Ça m’a juste rappelé qu’on n’a qu’une vie. Que celle-ci n’est pas le brouillon de la suivante.
Il se tourne vers moi . "Tu as des bleus.
- Je sais .
- C'est moi?"
Je souris. " Oui". Je suis presque fière .
"Tu sais que je ne te ferais jamais de mal pour de vrai, n'est ce pas ?
- Oui, je le sais ".
Je me demande si c'est vrai . je me demande dans quoi je suis en train de me fourrer, jusqu'à quel point je suis en train de m'enfoncer .
Je regarde fixement sa photo comme s'il s'agissait d'une énigme à résoudre. Il a l'air gentil, innocent en fait, mais qu'est-ce que cela veut dire, après tout ? N'importe qui peut trouver une bonne photo, on peut toujours se présenter sous son meilleur jour. N'est-ce pas ce que nous essayons tous de faire, d'une certaine manière ? Montrer notre meilleur visage au monde, camoufler la noirceur qui se cache à l'intérieur ? Le filtre d'internet rend juste la chose plus aisée.
(p. 90-91)
Nous mangeons ensemble, assis autours de la table . Je contemple ma famille . J'ai été idiote , complètement idiote . J'ai failli tout perdre . Mais j'ai compris la leçon - quel besoin d'avouer maintenant ?
Et voilà à nouveau ce mot "aimer" . Nous ne l'avons jamais utilisé . C 'est quelque chose que nous avons abordé seulement de manière indirecte . " J'aime quand tu"... "J'aime ta façon de "...
Nous n'avons pas encore osé le verbe , la construction directe . Nous n'avons jamais été aussi loin que "je t'aime ."
J'ai un autre message ,mais il ne vient pas de lui . Il vient de quelqu'un d'autre . Je l'ouvre , et j'éprouve une étrange sensation . Un plongeon. Une descente . Une porte vient de s'entrouvrir . quelque chose est en train d'arriver .
Je prends conscience, avec une soudaine clairvoyance, que nous portons des masques, tous, tout le temps. Nous présentons un visage, une version de nous-mêmes, au monde, aux autres. Nous affichons un visage différent en fonction de ceux que l'on côtoie et de ce que l'on attend de nous. Même lorsque nous sommes seuls, nous portons un autre masque encore, la version de nous-mêmes que nous préférons.
L'addiction est une maladie patiente , m'a- t-elle dit un jour . Elle attendra toute ta vie , s'il le faut. N'oublie jamais ça .
Nous avons décroché ensemble, nous avons surmonté les crises de manque. Nous avons traversé un enfer de sueurs, de vomissements, de diarrhées et de crampes d'estomac à nous faire gémir de douleur. Nous avons mal aux os, et ni l'un ni l'autre ne parvient à trouver le soulagement dans le sommeil. J'ai l'impression de brûler, de me consumer, rien n'y fait et, pendant tout ce temps, la certitude qu'un fix supplémentaire seulement ferait disparaître toute souffrance brille, chatoyante, devant nos yeux. Mais nous sommes tous les deux forts, nous nous aidons mutuellement lorsque la douleur menace de nous submerger, et nous sommes clean depuis quelques semaines. Maintenant, [son] père est en route et il m'a suppliée de le laisser se faire un dernier shoot. Finalement, j'ai accepté. Un dernier, et aucun autre. Plus jamais. Nous l'avons programmé pour aujourd'hui, un peu plus tard, ou demain matin, au moment du lever du jour. Un dernier adieu.
(p. 200)
Je crois que parfois, la force du lien dépend moins du temps qu'on a partagé que des épreuves qu'on a traversées.