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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Etonnante cette facilité de Marguerite Yourcenar à se glisser dans la peau de ses personnages, surtout masculins : Hadrien, Zénon, Alexis dans cet ouvrage ou Eric von Lhomond encore dans le coup de grâce.

Etonnant aussi chez elle cette faculté d'autopsier le processus de pensée de l'homme, au sens de mâle de l'espèce humaine, dans sa relation au monde, dans sa relation à l'autre. L'autre étant souvent féminin naturellement, mais pas seulement, tel Antinous pour Hadrien.

Son approche des sentiments est très intellectualisée, un peu trop même. Elle lui confère une froideur presque scientifique. Cette maîtrise imposée ôte à mon sens à l'expression du sentiment sa spontanéité, sa sensualité qui donne de la chaleur à l'épanchement amoureux. Comme elle le dit elle-même : "Au lieu de parler d'amour, nous parlions sur l'amour".

Il est beaucoup question d'états d'âme de la part de ses héros dans l'évocation de ce combat qu'est la vie, en quête de plénitude plus que du bonheur, estampillé trop convenu. Ces personnages évoluent dans un univers écartelé entre les aspirations du corps, certes bien gouvernées, les convenances imposées par le milieu social et l'élévation intellectuelle, seule à pouvoir supprimer les barrières qui cloisonnent nos sociétés. On verse toutefois peu dans les croyances. le spirituel est trop hasardeux.

Mais la maîtrise de la langue vient au secours de cette analyse quelque peu déprimante. Pas un mot superflu, chacun est lourd de signification. Pas une phrase creuse. Pas un paragraphe qui ne soit construit. La syntaxe de Marguerite Yourcenar, qu'elle façonne en orfèvre, est l'escabeau qu'elle place sous nos pieds pour accéder à la puissance de son univers sémantique.
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Ce sont deux nouvelles très différentes que l'on découvre dans ce livre. Dans Alexis, écrit sous la forme d'une lettre adressée à sa femme Monique, on découvre les raisons qui font qu'Alexis quitte Monique. Petit aparté, la connotation des prénoms est marquante. Pouvez vous imaginer une héroïne s'appelant Monique dans un roman actuel… difficile non ? Enfin bref Alexis écrit à Monique. Et nous sommes au siècle dernier. Il se trouve qu'Alexis aime bien Monique mais préfère les hommes. Et qu'au siècle dernier, cela n'était pas facile à vivre. Alors cette lettre est toute en délicatesse. Alexis tente d'expliquer, de rationaliser, de comprendre, de justifier ce qui lui arrive. Même si parfois on a du mal avec certaines justifications (genre la maman serait en partie responsable) …
C'est très bien écrit. On compatit à la fois avec Alexis qui vit un enfer du fait de ses préférences sexuelles mais aussi avec Monique qui n'y est pour rien. Sachant que Yourcenar n'avait que 24 ans lorsque cette nouvelle a été rédigée, on ne peut que s'incliner. Quel talent !


La seconde nouvelle est plus conventionnelle. Erich est un officier allemand qui raconte l'histoire de son non-attachement vis-à-vis de la soeur de son meilleur ami Conrad (pour lequel on peut penser que ses sentiments ne sont pas seulement amicaux). Cette soeur est très amoureuse d'Erich. Mais Erich est un homme qui a peu de sentiments et de convictions. Ce qu'il reconnait aisément. Et la situation qui aurait pu n'être qu'un malheureux incident va empirer car c'est la guerre. Une guerre, pré seconde guerre mondiale dans les états baltes. La situation va tourner au drame. Cette nouvelle, quoique bien écrite, m'a parue très noire, trop tragique. Mais par contre quel style !
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Ce livre débute par un roman intitulé « Alexis ou le traité du vain combat », celui que Marguerite Yourcenar a écrit à vingt-quatre ans, soit le même âge que le personnage éponyme, Alexis. Ne comptabilisant qu'une centaine de pages, il est représentatif de la retenue, de la sobriété mais également de la finesse dont est empreinte l'écriture du narrateur.

Car lorsqu'il entreprend d'écrire une lettre explicative après son départ, c'est bien Alexis le narrateur ; quant au destinataire, Monique, il s'agit de la femme avec laquelle il est uni par ce qui n'est pas un mariage d'amour ; Alexis étant homosexuel. Dans cette lettre, Alexis reconstitue son histoire personnelle en commençant naturellement par le passé ; il raconte alors qu'il est entouré de la présence rassurante des femmes, celles-ci occupant une place privilégiée dans son éducation. On apprend ensuite qu'il combat ses désirs qu'il juge criminels et que, « contaminés par eux », il choisit de quitter le domicile familial afin de ne pas les révéler à sa mère, pieuse de surcroît. L'action de fuir le domicile va donc de pair avec l'action de fuir ses « désirs malsains ».

