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EAN : 9782490501229
132 pages
Editions du Typhon (07/04/2022)
4.14/5   69 notes
Résumé :
Dans un village à la lisière de la civilisation, Michaël, fils d'une veuve, clôt son enfance par un exploit. Tous pensent alors que s'ouvre à lui un destin à remuer le monde. Mais la nature, l'amour et l'amitié bouleversent la destinée de ce jeune berger.

Sceptique face aux promesses du progrès technique, Ernst Wiechert (1887-1950) n'a pas pour autant succombé aux vents mauvais de son temps. À rebours du ressentiment et du culte de la force, il cueill... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
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« Roman d'un berger » d'Ernst Wiechert est paru en 1935 en Allemagne au moment de la montée du régime national socialisme, mais il n'a jamais été publié en français jusqu'à aujourd'hui. Les éditions du Typhon ont sorti en avril 2022 une traduction française de grande qualité de ce petit livre.

Avant même de lire les toutes premières lignes, toute la beauté du texte d'Ernst Wiechert transparaît sous la jolie plume de Franck Bouysse qui, dans une superbe préface, nous délivre quelques clés pour entrer dans l'univers de cet auteur. Car il faut connaître le contexte qui entoure cette oeuvre pour en comprendre les fondements et les idées sous-jacentes.

En effet, lorsque Hitler accède au pouvoir en 1933, l'oeuvre de cet auteur ne sera pas considérée comme de l'art dégénéré. Il décide alors d'écrire ce petit roman dans l'idée de ne pas être associé au nazisme.
En 1938, après de multiples prises de position publiques répétées où il s'oppose ouvertement à l'idéologie nazie, Ernst Wiechert est interné durant cinq mois à Buchenwald. Relâché avec la promesse de ne plus écrire contre le régime, il ne se pliera pas à ces exigences et écrira deux romans qui seront publiés après la guerre dont un dans lequel il relatera son expérience des camps de concentration.

*
Dans « Roman d'un berger », l'histoire se passe avant la première guerre mondiale dans un petit village de Prusse orientale, un village entouré de tourbières et de forêts marécageuses qui forment comme un anneau protecteur, isolant la petite communauté du monde extérieur et de l'insécurité.

La scène d'ouverture est impressionnante, à la fois belle et tragique. Elle raconte la mort de deux garde-forestiers, écrasé sous le poids d'un arbre qu'ils viennent d'abattre. C'est avec ce drame que nous rencontrons le fils d'un des deux hommes, Michaël, alors âgé de six ans, seul témoin de l'accident.

« …l'enfant, qui sentait une secrète épouvante grandir en lui à mesure que ses rêves s'évanouissaient, aperçut des petites mouches noires qui s'affairaient autour du visage de son père. Il en avait vu souvent se poser sur des visages endormis, mais il se douta que cette fois le dormeur dormait d'un sommeil bien trop profond pour pouvoir les chasser, au bord des yeux, d'un battement de cils. »

Cet enfant, devenu fils d'une veuve, a une grande capacité de résilience aux chocs.
Très vite, on sent que ce jeune garçon est différent des autres enfants, qu'il a une compréhension fine de la vie et de la mort, de la souffrance des autres, du monde qui l'entoure.
De par sa pauvreté, il va très vite arrêter ses études pour devenir berger, alors que ses camarades ont les moyens de continuer leurs études.

*
Michaël n'est pas un héros conventionnel. Malgré son dénuement, l'enfant est aimé pour ce qu'il est : sa simplicité, son empathie, son assurance tranquille, sa discrétion, sa modestie, sa dignité en font un leader naturel que les enfants du village suivent et écoutent.
Il accomplit son travail avec honnêteté et assurance. Et surtout, il gagne le respect de tous, y compris des adultes, par son attitude résolue, calme et altruiste.

