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EAN : 978B0000DOR1H
Le Livre de Poche (30/11/-1)
4.29/5   7 notes
Résumé :
La guerre commencée en 1914 dans l'allégresse de promptes victoires ne tarde pas à creuser de tels vides dans ses armées que l'Allemagne doit convoquer le ban et l'arrière-ban des hommes valides, jeunes ou vieux.
Jean Karsten et Percy Pfeil, l'un étudiant en droit, l'autre ne philosophie, Klaus Wirtulla, leur camarade d'enfance, se joignent aux foules qui se pressent dans les casernes pour s'engager. Ils découvrent à la fois le mépris des militaires de carriè... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Un roman intimiste qui relate l'engagement de civils dans l'armée allemande pendant la première guerre mondiale : peu de personnages, mais des personnalités décrites en profondeur. Issus de milieux sociaux différents -Percy Pfeil l'aristocrate, Jean Karsten l'étudiant, Klaus Wirtulla l'apprenti bachelier, Heinrich Oberüber, l'homme à tout faire-, "ils ne se disputent jamais. Ils forment l'indestructible noyau de l'escouade" (chapitre V - page 115). Mieux, ils seront des frères d'armes, illustrant à merveille la phrase d'Antoine de Saint-Exupéry : "Force-les à construire ensemble une tour, tu les transformeras en frères". Encadrés par des militaires de carrière, ils seront souvent traités avec condescendance, voire mépris. Ils se révèleront néanmoins d'humbles héros. La grande permission raconte leur courage au quotidien, dans l'enfer des tranchées, avec la conscience que leur vie peut cesser d'un coup et la certitude que, s'ils en reviennent, rien ne sera plus comme avant.

Avec eux, et grâce au talent d'Ernst Wiechert, on fait l'expérience de la peur, notamment lorsqu'ils entendent des rafales : "Ils ne les voient pas mais perçoivent les cris, affreux, qui s'échappent des lèvres humaines. de leur vie ils n'ont jamais rien entendu de semblable" (...) Alors, "ils sentent leur vie se recroqueviller au tonnerre des obus" (chapitre IV - pages 96 et 97). L'épreuve du feu les transforme. "Ai-je changé ?", demande Jean (chapitre IV - page 98). En tout homme envoyé au front, cohabitent en effet le soldat et l'enfant qui a gardé son âme intacte. Et qui, "l'épouvante dans les yeux, se débat pour échapper à la main qui le mène au supplice" (chapitre V - pages 106-107). C'est donc l'attente de la relève qui les aide à tenir. Lorsqu'elle arrive enfin, elle rend le sac moins lourd et le pas plus ferme...
Le lecteur subit la blessure de Jean, celle de Klaus Wirtulla, qui perd ses deux jambes, celle d'un artilleur qui a perdu ses deux bras et à qui, suprême méprise, un bouquet de fleurs est offert sur son lit d'hôpital, alors qu'il ne peut le prendre (chapitre VIII - page 182). Après l'hôpital, arrive donc la permission. La première personne que Jean rencontre à la gare de son village est d'ailleurs le père Wirtulla, "aussi las que s'il marchait avec les jambes de son fils" (chapitre VII - page 160). Il y a surtout sa mère, Gina, dont le lecteur a pu faire connaissance dans L'enfant élu, et dont la figure illumine les deux ouvrages. Sachant ce qui attend nos humbles héros, le retour de permission est un moment d'angoisse et une tentation de désertion...

Avec Ernst Wiechert, les situations de la vie, parfois d'apparence anodine, prennent une densité et une profondeur rarement atteintes. Ceci résulte notamment des images et des comparaisons très expressives qu'il utilise (le bruit des culasses qui donne l'impression qu'on a tiré à la fois "les cent verrous de la porte qui va s'ouvrir sur l'inconnu" (page 90), ou encore la mélodie qui "attente à la pureté de la nuit comme une ritournelle de piano dans la chambre d'un mort" (page 120) ; le lecteur lui sait gré de ce talent présent tout au long du roman. Les faits et gestes de ces soldats sont par ailleurs empreints de gravité. Et pourtant, ces hommes restent d'une grande simplicité. Ils sont attachants par leur humanité et le lecteur se retrouve facilement dans tel ou tel trait de leurs caractères. Ainsi, cet ouvrage constitue un hommage aux humbles, une sorte de version littéraire des monuments aux morts qui ornent les places de nos villages. Alors, la grande permission ? Non seulement, c'est permis, mais c'est vivement recommandé !
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L'infâme sacrifice d'une génération.

Livre profondément troublant, qui suit une jeunesse mobilisée tardivement pour combler les vides effarants des rangs allemands laissés par les grandes offensives tant à l'Est qu'à l'Ouest.
On suit des esprits torturés par ce maëlstrom d'enfer qu'est la Guerre de 14 avec un malaise insupportable. Aucun espoir n'est entrevu dans ce gigantesque sacrifice qui ne laissera aucune place à l'honneur, mais à celle d'une immense rancoeur viscéralement inscrit dans la chair et l'esprit d'une nation.
L'Allemagne, profondément meurtrie, détient ici les germes de son mal-être futur... L Histoire nous le fera sentir!
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une chronique pleine d'humanité sur les enrôlés de la guerre quatorze-dix-huit en allemagne.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Oberüber lui ferma les yeux. Ils restèrent assis, silencieux, auprès du mort. Ils contemplaient le visage de celui qui, soudain, s'était écarté, enfin si loin d'eux. Du vivant, il avait encore la forme et presque le souffle, mais la maison était vide, sa porte ouverte, et son occupant marchait déjà sur les routes lointaines du monde. Il était parti sans bruit, sans adieu, et on aurait voulu tendre la main vers lui comme on cherche à retenir l'oiseau qui vous échappe (chapitre VI - page 131).
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Bonekamp ne jouera plus jamais du violon. On lui a pris son bras, on a mutilé son corps. C'est un sort cruel que le sien, bien qu'il puisse toujours cueillir une fleur ou caresser un enfant. Mais, en même temps, on l'a amputé de son violon. Son âme ne parlera plus. Tout au plus balbutiera-t-il les mots de tout le monde, ceux qu'on trouve partout dans la rue.
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Nous sommes partis si loin, avec notre âme, et nous y restons. Pour eux, la vraie question est de savoir si l'on peut reprendre la vie à l'endroit où on l'avait laissée. Ils ignorent que, pour nous, c'est un recommencement et que nous ne retrouverons jamais l'autre, l'ancienne (chapitre VIII - page 182-183).
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Son autorité réside dans son autorité même. Il est celui qu'aucune école, qu'aucun métier, qu'aucune tradition n'ont formé. Son universalité, il la doit à la vie et aussi à son assurance souriante. Il a été déménageur et vagabond, arrimeur et balayeur, lutteur de foire et colporteur. Toute sa vie, il a "risqué", et de tous, il est le seul à faire la guerre en "combattant" avec la gaieté de la route qui, à tour de rôle, connaît le soleil et la pluie (chapitre V - page 115).
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Ils sentent qu'ils ont peur, une peur grise, sans contours précis, une peur jamais éprouvée encore, qui les dissocie, les sépare en deux êtres, celui qui s'abandonne et celui qui résiste. Et ils savent aussi que c'est à cette fission qu'ils seront jugés, jaugés. C'est ici que le vide des mots de devoir et de discipline s'emplit comme une coupe, celle qu'ils tiennent d'une main tremblante et qu'ils ne doivent pas renverser (chapitre IV - page 97).
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