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sur 2308 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Je reviens d'un voyage extraordinaire. Un voyage en Virginia. Il y a eu un avant Mrs Dalloway. Il y aura un après mais tout ce que je lirai désormais viendra se heurter à cet amour-là. Oui, à cet amour-là, car c 'est bien d'amour dont il s'agit et peut-on dire pourquoi l'on aime?
Ne cherchez pas d'histoire dans Mrs Dalloway car d'histoire il n'y en a pas! Je l'ai cherchée pourtant et le roman a bien failli me tomber des mains vers la page 50 tant j'étais déroutée qu'il ne s'y passe rien. Et puis, soudain, comme dans ces images qu'il faut fixer longtemps pour que nous apparaisse un monde en 3 D, j'ai plongé dans cet univers foisonnant et fascinant: le monde de Virginia! L'écriture est magnifique, d'une sensibilité et d'une poésie que je n'avais jamais rencontré jusque-là. Elle y décrit le souffle du vent dans les arbres et je sentais ce vent sur ma joue, je sentais les parfums de l'écorce. Mrs Dalloway fut pour moi avant tout un voyage sensoriel, je l'ai lu comme on rêve, l'esprit ouvert à toutes les sensations.
Mais plus encore ce livre est un merveilleux hymne à la féminité. Mrs Dalloway, c'est Virginia, c'est moi, c'est ma mère, c'est ma soeur, c'est toutes les femmes à la fois, c'est leur douleur et leur espoir qui est raconté là.
Je me souvenais de l'avoir lu pendant mes études. Il m'avait ennuyée et à présent je comprends pourquoi. Il y a un temps pour lire Mrs Dalloway. Il faut avoir senti la colère et le désir de vie gronder en soi. Et puis plus tard avoir senti, sur ses épaules, tout le poids des regrets. Il faut avoir aimé, il faut avoir pleuré, et trouvé enfin l'apaisement.
Ce livre, j'aurais aimé ne jamais le finir, et j'ai tout fait pour en prolonger la lecture, relisant plusieurs fois les mêmes passages et revenant sans cesse en arrière...
"Malgré tout, qu'à un jour succède un autre jour; mercredi, jeudi, vendredi, samedi. Qu'on se réveille le matin; qu'on voie le ciel; qu'on se promène dans le parc; qu'on rencontre Hugh Whitbread; puis que soudain débarque Peter; puis ces roses; cela suffisait. Après cela, la mort était inconcevable...l'idée que cela doive finir; et personne au monde ne saurait comme elle avait aimé tout cela; comment, à chaque instant..."
Oui, peut-on toujours dire pourquoi l'on aime? J'ai aimé Mrs Dalloway pour sa beauté et pour la grâce.