« Car le troupeau n'était pas seulement l'orgueil du village, sa richesse et, si modeste soit-elle, sa gloire, le troupeau était le village même, il était son être profond, il était comme l'odeur des toits de chaume, la fumée des cheminées, le parfum des tilleuls du cimetière. »

*
Au-delà de son histoire familiale, de ses origines modestes, ou de son humble destin, ce sont ses valeurs humaines et morales, son respect profond envers la nature et la vie qui m'ont le plus touchée.
Michaël semble lié à cette forêt qu'il connaît parfaitement. Elle est un refuge contre la violence.

« Son âme est pleine d'histoires. C'est la forêt qui les fait éclore, la solitude et le silence. Il n'a pas besoin d'apprendre des odes latines. Des semaines passent où la pluie tombe en bruissant sur les forêts et pendant lesquelles, étendu sous un pin dont les longues branches retombantes l'abritent, enveloppé dans son manteau de berger, il écoute les voix qui viennent des profondeurs. »

Ce récit vibrant de vie n'est pas un roman initiatique, car on a l'impression que cet enfant n'a rien à apprendre des autres. Ce sont, au contraire, les villageois qui ont tout à apprendre de lui, de sa sagesse, de sa force mentale, de ses connaissances de la forêt, de son attitude respectueuse envers toute vie. Il est comme un gardien, un guide, un berger que l'on a envie de suivre malgré son jeune âge.

*
Si la nature est prédominante dans cette histoire, la religion est aussi très présente, sans en être véritablement centrale.
Le sujet y est abordé régulièrement, tout au long du récit, avec beaucoup d'intelligence et de finesse, par des références au combat de David contre Goliath ou au berger qui guide son troupeau.

*
Si ce récit est si puissant, c'est qu'il nous emporte avec force dans la violence de cette guerre qui se dessine, comme une ombre menaçante qui s'étend lentement jusqu'à envahir chaque page. Mais cette force destructrice n'est pas tapageuse. Au début lointaine, elle se rapproche jusqu'à se révéler dans toute sa barbarie.

Si cette histoire est si poignante, c'est parce qu'elle est portée par une écriture superbe, sensible, poétique et par cet enfant au grand coeur qui murmure à l'oreille des animaux. La nature, toujours présente, accompagne les moments forts du récit.

Si ce récit m'a autant touchée, c'est qu'à travers le portrait de cet enfant si attachant, l'auteur nous amène à des réflexions profondes sur la paix, la liberté, la responsabilité individuelle et les actes de bravoure. Il nous interroge sur le sens de nos vies, sur les relations entre les hommes et notre rapport à la nature.

« En ces jours des premières batailles, où les évènements se précipitaient et qui semblaient pourtant bien longs, l'orage de la guerre, assemblant ses nuées, commençait à gronder en cercle de toute part, paresseux encore et comme hésitant à se déchaîner, mais parfois aussi, dans les nuits lourdes, lançant déjà quelque signal de flamme sur l'horizon anxieux. »

*
Pour conclure, « Roman d'un berger » est une très belle histoire sur la nature, l'enfance et le passage à l'âge adulte, l'amitié, la guerre, le courage et le sacrifice. C'est un récit court et fort, d'une beauté à la fois simple et intense.
Pétri d'intelligence, de douceur, de profondeur et d'humanité, il dénonce les horreurs de la guerre.
De part son caractère universel et intemporel, il ne peut que nous toucher, nous confronter à notre propre questionnement sur le sens de la vie.
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C'est déjà la superbe couverture des éditions du typhon qui a attiré mon regard puis en ouvrant ce petit roman j'ai eu la bonne surprise de découvrir une préface écrite par Franck Bouysse. Celle-ci est, comme on peut se douter avec Franck Bouysse, écrite avec une plume d'une grande poésie et d'une grande intelligence. le charme se prolonge avec la nouvelle de Ernst Wiechert.
L'histoire est un conte plein de poésie et d'humanité.
La nouvelle commence par un drame, puisque Michaël, l'enfant le plus pauvre du village, alors âgé de 6 ans, assiste à la mort brutale de son père écrasé par l'arbre qu'il vient d'abattre.
Son courage, son attitude son altruisme vont lui donner une certaine aura. Il sera "le fils de la veuve". Dès lors, il va se voir confier, par le village, la garde du troupeau. Son statut va être pris avec le plus grand sérieux et il défendra avec courage son troupeau et le pâturage.
Sous forme de métaphore biblique, ce petit conte dégage un grand moment d'humanité, de tendresse et de compassion.
La nature dans ce livre est au coeur de ces pages, c'est une nature qui est belle, magique et qui m'a fait rêver malgré mon côté rat des villes.


