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Les Dynamiteurs de Benjamin Whitmer : une éducation criminelle
Article publié le 17/11/2020 par la Rédaction, en partenariat avec les éditions Gallmeister

 
Si vous suivez l’actualité littéraire et n’avez pas encore fui la ville et la technologie à la manière d’un Henry David Thoreau, vous avez sans doute déjà entendu parler et peut-être même lu des romans parus chez Gallmeister. Parmi les succès récents de cette maison d’édition, citons Sauvage de Jamey Bradbury, Dans la forêt de Jean Hegland, ou encore My Absolute Darling de Gabriel Tallent – parmi tant d’autres.

Les Dynamiteurs de Benjamin Whitmer pourrait bien devenir l’un de ces succès : rouge comme un bâton de dynamite prêt à exploser entre les mains du lecteur, il a largement conquis la communauté Babelio et affiche à l’heure où nous écrivons ces lignes une note moyenne de 4,03 sur 5 (pour 45 notes). La prose de cet auteur américain né en 1972 nous jaillit à la face dès les premières lignes de ce quatrième roman publié chez Gallmeister, nous saisit à la gorge, pour mieux nous forcer à voir et sentir l’âpreté de son récit.


© Amanda Tipton 

« Denver était la ville la plus sauvage de l’Ouest, et il n’y avait pas un seul homme qui ne souhaitait pas s’y mesurer. »

 
Ce livre, c’est l’histoire de Sam, un orphelin de Denver (Colorado) à la toute fin du XIXe siècle, qui tâche de survivre tant bien que mal dans une ville pataugeant dans la misère, la violence et la débauche. Sam vit avec une dizaine d’autres orphelins dans l’Usine, leur camp retranché dans le quartier des Bottoms, qui leur permet d’éviter le pire. Mais ils n’échappent pas aux assauts réguliers de clochards envieux tentant de leur prendre le bâtiment pour s’y installer. A la tête de ce petit groupe de déshérités on trouve Cora, la belle Cora que Sam aime comme personne d’autre, et pour laquelle il ferait absolument tout.

Jusqu’au jour où un type débarque de nulle part pour les aider à repousser un nouvel assaut, et arracher quelques têtes au passage. Ce type étrange, ce colosse défiguré et muet, c’est John Henry Goodnight, que Whitmer décrit en ces termes : « Il était trop grand pour qu’on puisse le voir en entier d’un seul coup. Et à regarder n’importe quel morceau de lui, vous risquiez de perdre complètement pied en pensant à la quantité de lui qu’il y avait autour » et « C’était le genre d’homme que vous surveilliez toujours au cas où il ferait un geste brusque, afin de pouvoir foutre le camp à temps. Comme un mur de brique chancelant qui pourrait s’effondrer sur vous d’un instant à l’autre. » Un monstre dans une ville monstrueuse, quoi de plus naturel ?

Denver à la fin du XIXe siècle, vue de la 16e Rue
 
« Mais extirper le vice de Denver, c’était comme essayer de déloger la lune du ciel. »

 
Dans Les Dynamiteurs, on est en effet loin de la carte postale : Denver est une ville où les coups de feu résonnent quotidiennement, et dans laquelle « il était rare de croiser quelqu’un de plus de vingt ans qui n’ait pas perdu quelque chose » - sous-entendu : un membre ou un organe. On a sans doute du mal à s’imaginer ce degré de brutalité et de danger aujourd’hui, et c’est tant mieux. Benjamin Whitmer nous ramène à ces tripots pleins d’estropiés et de malfrats, mais aussi de types venus s’encanailler dans The Line, le quartier alignant saloons, fumeries d’opium et autres bordels.