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Il ne se passe rien dans ce livre.
C'est-à-dire, pour être honnête, qu'il ne s'y passe presque rien. C'est qu'en effet, on y prépare et on y participe à une vague soirée mondaine. Ce qui n'est pas rien, peut-être, mais on admettra tout de même que ce n'est pas trop loin de l'être.
Et pourtant, on s'en fou complètement de la vacuité de la trame romanesque de ce chef-d'oeuvre, car ce qui s'y passe de vraiment intéressant, c'est une véritable révolution littéraire!
C'est qu'il y a déjà eu un temps où les femmes n'avaient pas le droit d'écrire! Aussi fou que cela puisse paraître aujourd'hui, elles devaient alors se cacher pour leurs publications derrière le nom d'un homme quelconque ou prendre un pseudonyme. Et même lorsque l'inique interdiction disparût, l'écriture a continuée à être dominée par les tendances à la linéarité et à la logique propre au masculin.
Et voilà que soudainement, brusquement (du moins pour mon humble personne), on trouve ici l'écriture d'une femme qui se déploie telle qu'elle existe et pense réellement dans sa féminité. On tombe sur une pensée qui vous saute au visage, qui vous fait rêver, qui vous ennuie aussi parfois, mais toujours pour rebondir encore mieux et raviver d'avantage votre intérêt au passage suivant. Partout, les fils s'entrecroisent sans se perdre, ou enfin, peut-être qu'ils se perdent parfois, mais qui sait s'ils ne perdent rien pour attendre? Après tout, on ne suit Mrs Dalloway que quelques heures et on ne la suit que dans la mesure où on y parvient vraiment.
Le tout m'a complètement enchanté, amusé et séduit. Je me suis senti comme en conversation avec une jolie femme intelligente, piquante d'imagination, d'ironie et d'espièglerie qui ne me laisse pas le temps d'en placer une.
Oui! Je t'écoute ma chère! Oui! Je t'écoute!
Mes yeux, pétillants aux rythmes des charmants feux d'artifices de ton esprit ne te le prouvent-ils pas amplement?
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Je vous avouerai que j'ai eu un peu de mal à entrer dans ce magnifique récit qu'est Mrs Dalloway, et autant vous le dire tout de suite, j'ai eu un mal terrible à le quitter.
Pourtant il ne se passe pas grand-chose dans cette histoire, presque rien, du moins sous l'angle de l'action. C'est l'histoire d'une femme qui sort de chez elle pour aller chercher des fleurs et qui pense à la soirée qu'elle donnera le soir-même.
Le roman nous raconte cette journée... En plus, elle est mondaine...! Dit comme cela, avouez que l'histoire paraît banale, anodine, superficielle presque.
Mais c'est ailleurs que les choses sont présentes...
Mrs Dalloway, c'est Clarissa Dalloway, une femme qui entre dans sa cinquante-deuxième année ; c'est jeune n'est-ce pas ? sauf qu'on est en 1923 et que Mrs Dalloway est une femme qui a blanchi prématurément à la suite d'une maladie. Elle est riche et mondaine, son mari est député conservateur à la Chambre des Communes. Nous sommes en juin 1923, c'est une période un peu étrange qui suit la première guerre mondiale, période autant emplie d'une joie de vivre frénétique que marquée encore par les traumatismes de la guerre, ceux qu'on voit et ceux qu'on ne voit pas. Nous la suivons sur le déploiement d'une journée à Londres, au rythme des frémissements de la rue et des cloches de Big Ben. Ah ! Big Ben, parlons-en... Je crois qu'il ne sonne plus actuellement, mais disons que c'est presque un personnage à part entière du roman, rythmant la déambulation de Mrs Dalloway, ses émois pour ne pas dire ses vibrations, tel un métronome.
Car Mrs Dalloway est un sublime roman du temps.
Au début, je me suis laissé happer par Clarissa Dalloway dans le mouvement de la ville, les klaxons des autobus, j'ai eu plaisir à déambuler avec elle, quoique les femmes mondaines... mais bon... Je me suis laissé prendre la main par sa joie, il y avait en elle une sensation de vivre. Dans cette promenade urbaine, j'ai aimé reconnaître des noms qui me disaient quelque chose : Piccadilly Circus, Regent Parc, Saint-Paul, Green Street, Bedfort Place qui m'a amené jusqu'à Russel Square... Soudain c'est le carrosse royal qui quitte Buckingham Palace. Tout près nous sommes déjà à Westminster. Dans le ciel londonien, un aéroplane s'amuse dans un vol étrange à chercher à écrire des messages parmi les nuages...
Clarissa est au coeur de ce roman, le narrateur qui nous raconte cette chronique d'une journée comme une autre, lui cède de temps en temps le pas, lui donnant la parole, sous forme de confidences, pour que nous entrions peu à peu dans sa pensée et ses sensations, par petites touches ; si Mrs Dalloway était une peinture, ce serait une peinture impressionniste.
Je suis entré peu à peu dans le paysage intérieur de Mrs Dalloway et c'est là que le vrai voyage a commencé...