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Il s'agit d'un court texte (une centaine de pages) d'un auteur allemand de la première moitié du XXe siècle, encore relativement peu connu en France. Et pourtant, incontestablement, il a d'immenses qualités.

Le personnage principal, Michaël, est un enfant puis un jeune homme, fils de paysans pauvres, qui assiste dans l'enfance à la mort tragique de son père, ce qui réduit encore les ressources de la famille. Mais l'aspect social n'est pas tellement important au final. Michaël devient berger, mais son statut en bas de l'échelle est sans importance, car il a une sorte de présence, de densité d'existence, de choix d'une vie authentique, qui a du sens (dirait-on aujourd'hui). Il nimbe dans une sorte de spiritualité, avec un certain nombre de métaphores bibliques (déjà le berger du titre). Sa stature se révèle dans des moments de crise, d'épreuves, dans lesquels les gens, au-delà de la place qu'ils occupent dans la société, des rôles sociaux qu'ils jouent, sont renvoyé à eux-mêmes, à leur moi intime, à leur réelle valeur. Il est le représentant d'un monde d'avant la modernité, immémorial, en lien avec la nature éternelle et ses lois. Un monde qui peut de nouveau resurgir, et balayer les postures et règles établies par la société d'une époque donnée.

Tout cela résonne d'une manière étrangement moderne aujourd'hui, dans notre époque de bouleversements et de remises en cause de ce que l'on croyait intangible et qui se ne l'est pas forcément.

C'est aussi un hymne à la nature, dans une splendide écriture, au-delà des modes et effets de manche. Vraiment un beau livre.
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Avec un langage très particulier qui fait sans cesse allusion à la bible,ce texte d'Ernst Wiechert écrit en 1935,raconte l'histoire empreinte de candeur et d'humilité d'un jeune berger. Il n'a que six ans quand il assiste à la mort de son père, écrasé par l'arbre qu'il vient d'abattre. Ce drame sera "le début de sa vie consciente". Son attitude ce jour là, force l'admiration du village et bien que très pauvre il inspire le respect et devient un exemple, si ce n'est un guide. On lui confie la mission de berger. Cet enfant vit en osmose avec la nature et agit sans se poser de question, uniquement guidé par ce qui lui semble juste. C'est un hymne à la nature et une dénonciation de la vanité qui éloigne les hommes de l'Essentiel.
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N'étant pas particulièrement friande de Frank Bouysse , je vais y revenir au vu de l'excellente préface qu'il a dédié au roman d'Ernst Wiechert.
Critique à chaud étant une inconditionnelle de cet écrivain dont j'emporterai les romans sur une île déserte tant la lecture des : enfants Jeromine m'avait remuée,que de larmes j'avais versées,en le lisant tant il m'avait rappelé mon père au travers l'instituteur.La encore la vie de Michaël ,berger, de son état,qui n'ira pas "remuer le monde",mais appréhendera le monde au travers la nature ,tout en sagesse,on retrouve une fois de plus ce style et cette écriture propre à Ernst Wiechert : une écriture lyrique toute empreinte d'humanisme chrétien. Si vous ne connaissez pas ce fabuleux écrivain puisque nous avons la chance d'une réédition avec ce court roman, commencez par celui-ci pour vous imprégner de l'ambiance,de l'atmosphère, et après vous les enchaînerez comme moi j'en ai encore trois " sous le coude" que je réserve après des lectures plus noires.A défaut de " remuer le monde " les romans d'Ernst Wiechert vous remueront.
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critiques presse (2)
LaCroix
13 mai 2022
La théologienne italienne Cristina Simonelli propose dans un récit rigoureusement documenté aux sources bibliques, patristiques et philosophiques, un itinéraire audacieux sur les traces d’Ève.
Lire la critique sur le site : LaCroix
LaCroix
13 mai 2022
Ce conte apaisant de l’Allemand Ernst Wiechert (1887-1950) célèbre la nature et la fraternité entre-deux guerres à travers la figure d’un berger davidique.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Un beau jour d'été vers midi, son père mourut écrasé par la chute d'un arbre. Michaël en fut le seul témoin. Du bord de la clairière, il vit la cime du grand sapin commencer à frémir; mais sans osciller comme d'ordinaire, emporté par la rotation de ses branches, l'arbre tout entier tourna très vite sur lui-même avant de s'abattre avec fracas, comme une tour arrachée de ses fondations s'effondre. Le vacarme de la chute étouffa le faible cri poussé au pied de cette montagne de verdure qui s'écroulait d'un coup.
La bouche encore pleine du jus de myrtilles à peine englouties, l'enfant ne bougea pas, s'abandonnant à la puissante vision. Le sol où reposaient ses pieds nus trembla jusqu'à ce que le vent léger disperse dans la forêt le nuage de pollen et que le monstre vert, projeté en travers de la clairière, s'immobilise.

