Dans cet ouvrage très bien présenté,
Nicole Yrle se montre empathique à trois niveaux :
Pour son lecteur perpignanais d'abord, elle évoque avec minutie et compétence l'histoire de sa région, notamment les rapports entre la France et la Catalogne. Louis XI s'y montre fourbe à souhait, les chefs locaux plus ou moins à la hauteur, et la population, précipitée, en deux ou trois décennies, d'une relative opulence à des misères multiples.(« la campagne était l'image de la désolation […] champs vergers et jardins dévastés, brûlés, troncs noircis, fermes et masures détruites ») Ce contexte, parfois ardu, sert d'ancrage au récit.
Plus immédiat, le cadre urbain de Perpignan avec ses quartiers, ses artisans, notables et particuliers, prend vie quand l'auteur, respectueux du temps et de la langue locale, fait franchir à son lecteur les barrières du temps et de l'espace : c'est une vraie immersion dans l'air du temps, et une très agréable découverte : couleurs des toiles, parfums des plantes, saveurs des plats, le menu réjouit le promeneur.
Mais avec l'évocation de l'esclavage, ici représenté par Azyadé-Catrina et Abdallah -Baffumet-Jordi, deux jeunes protagonistes dignes d' intérêt et d'affection, à travers leurs histoires personnelles, leurs drames, et leurs phases d'espoir,
Nicole Yrle adopte un ton chaleureux qui tient parfois de l'art du conteur oral : exclamatives, commentaires compatissants (« Pauvre Jordi, il se faisait des illusions, la bonne volonté ne suffisait pas, l'ingéniosité non plus »).
En résulte un récit prenant qui embarque le lecteur, tout en lui laissant, belle attention de l'auteur ! , la liberté d'imaginer des destins plus heureux.