Il s'agit d'une histoire complète, pour laquelle le lecteur a besoin d'une connaissance réelle de la série Fables de
Bill Willigham (premier tome de la série : Légendes en exil). Régulièrement,
Willingham réalise des projets dérivés de cette série mère : 1001 nuits de neige (2006), Jack of Fables (2006, avec William Sturges), Peter & Max (2009), Cinderella (2009, écrit par
Chris Roberson), Fairest (2012), Werewolves of the Heartland (2012).
Le tome commence par un texte de 8 pages dans lequel le Miroir Magique raconte comment cette histoire a commencé, alors qu'il se trouve encore dans le bureau de l'Hôtel de ville de Fabletown (toujours perdu dans une autre dimension), en compagnie des femmes grain d'orge, des têtes de pantins et de la tête de Frankenstein. Après un faux mouvement de l'une des petites grains d'orge, une tête roule vers lui et le brise en mille morceaux. Lorsqu'il reprend connaissance (après s'être reconstitué), il découvre des traces de pneus dans le bureau. La partie en bandes dessinées commence ensuite, découpée en courts chapitres. Dans le premier, Brock Blueheart (Stinky) est à bord de ladite voiture, accompagné par une femme. Old King Cole fait appel à Cinderella (Cendrillon) pour enquêter sur un meurtre qui vient de se produire : Morgane la Fey et madame Ford (2 sorcières du treizième étage). Sur les lieux du crime, Cinderella découvre une liste de 11 femmes (des Fables) qui semblent être les prochaines victimes.
Lorsque "
Fairest in all the land" a été annoncé, le lecteur pouvait s'attendre à un recueil d'histoires courtes indépendantes, comme "1.001 nights of Snowfall" du fait de la multitude d'artistes. En fait il s'agit bien d'une histoire unique et complète, faisant appel à plusieurs personnages de la série Fables. Dans la mesure où le personnage principal est Cinderella et qu'elle rencontre de nombreuses autres femmes de la série, ce tome s'inscrit bien dans le principe assez lâche de la série dérivée "Fairest", mettant en avant des personnages féminins.
Finalement,
Bill Willingham utilise une forme qu'il maîtrise bien, celle de l'enquête policière. Cinderella est la vedette des deux tiers de chapitres. Elle essaye de trouver un fil lui permettant de démêler l'écheveau, sans talent particulier d'enquêtrice. Elle tâtonne, se trompe, se fourvoie, n'arrive pas empêcher d'autres meurtres, trouve quelques pièces du puzzle qu'elle n'arrive pas à assembler, en trouve d'autres par hasard ou parce qu'on lui apporte, recueille des témoignages. de ce point de vue, le récit de
Willingham est assez habile par ce parti pris prosaïque de montrer une personne procédant de manière empirique plus ou moins efficace.
Comme pour la toute première histoire de la série, le lecteur accompagne les démarches de l'enquêtrice en croisant moult personnages issus de contes divers et variés. Il y a quelques nouveaux personnages tels la fée Hadeon, les habitants du royaume d'Hybearnia ou Turgo de Nor. Il y a de nombreux personnages déjà croisés au fil de la centaine d'épisodes de la série Fables, des plus connus comme le maire Old King Cole, Blanche Neige, la Belle ou Lumi, aux moins connus comme Briar Rose, Bo Peep, ou Reynard, en passant par des seconds rôles réguliers comme Priscilla, Hillary et
Robin Page ou Ozma, ou encore Stinky (pardon, Brock Blueheart, perdu de vue depuis quelques épisodes).
Ce qui rend cette lecture encore plus agréable, est que
Willingham n'oublie une dose d'humour bon enfant, jouant sur plusieurs registres qu'il s'agisse d'un personnage comique comme Stinky, d'une situation absurde comme changer la roue d'une fée ou des têtes parlantes, de jeu sur le langage (le parler des habitants d'Hybearnia), ou encore la solution idiote au comportement irresponsable de Turgo de Nor (un amalgame étonnant entre le héros viril, le saoulard et le remède pire que le mal).
Willingham joue également avec la forme du récit en introduisant un prologue et une conclusion sous forme de texte, narré par le miroir, où il se révèle un bon écrivain malicieux et capable de faire vivre le personnage du Miroir Magique.
Toujours du point de vue de la forme, le choix éditorial et conceptuel a conduit
Willingham à faire appel à de nombreux artistes (21, sans compter les metteurs en couleurs, voir détail en fin de commentaire). Autant ce choix était judicieux dans "1001 nights of snowfall" parce que chaque dessinateur illustrait une histoire consacrée à des personnages différents, autant ici, il ne se justifie pas puisqu'il s'agit d'une histoire continue. Mis à part les hiatus stylistiques occasionnés par le changement de dessinateurs toutes les 2 ou 4 pages, ils sont tous de bon niveau, avec certaines séquences plus savoureuses que d'autres. Parmi les pages les plus réussies, il est toujours agréable de retrouver
Mark Buckingham (2 pages, dessinateur attitré de la série mère "Fables"), ou
Adam Hughes (3 pages). Gene Ha réalise 7 pages magnifiques, comme à son habitude. Les pages de
Chris Sprouse sont aisément reconnaissables, même si son encrage est un peu moins fin que d'habitude. Au milieu de ces illustrateurs issus d'horizon très différents, il est plus facile de repérer en quoi le style de
Shawn McManus est hérité des comics de superhéros (avec une petite exagération très agréable pour cette scène de combat).
Si le lecteur s'attend à un recueil de type "1001 nights of snowfall", il sera un peu déçu par le changement incessant de dessinateurs dans une histoire continue qui ne justifie pas une telle alternance. Passé ce moment déconcertant, il découvrira une enquête bien troussée, avec quelques pages magnifiques, au milieu d'autres de bon niveau.
+++
+++ Les nombreux artistes ayant participé +++ (entre parenthèses le nombre de pages qu'ils dessinées, par séquence). Par exemple Meghan Hetrick a dessiné 3 séquences, l'une de 3 pages, une autre de 2 pages et une troisième de 4 pages).
Karl Kerschel (4 pages)
Renae de Liz (5 + 6 pages)
Fiona Meng (4 pages)
Mark Buckingham (2 pages)
Phil Noto (4 pages)
Meghan Hetrick (3 + 2 + 4 pages)
Russ Braun (7 + 5 pages)
Tony Akins (4 + 5 + 4 pages)
Gene Ha (7 pages)
Tula Lotay (3 pages)
Marley Zarcone (4 + 2 pages)
Ming Doyle (1 + 1 pages)
Chris Sprouse (9 pages)
Nimit Malavia (2 pages)
Dean Ormston (2 pages)
Kurt Huggins (4 + 1 pages)
Adam Hughes (3 pages)
Al Davison (5 pages)
Shawn McManus (7 pages)
Inaki Miranda (4 pages)
Kevin Maguire (4 pages)