Tandis que Mrs Dalloway est une femme heureuse et déambule sur cette seule et unique journée, des événements se terrent à l'affût en arrière-plan : les regrets, le malheur, la guerre, la souffrance, la folie...
Et voilà que surgissent des fantômes du passé qui seront là ce soir. Un amoureux transi du passé, Peter Walsh qui revient des Indes, se met à pleurer à gros sanglots et cette fameuse Sally Seton qui avait de l'audace quand elle était jeune, elle courait nue dans les couloirs, elle avait donné un baiser sur la bouche de Clarissa qui en était tombée aussitôt amoureuse. Car ce fut peut-être le plus beau baiser qu'elle reçut dans sa vie. À travers les yeux de Clarissa Dalloway, nous voyons la tragédie du mariage, son naufrage... Et comment ne pas être ému par le personnage de Septimus Warren Smith, emporté dans sa folie ou plutôt la folie des hommes puisqu'il n'est jamais vraiment revenu de la guerre ? J'ai toujours la gorge serrée quand je lis la description d'un personnage suicidaire imaginé par un écrivain qui a quitté la vie de la même manière...
Ainsi se mêlent le temps extérieur et le temps intérieur, - ce discours intérieur si chère à Virginia Woolf que l'on désigne par les flux de conscience, au rythme des cloches de Big Ben qui arrime et sépare le passé du présent, le temps intérieur des bruits de la vie extérieure.
Oui Clarissa Dalloway est heureuse, je vous l'assure, en ce jour de juin 1923, mais son âme est comme « une forêt encombrée de feuilles ». le bonheur de Mrs Dalloway est une angoisse voilée d'élégance.
Tout remonte à la surface de ce bonheur en ce jour de juin 1923 : les ombres, les souvenirs, les regrets, la peur de vieillir, celle de mourir aussi.
J'ai aimé ce roman d'une très grande délicatesse. J'ai vu dans la manière qu'a Virginia Woolf de nous raconter une histoire, une sensibilité à savoir capter les nuances changeantes des sentiments et à nous les restituer dans la grandeur de la vie malgré ses apparences ordinaires.
Mrs Dalloway est ce roman à la fois bienfaisant et cruel qui peut nous donner le vertige de vouloir recommencer sa vie.
Lire Mrs Dalloway, C'est regarder le ciel, les nuages, l'herbe et les arbres, entendre le bruit d'une fontaine, le son d'un violon, se laisser distraire par le vol étrange d'un aéroplane...
C'est ouvrir de grandes fenêtres, contempler le ciel jusqu'au vertige et entrer dans un grand jardin, celui de nos vies intérieures.
J'y ai retrouvé la douce mélancolie d'un voyage ancien à Londres et puis une tout autre mélancolie, celle des paysages intérieurs pour lesquels Virginia Woolf sait nous entraîner comme au bord de l'abîme.
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La lecture de Mrs Dalloway mérite qu'une fois le livre refermé, on s'accorde un temps de repos, de réflexion, histoire de mettre un peu d'ordre dans ce feu d'artifice d'impressions, de sensations, de mieux percevoir les principaux personnages qui se détachent de ce théâtre d'ombre et de lumière. Personnages d'une grande complexité : Mrs Dalloway, membre de la haute-bourgeoisie londonienne, Peter Walsh, son ancien amoureux revenu des Indes, Septimus, rescapé de la Première guerre mondiale, en train de sombrer dans la folie. En arrière-fond, des personnages qui ne font que passer : Sally Selton, une amie ; l'époux de Mrs Dalloway, Richard ; sa fille Elisabeth et bien d'autres encore.
Mais derrière ce désordre apparent, se cache paradoxalement, un ordre rigoureux avec une unité de lieu : Londres ; une unité de temps, une journée, rythmée par les horloges de la ville, notamment Big Ben. Et l'auteure joue avec tout cela. Elle nous invite tour à tour à suivre les déambulations de ses personnages en nous donnant à voir le spectacle de la vie londonienne, à toutes les heures de la journée, tout en plongeant avec une fluidité d'écriture extraordinaire dans leurs pensées les plus intimes.
Ce qui m'a frappé dans cette longue balade londonienne, c'est la multiplicité des regards, celui de Clarissa et de Peter et bien d'autres encore, ce qui donne à chaque détail perçu une coloration différente. Autre élément remarquable, l'art de saisir l'instant dans sa richesse et sa diversité sur le plan sonore et visuel. le roman fourmille de ces petits tableaux impressionnistes qui permettent de voir, d'entendre, de sentir, le bruissement ou le foisonnement de la vie quotidienne dans ce qu'elle a à la fois de plus banal et en même temps de plus précieux. Saisir l'instant présent dans son étonnante diversité mais aussi suspendre le temps, le distordre, pour mieux s'attarder sur un spectacle éphémère est un autre aspect du talent de l'auteure. Cela donne lieu à de très beaux "arrêts sur images" comme lorsqu'elle évoque des nuages dans le ciel, un mystérieux carrosse près de Westminster ou un avion dans le ciel. de très belles évocations qui déclenchent l'imaginaire de tous ceux qui regardent et le nôtre.