(Incipit)
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… le maître d'école a un salaire et une baguette, le garde forestier a un salaire et un fusil. Mais le maître d'école ne pourrait pas être garde forestier, car les lièvres se moqueraient de lui, et le garde non plus ne saurait être maître d'école, car les petits chenapans riraient de lui. Tous deux sont trop bêtes pour être autre chose que ce qu'ils sont.
Mais toi, tu dois apprendre, tout apprendre pour pouvoir faire ce que tu veux, sans baguette ni fusil.
C'est là, à l'intérieur, vois-tu, qu'il faut tout avoir : la baguette comme le fusil, les habits des riches comme le sceau du pauvre.
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Loin d'être impertinente ou mauvaise, elle était seulement insensible aux usages. Elle abordait le monde en peintre, c'est-à-dire avec les yeux, et non avec des concepts et des jugements.
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Un beau jour d'été vers midi,son père mourut écrasé par la chute d'un arbre .Michaël en fut le seul témoin. Du bord de la rivière il vit la cime du grand sapin commencer à frémir; mais sans osciller comme d'ordinaire, emporté par la rotation de ses branches ,l'arbre tout entier tourna très vite sur lui-même avant de s'abattre avec fracas,comme une tour arrachée de ses fondations s'effondre.Le vacarme de la chute étouffa le faible cri poussé au pied de cette montagne de verdure qui s'écroulait d'un coup.( Page 27).
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Sa mère était une petite femme courbée, pourtant aussi résistante qu'un brin d'osier. Gagnant son pain sans rechigner, elle labourait, faisait sécher les champignons, contait des histoires merveilleuses et même interprétait les songes grâce à ses visions. À sa manière, elle prêchait quand elle lavait les nouveau-nés et parfois les morts. Mais même si elle se démenait, sa maison restait pauvre comme si la misère la traitait en servante qu'elle ne congédiait jamais.
En découlait un enseignement humble qu'elle prodiguait à son fils.
— Vois-tu, lui disait-elle, le maître d'école à un salaire et une baguette ; le garde forestier a un salaire et un fusil. Mais le maître d'école ne pourrait pas être garde forestier car les lièvres se moqueraient de lui, et le garde non plus ne saurait être maître d'école car les petits chenapans riraient aussi. Tous deux sont trop bêtes pour être autre chose que ce qu'ils sont. Mais toi, tu dois apprendre, tout apprendre pour pouvoir faire ce que tu veux sans baguette ni fusil.

p. 33
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