratigne ce pauvre Dupont des loges, qui franchement, l'a bien mérité. Il provoque même : le « petit sac de sperme » de Marie Ferdinand de la Croix de Castries, c'est un coup à être convoqué par le proviseur parce que des parents se plaignent. Mais, le proviseur se contentera de le tancer gentiment car il sait qu'il est rare d'avoir sous son autorité un prof de cet acabit, qui vit ses cours, qui les a préparés sur le bout des doigts. Il n'est pas objectif ? Tant mieux, les élèves auront ainsi envie de lire ailleurs, de bosser, de sortir de leur zone de confort. La contradiction, c'est la vraie recette de la connaissance. Il est également probable que les élèves trouveront aussi des outils pour appréhender l'actualité où il est toujours question de débats houleux au parlement, de super profits et, hélas, de guerres dont les ressorts n'ont pas vraiment changé depuis le temps des colonies.
« Une Sortie honorable » c'est aussi bien qu'un roman, c'est aussi bien qu'un documentaire, c'est mieux que ça, c'est les deux à la fois ! Alors, asseyez-vous et, à votre tour, que le cours commence. Driiiiiing !
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"on croit mourir pour la patrie; on meurt pour des industriels". Cette citation Anatole France prend tout son sens ici.
En effet, en octobre 1950, après la prise de Dong Khê, au nord Viet Nam, suivie par l'évacuation et la déroute de Cao Bang(plusieurs milliers de morts), rien ne va plus pour les forces francaises coloniales. Alors, à l'assemblée nationale, les députés débattent de ce qu'il faudrait faire face à Ho Chi Minh et son armée, soutenue par la Chine. Ce 19 octobre 1950, Mendès France, propose au parlement de négocier avec le Vietminh... Mais cela ne passe pas, la France ne va quand même pas laisser cette armée de va nu-pieds s'emparer des mines d'étain de CAO Bang, dont le siège des Mines d'étain se trouve à Paris, dans le riche 8eme arrondissement. Et à Mai Khê, en 1951, il ne sera pas non plus question de laisser couler les bénéfices de la société des charbonnages du Tonkin (400 millions de capital). Alors, tout ce beau petit monde, cet entre soit, des députés, qui avaient bien navigué au sein des ministères de la 4eme République, va refuser et faire continuer le combat soulevé par la diatribe de Maurice Violette ( le député de l'Eure et Loire) et contre la démoralisation des militaires présents en Indochine... Ce qui se discute dans ce petit monde de bourgeois installés dans le sénacle, c'est le prix de la guerre. Pas en coût humain, non ! En monnaie trébuchante. Alors de Lattre ira chercher l'argent américain (40% du budget) et puis, puisque personne ne veut y aller, c'est Henri Navarre, le général, qui se cogne de reconquérir l'Indochine... Avant de la quitter !
Son plan ? Protéger le Laos pour couper le Viet Minh, et pour cela... Il faut s'enterrer à Dien Bien Phu ! Bravo ! Cogny, autre général, n'y croit pas, cela sera un gouffre... Et il a raison ! le commandant en chef de cette défaite à venir est Christian Marie Ferdinand de la croix de Casties, le caïd. Malgré les sorties catastrophiques des forces françaises, le plan Navarre est un échec, Dien Bien Phu est encerclé, et le 31 avril 1954, c'est la défaite. Dulles, diplomate américain et baigné ndans tous les complots de la CIA propose donc aux français la bombe atomique... Ce sont les Etats-Unis qui prendront les choses en main, pour une guerre qui devait durer 2 ans et qui s'etirera sur 30 ans. Cela finira en bourbier et lamentable échec américain
Voilà pour les faits historiques.
Mais ce qui est important aux yeux d'Eric Vuillard, c'est qu'en avril 1954 Minost dirige le conseil d'administration de la banque d'Indochine, au 96 boulevard Haussmann à Paris. Sous des airs funestes de la déroute, rendant hommage au courage de la soldatesque, il annonce le triplement des dividendes de la banque pendant la guerre ! En effet, des 1947, sentant le vent tourner, la banque avait diversifier ses avoirs, ailleurs, loin du conflit, laissant les militaires, les députés et les soldats, s'affairer à combattre le communisme !
Alors, les administrateurs se fichent bien de la débandade de Saïgon, des 4 millions de morts du viet Minh... Car les affaires continuent et prospèrent...
C'est bien cela que nous dit Eric Vuillard,
Et quel verbe ! Malgré la tragédie qu'il décrit, le cirque des pantins de la diplomatie, le parlementarisme cocardier, il nous passionne, nous fait même rire, et le principal nous saute aux yeux : lors d'une guerre, la sortie honorable n'existe que pour les riches, et pour les autres. Il reste le sang et les larmes...
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Sujet du roman (c'en est un, fondé sur des événements historiques) : la fin de la guerre d'Indochine, la guerre menée par les Français jusqu'à la défaite de Diên Biên Phu en 1954, guerre qui sera reprise par les Américains, défaits eux aussi en 1975.
Eric Vuillard croque -c'est le mot – impitoyablement, les responsables inconscients de cette guerre, les députés en premier lieu, qui se gavent de mots ronflants, les banquiers qui y font leur beurre avant de s'en retirer à temps, les militaires toujours en retard d'une guerre, se saoulant d'appels à l'honneur, et le pauvre peuple des rizières qui doit subir.
Les mots font mouche, le livre est sans pitié, seul un personnage surnage de cette mêlée : Pierre Mendès France, qui eut le courage de mettre un terme à cette aventure, mais dont la carrière politique fut brisée.
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Fin de l'Indochine francaise. Comment les politiques français vont ils permettre l'accès à l'indépendance ? Les militaires sont débordés (dont le calamiteux ? général Navarre). La banque d'Indochine, et les industriels se séparent du pouvoir politico-militaire.
La multinationale Michelin est décrite comme esclavagiste et les médecins du travail débordés.
Lors de cette indépendance, les financiers ont très rapidement "retiré leurs actifs". L'intervention atomique est proposée.. par un conseiller americain... Voir un extrait cité ci-dessous. Donc une période toujours d'actualité .
Un des grands livres de l'année, à lire, rythme et style efficace et fluide sinon "apaisant"!
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Dans un style caustique, direct, cynique, voire parfois moralisateur (ce que j'apprécie un peu moins, mais qui passe crème quand même), Eric Vuillard nous dépeint l'Indochine et la défaite "annoncée" dans la cuvette de Dien Bien Phu. Cet épisode n'est finalement que l'épilogue d'une longue histoire qui, nous dit Eric Vuillard, n'aurait pu se terminer autrement. D'ailleurs, les comportements "en coulisse" ont largement anticipé cette déroute, voire l'ont précipitée.