Cet art quasiment cinématographique de la description laisse souvent la place à celui du monologue intérieur chez les trois principaux personnages. Je dois avouer que ce qui m'a le plus intéressée n'est pas la relation amoureuse qui a existé ou existe encore entre Peter et Clarissa. Ce n'est pas, à mes yeux du moins, la partie la plus réussie. Ce qui m'a passionnée c'est d'analyser quel rapport ces trois personnages entretenaient avec l'auteure dont on connaît la mort tragique.
Ce qui frappe chez Clarissa, c'est la fragmentation du moi : d'un côté la grande bourgeoise, très à l'aise dans son rôle social, de l'autre un moi intime beaucoup plus torturé, partagé entre la célébration du moment présent et le doute sur soi-même. Comment ne pas percevoir dans cette dichotomie l'écho des troubles bipolaires dont Virginia Woolf a souffert toute sa vie... Très intéressant également est le regard qu'elle porte sur Peter Walsh, un double très critique dont elle redoute le jugement. Ce qui, à mes yeux, fait ,également de ce dernier personnage un double littéraire de l'auteure. Celui de son personnage social surtout, car c'est lui qui porte un regard sarcastique impitoyable sur la gentry londonienne, société que connaît bien Virginia Woolf. La série de portraits délicieusement "méchants" qu'il brosse lors de la réception de Clarissa, est à ce titre un vrai régal !
Et quid du troisième personnage, Septimus ? J'avoue que c'est celui auquel j'ai le moins accroché, même si ses délires visuels et sonores étaient déjà ceux de Virginia Woolf. Et l'évocation de son suicide m'a paru plus relever d'une interrogation métaphysique que d'une angoisse existentielle. le souvenir que je garderai de Mrs Dalloway est donc celui d'un personnage plus tourmenté que tragique.
Je terminerai cette chronique en soulignant combien l'écriture de ce roman m'a séduite et permis de dépasser la complexité de sa construction.
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Le sommet du roman anglais, à la fois typique dans ses personnages et leurs préoccupations- réceptions, jeunes gens, mariage, lords, bourgeois, mésalliance, classes sociales, Inde, conversations politiques, sonnets de Shakespeare, tasses de thé- et les renvoyant tous dos à dos pour leur vanité. Par un thème abordé aussi souvent, la folie, celle du deuxième personnage principal, Septimus. Le personnage fou, comme dans Jane Eyre, non pas enfermé dans un château gothique, mais à l'air libre, se promenant dans Bond Street comme Clarissa Dolloway.
Deux personnages centraux, donc. Clarissa Dalloway, que nous suivons toute la journée, de onze heures du matin à tard dans la nuit, à la fin de la soirée qu'elle organise, et Septimus Smith, que la guerre a rendu fou. Profondément dépressif, il veut se tuer. Ses hallucinations le suivent partout dans ses errances dans Londres, les oiseaux lui parlent en grec (un délire que Virginia eut elle-même), tous les objets et les visages peuvent soudain se transformer en êtres terrifiants. Autour de nos deux protagonistes, qui se frôlent sans se toucher ni se connaître, déambulent leurs proches et connaissances, détenteurs de secrets et d'histoires sur leur jeunesse (Clarissa), leur vie d'avant (Septimus, qui est encore très jeune). Les personnages secondaires nous éclairent sur cette journée particulière, lui donnant la profondeur chaotique d'une vie entière. Tout semble se rejoindre en ces quelques heures de leurs vies (le roman faillit s'appeler The Hours, les heures). Virginia Woolf procède de façon non académique, lâchant le réalisme psychologique qui n'a rien de réel, pour suivre les méandres, les doutes, les sauts de conscience, les sensations envahissantes, les souvenirs et leurs difformités, pour peindre le portrait cubiste de cette petite foule. Rien n'est certain, tout est flou, tout s'échappe, tout se ment à soi-même et se cache des choses. Clarissa a-t-elle aimé Peter Walsh plus que son mari Richard Dalloway ? Est-elle froide, indifférente, charmante, mondaine, vaine, généreuse, charismatique ? Est-elle belle ? Est-elle capable d'un sentiment profond ? Est-elle le double de Septimus, mais ayant résisté aux forces morbides cachées en elle ? Est-ce le secret de son maintien, de son allure distinguée, droite ? Ne jamais lâcher prise ? Qu'en est-il de sa fille, Elizabeth ?
Le texte n'est que questions, doutes, éclairs de lumière suivis de lourdes ténèbres...La beauté de la vie traverse comme un rayon de soleil les esprits chaotiques et sombres des personnages. Aucune critique ne peut venir à bout de ce texte fabuleux. Un très haut moment de littérature.
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C'est après avoir découvert le film "The Hours" de Stephen Daldry que j'ai eu envie de lire Mrs Dalloway. Je suis partie à l'aventure sans vraiment rien connaitre ni du roman ni de son auteur.

