Ahurissant.
Je découvre
Benjamin Whitmer pour la première fois avec ce roman qui ne nous laisse aucun répit ! C'est comme un "western" des temps modernes. Une affaire de règlements de comptes.
Hiver 1968. Colorado. Douze prisonniers s'échappent de la prison d'Old Lonesome. La plus longue nuit de l'année débutera pour tous ceux qui se trouveront dans leur sillage. Manque de bol, un terrible blizzard frappe la région, compliquant ainsi tant la sortie pour les fuyards que pour ceux qui partiront à leur recherche.
Cette histoire a pour décor principal l'extérieur. Les montagnes, le froid, la neige, la nuit, la faim, la souffrance, la nature dans ce qu'elle a de plus sauvage, dans ce qu'elle a de plus primitif. le blizzard séparera la plupart des évadés, chacun partant de son côté. Dans l'impossibilité d'avancer, les autres tenteront ensemble de trouver un abri temporaire en attendant que la tempête se calme, semant victimes sur leur passage. Ici, on est loin du "glamour" et de la bourgeoisie bien-pensante. Dans ce coin paumé des États-Unis où on vit à la dure et où les gens sont déjà blasés, l'atmosphère est loin d'être joyeuse. La guerre du Vietnam est toujours en cours et ses conséquences auront laissé des marques sur ses habitants. Ici, le rêve américain n'existe pas. On a perdu confiance en toute autorité et la seule justice qui compte est celle qu'on applique soi-même. La population est désillusionnée.
"Personne n'a jamais de chance dans ce putain de monde de merde. Personne, putain."
Drogue et armes font partie du quotidien. On ressent toute cette lourdeur, cette ambiance triste, colérique, négative et malgré tout, on réussit à la comprendre. Les personnages ne sont pas plaisants. Ils vivent dans un monde où l'espoir n'est pas tellement accessible.
"S'il y a le moindre truc qui risque de tourner mal, il tourne mal, toujours. Si t'as une toute petite chance dans ce putain de monde, elle t'échappe avant même que tu l'aies vue venir."
Ils naissent, grandissent et meurent dans un lieu qu'ils ont haï toute leur vie et qu'ils ne quitteront jamais. On est dans une Amérique déchirée par le malheur. Pourtant, il n'y a pas tant d'apitoiement, on ressent plus cela comme un état de fait.
"Peu importe combien d'amour il y a dans le monde, cela ne suffit pas. Pas pour la paix ni la lumière ni le soulagement de la douleur. Peu importe combien d'amour il y a dans le monde, cela ne suffit pour rien du tout."
Les évadés d'Old Lonesome ne sont pas des enfants de coeur mais ceux qui les traquent ne valent pas tellement mieux, sinon pires...n'ayant aucuns scrupules à passer au-dessus des lois pour arriver à leurs fins et les ramener, morts ou vifs. Chacun trouvera son compte dans la traque, chacun y participera pour des motifs personnels. Pour certains, il ne s'agit que de soif de pouvoir, indiquant bien qui dirige dans cette ville. Pour d'autres, il ne s'agira que de vengeance ou de voyeurisme. Ou tout simplement, ce sera un prétexte pour pouvoir défouler sa rage sur quelqu'un ou quelque chose. Juste pour se sentir mieux.
"Toutes les mauvaises choses qu'il a faites en Asie ou ici, ça a été à cause de moments comme ça. C'est la colère et l'ennui qui les déclenchent. Regarder les stupides fils de pute de la hiérarchie dire à des fils de pute qui s'ennuient à mourir d'aller faire des conneries qui ne serviront à aucun fils de pute. Vous vous retrouvez comme un chien laissé si longtemps attaché à sa chaîne que vous seriez prêt à vous trancher un membre à coups de dents juste pour sentir qu'il existe."
Chose certaine, personne n'en sortira indemne. On assiste à une chasse-à-l'homme des plus violentes. le langage est souvent très cru, très vulgaire mais qui colle parfaitement à la mentalité des gens du coin, à leur vécu, à leur éducation, à leur milieu et surtout, à comment ils se sentent au quotidien. Au début, j'ai eu un peu de mal à me repérer car il y a beaucoup de personnages, cela m'a pris un moment à réussir à trier tout le monde, je devais revenir en arrière souvent pendant le premier quart du livre. Il faut donc être concentré tout le long de la lecture pour ne pas perdre le fil. Certains passages ne sont pas très creusés mais je pense que l'auteur a laissé de côté ces aspects où justement il n'était pas si nécessaire de creuser, pour laisser toute la place aux éléments importants. En gros, il n'y a pas de pertes de temps.
Bien que d'une noirceur inégalable, pas une seconde je ne me suis ennuyée et c'est avec grand plaisir que j'aimerai lire les autres romans de
Benjamin Whitmer. Accrochez-vous parce que dans tous les sens du terme, ça dérape ! Une lecture qui décoiffe où l'hiver et son climat prennent beaucoup de place, parfaite pour la thématique suggérée ce mois-ci.
LC THÉMATIQUE DE DÉCEMBRE : LE RETOUR DE L'HIVER