Sam va être entraîné dans ce maelstrom de crimes et de délits lorsqu’il commence à travailler dans le bar de Cole, une connaissance du colosse mutique Goodnight, pour lire ce qu’écrit ce dernier. Si ses premières journées à l’Abattoir s’avèrent plutôt calmes, Cole va plonger ses proches dans un chaos hallucinant lorsque les autorités essaient de lui faire fermer ses tables de jeu. Dès lors, à travers les mots de Benjamin Whitmer, c’est une violence de chaque instant qui se fait jour, d’un pendu enflammé à des fusillades en rafales, d’un corps écrasé à coups de talons à un autre traîné derrière un cheval. Souvent insoutenable, presqu’irréel par moments, ce degré de brutalité frappe d’abord le jeune Sam, qui pourtant en a déjà vu pas mal malgré ses 14 ans. Rimbaud peut aller se rhabiller avec son « On n’est pas sérieux quand on a 17 ans ». Sam n’est pas là pour plaisanter.
 

Denver, Curtis Street, à la fin du XIXe siècle 

« Notre monde est un chaos merdique, et si vous ne le voyez pas, c’est seulement parce que vous passez votre temps à attraper de la merde pour vous boucher les yeux. »

 
Pour faire vivre ses personnages, Withmer use donc d’une langue concise et acérée, sans concessions au style. Ici, on est souvent dans l’action la plus « pure » et surtout la plus dure. Mais résumer ce livre à sa seule radicalité, sa noirceur unique, serait mentir. Les Dynamiteurs parle aussi d’un impossible passage à l’âge adulte, ces gens que les orphelins surnomment les Crânes de Nœud et auxquels ils ne voudraient ressembler pour rien au monde. Et c’est surtout un roman d’amour déchirant sur le mal que l’on fait aux personnes qu’on aime, en croyant les aider, en étant sûr de savoir ce qui est bien pour elles… et pour nous : « Je ne pouvais pas m’empêcher d’un monde où il n’y aurait eu que Cora et moi, où elle aurait été à moi et à moi seul. » Or personne n’échappe à son destin, surtout pas un gamin parti dans la vie avec un solide handicap comme la perte de ses deux parents.

C’est aussi un superbe livre sur le temps, sur ce qu’on peut espérer devenir et laisser derrière soi. Sur ce point, Whitmer est plutôt pessimiste, car ses portraits d’enfants dont les vies se terminent avant d’avoir commencé, et d’adultes s’agitant dans une ville qui les engloutit, mettent dans le mille. Et malgré tout, il y a une lumière, aussi infime soit-elle, au bout du tunnel.

Une phrase revient deux fois dans ce roman, dans la bouche de deux personnages différents : « Nous pouvons tous décevoir. » Une chose est sûre, ce nouveau roman de Benjamin Whitmer fait mentir cette citation, tant il captive et malmène avec talent.

 

« Vous ne pouvez pas les protéger car vous êtes ce contre quoi ils ont besoin qu’on les protège. »
 


 

Les Babelionautes ne s’y sont pas trompés, en témoignent les nombreuses critiques enthousiastes sur le site :

 
« Empruntant les codes du roman noir et du western, Benjamin Whitmer nous offre ainsi avec Les Dynamiteurs, un formidable récit d'aventure à la fois épique et tonitruant s'achevant sur un épilogue de toute beauté qui ne font que confirmer la sensibilité d'un auteur talentueux. Eblouissant. » monromannoir

 
« Un roman d'une extrême violence et d'une extrême compassion envers les misérables, par un écrivain de haut niveau. » lehibook

 
« Les Dynamiteurs confirme le talent de ce jeune auteur qui après seulement quatre romans s'est incrusté avec brio dans le panthéon américain des auteurs à suivre absolument. » Jazzynewyork

 
« Quel livre les amis, quel livre ! Ce bouquin m'a passionné, j'ai dévoré les quatre cents pages en un battement de cil, il m'était impossible de quitter ce western noir et ces folles aventures qui sentaient la crasse, le sang et la dynamite. » HQL

 
« Les Dynamiteurs est un grand livre. J'ai déjà tant écrit immense que je m'en mords les doigts. Ce livre est vaste comme un océan. Un bouquin sombre et violent sur la mythologie américaine. » micetmac

 

Découvrez Les Dynamiteurs de Benjamin Whitmer, traduit de l’anglais par Jacques Mailhos, publié aux éditions Gallmeister.
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