J'ai été très surprise par le style et par l'audace de Virginia Woolf qui nous raconte la journée d'une mondaine qui prépare une réception. Je pensais que j'allais vite m'ennuyer à suivre cette femme qui se questionne sur le choix des fleurs alors qu'en réalité, j'en suis ressortie bouleversée.

En effet, le roman soulève de nombreuses questions sur la destinée, le temps qui passe, la compréhension de la particularité de chacun, la remise en cause du système patriarcal ou encore le féminisme.

Mrs Dalloway est une oeuvre moderne et romanesque qui ne peut laisser indifférent.

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« Et justement, elle était là. »
Il était là, le roman de Virginia Woolf. Un classique, qui reste encore sur la « Pile à Lire », on le prend, puis on le replace. Il est encore là…

Pourtant je n'ai pas trouvé le roman difficile. C'est même une écriture plutôt moderne sans trop d'archaïsmes dans ce Londres du début du XXe siècle. Dans la version numérique que j'ai lue, la chose qui distingue ce texte des romans récents c'est l'absence de chapitres et de divisions, on passe parfois d'un interlocuteur à l'autre sans mention graphique explicite.

Un roman d'introspection, cependant, surtout celle de Mrs Dalloway qui réfléchit sur sa condition de femme, sur les choix de vie qu'elle a faits ou qui lui ont été imposés. Mais il y a aussi les pensées de son ami Peter Walsh qui arrive des Indes et celles de Reiza, une Italienne qui a épousé un homme qui entend des voix…

Et si ce n'est pas un roman d'action, on ne peut pas dire qu'il ne s'y passe rien : on assiste même à une défenestration.

« Et justement, elle était là. », c'est la dernière phrase du livre.

Elle était là, Virginia Woolf, et elle est encore là pour poser la question : « Qu'est-ce? Où suis-je? Et pourquoi, après tout, fait-on ce qu'on fait? » (p.98)
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Roman sans intrigue véritable, Mrs Dalloway (1925) raconte l'errance d'une poignée de personnages dans les rues de Londres, par une belle journée de printemps.
Comme les astres d'un système planétaire, tous ces destins ou presque gravitent autour d'un même soleil, Clarissa Dalloway, séduisante quinquagénaire un peu superficielle, quelque peu mondaine, mais dont la rencontre les a marqués à des titres divers. Chacun de ces personnes est relié aux autres par tout un fin réseau d'événements comme le passage d'un avion dans le ciel, la sirène d'une ambulance ou bien encore le carillon de Big Ben, qui rythme le récit à la manière d'un compte à rebours (initialement, le livre devait d'ailleurs s'intituler « Les Heures ».)
Basé sur la technique du courant de conscience, le roman de Virginia Woolf nous fait entendre tour à tour la voix intérieure des différents personnages, dont les pensées, les réflexions, les souvenirs se croisent et s'entrecroisent sans jamais vraiment se rencontrer. Car « chaque homme est une isle » et tous, hommes et femmes, sont murés dans une forme avancée de solitude et d'incommunicabilité dont rien ni personne ne semble pouvoir les délivrer. Il est vrai que la société « so british » dans laquelle ils évoluent est un univers corseté, fondé sur la mesure et le contrôle de soi, où l'on n’exprime que d'aimables banalités et où il est par exemple impossible à un mari de dire ouvertement « Je t'aime » à son épouse, après trente ans de mariage.
Autre point commun à tous ces êtres, le sentiment d'avoir manqué leur vie : presque tous ont en effet dépassé la cinquantaine, âge où il n'est pas rare qu'on s'interroge sur ses réussites et sur ses échecs… Et le moins qu'on puisse dire c'est que Virginia Woolf ne se montre pas très tendre à leur égard.
Mrs Dalloway est un livre grave, sombre, inquiétant même (à l'image de Septimus, rongé progressivement par la folie) ; mais c'est aussi une histoire pleine d'humour, écrite d'une plume légère et virtuose par un écrivain de très haute lignée.
J'en suis sorti ébloui, avec l'envie de m'y replonger immédiatement.
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Description d'une journée de la vie d'une femme de la haute bourgeoisie anglaise à Londres en 1923, peu après la première guerre mondiale. Ce roman, paru en 1925, est considéré comme la réponse de Virginia Woolf à la lecture de l'Ulysse de Joyce, paru entre 1920 et 1922, livre qu'elle avait trouvé prétentieux, mais qui narre également une seule journée de la vie de Leopold Bloom, à Dublin cette fois.