Dans ce contexte où il est en proie à un sentiment de culpabilité toujours plus fort, Alexis trouve néanmoins une échappatoire dans son activité de musicien ; en effet, la musique lui permet d'exprimer les sentiments complexes sur lesquels il ne saurait mettre de mots ou, plus exactement dans son cas, les sentiments qu'il réprime au quotidien.

Au final, par le biais D Alexis, nous apprenons les conséquences multiples qu'entraînaient le fait d'être homosexuel au début du XXème ; en l'occurrence, Alexis se voit contraint d'abandonner une femme admirable pour laquelle il a beaucoup d'affection, mais qu'il perçoit davantage comme sa mère que comme une vraie épouse. En découle à nouveau un sentiment de culpabilité, même si Alexis se justifie par une phrase pertinente vers la fin : « j'aime encore mieux la faute (si c'en est une) qu'un déni de soi si proche de la démence ».

Quant au deuxième roman, le sujet n'est pas aussi original (pour l'époque) et même assez éculé (une tragédie amoureuse) : dans le cadre de la guerre civile russe, une jeune femme s'appelant Sophie va être prise d'une passion Racinienne pour Eric, un officier qui, en comparaison du feu que symbolise la passion de Sophie, semble avoir un coeur de glace. Par rapport à Alexis, on a bien un fil rouge avec la thématique de l'homosexualité, puisqu'Eric incarne un militaire proche de son compagnon de guerre, Conrad qui est aussi le frère de Sophie. Aussitôt, la frontière entre la camaraderie entre guerriers et l'amour est ténue, comme le veut la tradition de l'antiquité grecque avec Achille et Patrocle par exemple. Par ailleurs, chez Yourcenar, cela rappelle un peu la relation d'Hadrien et d'Antinoüs dans les mémoires d'Hadrien.

Enfin, voilà, ce livre ne témoigne pas autant de l'érudition de Yourcenar que « les mémoires d'Hadrien », mais il s'avère néanmoins intelligent dans la façon dont il traite de la condition de l'homosexuel au XXème.
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Ce roman est constitué de deux histoires courtes : Alexis et le coup de grâce.

Alexis : roman épistolaire. Il s'agit d'une longue, très longue lettre destinée à Monique, sa femme. Il lui explique pourquoi cette rupture. La plume est très pudique, rien n'est dit clairement mais tout est suggéré.
Quand Bernard Pivot interrogera l'autrice sur le pourquoi d'un tel choix, elle répondra tout simplement : "parce que je n'aime pas mettre des étiquettes" .

Le coup de grâce : C'est l'histoire d'un amour non partagé. Sophie tombe amoureuse d'Erich, officier prussien pendant la guerre civile Russe. Celui-ci, pourtant ému par cet amour, rejettera la jeune femme. Mais son attachement pour son frère, Conrad l'obligera à la fréquenter et être témoin de cet amour qui ne cessera de grandir.
Encore une fois, si les sentiments de Sophie sont clairs, ceux d'Erich sont dissimulés et suggérés... Apparaît alors un homme froid, voire cynique.

Ce livre était mon tout premier roman de Marguerite Yourcenar, première femme élue à l'académie française en 1980. Quand je referme le livre, je constate qu'il regorge de post-it !! Des phrases sublimes, des extraits touchants et surtout des passages qui m'ont profondément émue ... Excellente lecture donc !
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Un lent crescendo. Ou plutôt, pour la lectrice de cette longue lettre, une lente descente aux enfers. Lente mais inexorable... jusqu'à ce moment, où, brutalement, est annoncée comme évidence, sans plus de précaution: "le bonheur n'est pas venu, Monique".
Un nouveau clou est planté une page plus loin: "je cherche à revivre, le plus exactement possible, les semaines qui menèrent aux fiançailles, Monique, ce n'est pas facile. Je dois éviter les mots de bonheur ou d'amour, car enfin, je ne vous ai pas aimée."
Au delà même de l'amour du bonheur, les instants de prière en semble sont saccagés par un brutal: nous nous forcions aux pratique d'une dévotion exaltée". Et Dieu ne sera pas un recours: "ceux auxquels tout manques'appuient sur Dieu, et c'est à ce moment que Dieu leur manque aussi"

Descente au enfers: c'est confirmé! Elle est rendue plus poignante par le style souple, fluide, "l'acoustique du livre" qui est mentionnée en préface.
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Deux histoires différentes qui se rejoignent dans le thème: le malaise dans les relations amoureuses dans les années vingt. A l'époque, l'éducation de la petite noblesse enseignait des idéaux et ne permettait pas d'être différent.

