Le principal motif de révolte était l'écart entre la réalité et l'idéal ; entre ce que la société chrétienne devait être et prétendait parfois être, et ce qui se passait réellement. Au milieu du désordre qui sévissait, le désir d'ordre pouvait engendrer actes de violence et émeute ; l'iniquité étant omniprésente, les tentatives pour réaffirmer l'équité nourrissaient la vengeance et les représailles. Et les Écritures elles-mêmes semblaient justifier ces actes : "N'est-ce pas les riches qui vous oppriment ? Eux encore qui vous traînent devant les tribunaux ?" demandait l'apôtre Jacques (2:6), avant de conclure : "Le jugement est sans pitié pour qui n'a pas eu pitié.".
Comme dans les pages jaunes de l'annuaire, on trouve ce que l'on veut dans les Écritures. Et si le Nouveau Testament est plus débonnaire que l'Ancien, il ne manque pas de textes redoutables. Dans les sociétés où le christianisme pénétrait tous les schémas de pensée et de discours, les rebelles et les extrémistes ne pouvaient que recourir à une terminologie chrétienne pour exprimer leurs critiques et leurs revendications.
Dotés d'une mobilité et d'une visibilité nouvelles, les criminels, les voleurs à la tire, pickpockets, malfaiteurs, gangsters et autres apaches (un mot qui fait son apparition en français en 1902, deux ans après la hooligan anglais) se servent de bicyclettes pour prendre la poudre d'escampette après avoir accompli leurs forfaits. La délinquance juvénile se répand. De fait, on fait beaucoup de bruits autour de choses et d'idées qui nous paraissent bien familières aujourd'hui : agression, perversion, homosexualité, inceste, drogue, immigrés, nerfs, neurasthénie, dépravation, chômage, solitude, isolement, transgression, anomie, urbanisation effrénée et prédateurs urbains rôdant dans les rue, enfants brandissant couteaux et armes à feu, parents indifférents à l'état moral et physique de leur progéniture, avec le tapage habituel qui accompagne l'arrivée des masses frustes à proximité de ce qui a longtemps été l'apanage de leurs supérieurs.
Eugen Weber : La France des
années 30Olivier BARROT présente un
album de
photos et
de réflexions sur "La France des
années 30"; l'auteur en est
Eugen WEBER, professeur à la prestigieuse UCLA, University of the City of Los Angeles : WEBER est perplexe au sujet de cette France-là, tourmentée mais artistiquement féconde, et impuissante à lutter contre un destin qu'elle ne maîtrise plus (à l'époque :
la guerre): cette France...