Plus qu'une histoire, ce sont les états de conscience des différents personnages qui s'entrecroisent dans le livre, qui déferlent un peu comme des vagues successives, ce qui n'est pas sans m'avoir rappelé un autre roman de cet auteur.

Le mal-être, le malaise à être à la hauteur et à vivre, habituels dans l'oeuvre de Virginia Woolf, est présent chez les trois principaux protagonistes : Clarissa (Mrs Dalloway), son amoureux éconduit de sa jeunesse, Peter Walsh, rentré depuis peu des Indes, et un soldat méritant revenu de la guerre et qui se suicidera. L'alternance subtile entre Mrs Dalloway, l'épouse officielle d'un homme politique en vue, et Clarissa, pour les soubresauts internes de cette femme, m'a séduite.

Les sonneries de Big Ben ponctuent l'écoulement du temps. Nous sommes bien à Londres.

La langue est très belle. Pas facile quand même en version originale. La lecture en parallèle en français des passages difficiles m'a bien aidée.

Un très beau bijou de la littérature, dont la réputation n'est pas du tout usurpée.
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Je sors de cette lecture époustouflée par tant de maîtrise littéraire. J'avais acheté ce roman chez un bouquiniste après avoir vu plusieurs fois le film "the hours" mais l'avais laissé traîner dans ma bibliothèque. Quelle erreur! C'est pour moi un roman exceptionnel tant dans sa forme que sur le fond. Et pourtant, l'intrigue est banale. Dans les années 20 à Londres la journée de Mrs Dalloway qui organise le soir même une réception mondaine.

Unité de temps donc, sans chapitre, le récit avance scandé par les horloges de la ville dont la célèbre Big Ben. Dans cette même temporalité deux trajectoires parallèles, deux regards sur la vie. Celle de Clarissa Dalloway et celle de Septimus, jeune soldat marqué par l'horreur de la guerre qui finira par se défenestrer. Ces deux là ne se rencontreront pas mais leurs histoires sont reliées par quelques personnages du roman.

L'écriture est rythmée, précise et fluide. de courtes narrations, de superbes descriptions et de longs monologues intérieurs alternent, s'entremêlent et constituent un récit soutenu, très bavard comme si nous étions en permanence dans la tête des personnages, dans le foisonnement de leurs pensées des plus terre à terre aux plus existentielles.

Au fil des pages, par accumulation de points de vue (de serviteurs, d'amis, du mari...), de sauts dans le passé, de moments présents, le personnage de Clarissa Dalloway se construit. Au passé, Clarissa ses rêves, ses passions et ses choix. Au présent Mrs Dalloway, sa peur de vieillir, son regard ironique sur le monde dans lequel elle vit, ses fêlures et ses regrets. Par petites touches Virginia Woolf aborde les questionnements universels inscrits dans la fuite inexorable du temps: nos choix de vie, nos bifurcations, nos renoncements, notre regard sur nous même, sur la mort. D'un côté le mal être, la dépression, la tentation d'en finir, le suicide et de l'autre une vie légère ancrée dans le présent, le bonheur d'un bouquet, d'un jardin, de regarder grandir nos enfants, de partager avec ses amis.

Une journée banale aux parfums philosophiques. du grand art!
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