La première histoire est une longue lettre D Alexis à Monique, dans laquelle il essaye d'expliquer leur mariage raté.

Dans le coup de grâce, Eric raconte ses relations difficiles et ambiguës avec Sophie durant la guerre civile qui a suivi la révolution russe dans les pays Baltes.

Ce qui fait la beauté du livre, ce sont les mots toujours si justes de Marguerite Yourcenar. Rien n'est dit et tout est dit à la fois. Il suffit juste de déguster le texte pour comprendre ses messages.
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Incapable de vaincre son penchant pour les hommes, Alexis écrit à son épouse Monique, femme d'une bonté exceptionnelle, pour lui expliquer les raisons de son départ : "Je vous demande pardon, le plus humblement possible, non pas de vous quitter, mais d'être resté plus longtemps".
Alexis ou le Traité du vain combat, cette longue lettre porte son nom à merveille. le jeune homme revient sur ses souvenirs d'enfance, ses premières expériences amoureuses et charnelles, ses études, sa vie à Vienne. Il retrace l'histoire de sa vie, de sa lutte contre son homosexualité. Force lui est de constater qu'on ne peut refouler éternellement ses préférences. Il brise son mariage ; il n'a d'ailleurs jamais été amoureux de Monique et elle jamais heureuse avec lui. La lucidité du regard que le protagoniste porte sur son parcours et son honnêteté fait toute la beauté de la lettre.

Le coup de grâce est d'un tout autre registre. Cette nouvelle relate, dans les pays baltes de 1920, la lutte amoureuse entre Eric et Sophie, la soeur de son meilleur ami. La jeune femme lui a offert sans détour son corps, et lui la fuit. Un seul baiser sera échangé au cours de ce combat sans merci, au terme duquel l'amour se transformera en haine.
Pourquoi Eric ne veut-il pas de Sophie? La raison n'en est pas clairement donnée, il est peu probable que ce soit uniquement par loyauté envers son ami Conrad. Il semblerait aussi qu'il l'ait plus aimée que ce qu'il laisse paraître. On n'imaginerait pas d'autre fin que la fin tragique que Marguerite Yourcenar à cette nouvelle.

Challenge ABC 2015/2016
Challenge Petits plaisirs 2016
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Les deux récits réunis ici semblent s'opposer plus que se compléter: le second se déroule dans les fièvres de la guerre, tandis que le premier est la méditation d'un homme qui, se découvrant homosexuel, décide de vivre sa vie sans plus s'encombrer de faux-semblants, après de longues années d'un combat contre lui-même. Pourtant, dans les deux cas, il s'agit de combattre et de faire la guerre, et ces histoires apparemment un peu minces, à côté de l'Oeuvre au Noir, des Mémoires d'Hadrien ou d'Un Homme Obscur, leur sont comparables en qualité et en profondeur.
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Livre traitant de l'homosexualite sans nommement le nommer.Ouvrage qui parle d'amour et de desespoir.Desespoir et incomprehension,jugements moraux et mauvaise conscience!Prejuges immondes!Je trouve cela triste que l'on ne puisse pas aimer comme on le veut,comme on le desire.On ne vit qu'une seule fois sur cette terre,on devrait pouvoir vivre comme on l'entend;du mieux possible sans prise de tete
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Extraordinaire. Un style d'écriture pour le moins époustouflant et c'est dire que l'on s'en doutait un peu sachant que l'auteur est Marguerite Yourcenar. N'est-ce pas ?
Alors déjà, avec Alexis, j'ai voyagé. Je trouve que ce livre véhicule la justesse des sentiments humains. Je n'aime pas ces livres où les personnages sont parfaits et alors irréels, idéaux. Non. Ce n'est pas la réalité et M. Yourcenar arrive très minutieusement à le transmettre à travers cette oeuvre littéraire.
Cadeau d'anniversaire, ce livre est une découverte avec l'auteur. J'ai aimé. Vraiment. Un petit bijou de la littérature française, à lire sans modération.
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