Difficile de remettre Denver à l'endroit
Le Denver de 1895 n'a rien à envier à Gotham City. C'est un concentré sordide de misère, crimes, corruption, violence...
Au sein de la cité, on trouve les belles bâtisses de Capitol Hill, où les riches protégés par la milice privée des détectives de l'agence Pinkerton, regardent de haut, l'enfer du jeu et des bordels qui gangrènent les autres quartiers qui s'étalent jusqu'aux Bas-fonds où s'ébrouent les clochards et les orphelins.
Sam est l'un d'entre eux. A 14 ans, il assure avec Cora, une jeune fille dont il est amoureux, la protection et la survie d'une petite communauté d'orphelins qui, réfugiée dans une ancienne usine, vit de larcins et de combines.
Un soir, les clochards cherchent à s'emparer de l'Usine par la force. Ils sont sur le point d'y parvenir quand un colosse surgit et les met en déroute.
L'homme providentiel s'appelle Goodnight. Dans un triste état initial, il est désormais mourant. Soigné par les enfants, il va assurer leur protection, mais également faire pénétrer le monde des adultes dans ce groupe jusque-là, étanche.
Aussi, quand les riches décident de réorganiser à leur avantage, les lieux de stupre et de luxure, Sam va se trouver entrainé dans un conflit qui le dépasse.
Le thème du roman est celui de la corruption des âmes. Celle des enfants est pervertie par les adultes (les « crânes de noeud ») et celle des pauvres, par les riches.
Sam est le narrateur. Racontée à hauteur d'enfant, cette histoire est celle du destin inexorable qui broie ceux qui s'opposent aux puissants. Comme le dit un des protagonistes qui mène la rébellion : « Je suis un petit escroc (…). Quand tu joues contre un gros escroc (…) lui, il te flanque toute ta famille à la rue et il encule ton chien. »
Et en effet, le chien va déguster !
J'ai découvert les éditions Gallmeister il y a de nombreuses années, suite à une discussion avec un libraire passionné. (oui, il en reste)
Parmi ses coups de coeur, figurait
Cry Father de
Benjamin Whitmer que j'acquis aussitôt.
Déçu par cette lecture, mais non découragé, je m'attaquais ensuite à
Pike.
Toujours pas convaincu, j'ai donc tenté un dernier essai avec
Les dynamiteurs.
La continuité de traduction grâce à
Jacques Mailhos assure une filiation entre ces références, mais cette fois, c'est officiel, Whitmer n'est pas pour moi. Même si ce roman m'a semblé au-dessus des deux autres cités.
J'ai oscillé en permanence entre la tentation de l'enthousiasme, porté par le style incontestable, et la lassitude devant cet étalage de violence assez complaisante. J'ai trouvé qu'à la longue, les crânes fracassés, les corps explosés, les membres dispersés…sur fond d'égouts et de boue qui noient Denver, surchargent à l'excès le récit et diluent le propos politique et social.
De plus, comme d'ailleurs avec les autres romans de Whitmer, je ne suis pas réellement parvenu à m'intéresser aux personnages, sans doute en raison de l'outrance répétitive des caractères et des situations.
C'est puissant, mais lassant. Dommage. Mais je conçois que ça puisse plaire.