Il existe maintenant une nouvelle catégorie littéraire, nommée "littérature concentrationnaire", pour désigner les livres écrits par des survivants des enfers nazis et soviétiques. "
La nuit" d'
Elie Wiesel appartient à ce genre littéraire-là, et il est bon de réfléchir à la bonne façon d'aborder un tel livre. Il est manifestement écrit pour produire un choc sur le lecteur, et les effets de choc qui sont ménagés ne sont pas un signe de bonne littérature. Il s'agit de faire réfléchir le lecteur, de le mettre en face d'un devoir moral de mémoire, ou peut-être de le faire s'interroger sur les voies de Dieu. Rien de cela n'est du domaine littéraire à proprement parler, ni du domaine historique, car à la différence des travaux d'un
Soljenitsyne, par exemple, aucun souci informatif ne préside à cet ouvrage. Alors, comment lire et comprendre ce livre ? On peut adopter la lecture d'Emil Fackenheim, dans son "Penser après Auschwitz" : il se sert du témoignage de
Wiesel comme d'un "midrash moderne", d'un récit dont on doit tirer une morale et un enseignement. Ou encore, on peut se référer à la magnifique letrre que le Rabbi de Loubavitch, Menahem Mendel Schneerson, a écrite à
Elie Wiesel à propos de la justice divine et des questions métaphysiques qu'il se pose. En tous cas une chose est sûre : "
La Nuit" ne peut se lire seul, ne peut s'aborder en toute naïveté, à moins que l'on soit amateur de chocs. Ce livre a besoin de décodage pour les lecteurs d'aujourd'hui, afin qu'il ne produise pas l'effet inverse de celui qu'il visait, la lassitude et l'agacement, sentiments négatifs que l'on voit commencer à poindre aujourd'hui.