Eric Vuillard déroule les fils d'une conception du monde arrogante et orgueilleuse, celle de la haute aristrocratie et du commandement militaire français. Cette analyse n'est pas sans évoquer la vision récente de Jean Teulé sur Azincourt, comme quoi rien ne change... Mais dans l'ombre, il montre comment la haute finance (française) s'est enrichie de la défaite.

On croise des personnages historiques, auxquels Eric Vuillard taille un costard avec brio, verve et gouaille. On finirait par plaindre ces piteux militaires qui ont envoyé des millliers de "soldats français" (tirailleurs sénégalais pour un grand nombre...) à la boucherie. L'auteur nous montre l'ineptie de la guerre, sa vacuité, mais aussi la triste logique de la haute finance, préfigurant les conseils d'administration "modernes" composés de fonds de pension déconnectés des entreprises, lesquelles ne sont finalement plus que des produits kleenex que l'on prend et que l'on jette une fois utilisés.

J'adhère à ce style, à cet engagement, à cette vision (malheureusement pessimiste) du monde.
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Toujours aussi incisif, et toujours érudit, Eric Vuillard revisite en quelques brèves - mais lumineuses - pages l'un des chapitres sombres de l'histoire coloniale française. Son art du portrait nous fait revivre en quelques traits des figures politiques connues ou moins connues, rendant vivants les morts. Indispensable, éclairant, nécessaire.
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De l'auteur, j'avais abandonné 14 Juillet, et adoré L'ordre du jour.

Celui-ci fait partie de la seconde catégorie.

J'ai aimé que chaque chapitre soit différent et apporte un éclairage sur la situation en Indochine avant le conflit, pendant et après.

Pas De grandes descriptions, mais des mise en lumière de certains détails qui éclairent tout le tableau, comme ces ouvriers maltraités dans les Grandes Plantations avant la guerre.

Un livre qui montre que cette guerre était inutile (mais quelle guerre l'est ?) et explique pourquoi.

Quelques citations éclairantes :

Et les 51 morts du 6e bataillon de parachutistes coloniaux furent-ils bien sacrifiés pour la France ou pour M. Pierre-Charles Bastid, membre du conseil d'administration des Charbonnages, directeur général des Etains et wolfram du Tonkin, directeur général des Etains de Pia-Ouac, ingénieur conseil, pour la Banque d'Indochine, administrateur des Etablissements Eiffel…

on nomma de Lattre de Tassigny haut-commissaire et commandant en chef en Indochine. Il arrive à Saigon début décembre, développe au pas de charge l'armée nationale vietnamienne et remporte avec elle d'éphémères victoires à coup de concentrations inédites de troupes et de bombardements au napalm dont il sera l'un des premiers à faire un usage massif.

et les combats avaient lieu, malgré tout, pour une colonie déjà vidée de sa substance.
Lien : https://alexmotamots.fr/une-..
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Un court récit, précis et érudit, qui met en lumière les parcours, les collusions, les intérêts, les mécaniques derrière des événements et décisions historiques. le style d'Eric Vuillard est simple, percutant, non dénué de second degré, et il en faut pour raconter les manipulations qui se jouent en coulisse, et ainsi éclairer les quelques lignes apprises à l'école dans nos livres d'Histoire...
Le descriptif détaillé des intérêts économiques de l'emprise colonial en Indochine, et la façon dont il colle aux décisions stratégiques d'objectifs militaires est saisissant.
Passionnant !
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