Un beau roman à plusieurs dimensions :
- l'itinéraire historique d'une famille espagnole contrainte de fuir le franquisme, au risque de trouver un refuge incertain … la France bientôt engagée dans la deuxième guerre mondiale, puis soumise au régime de Vichy, si peu favorable aux réfugiés espagnols, immédiatement qualifiés de « rouges ».
- le parcours de cette famille au gré des événements dans un paysage de montagnes, proches des cimes et soumis aux rudesses du climat, voire aux catastrophes naturelles, orages, éboulements etc.
- le destin de Jordi, adolescent prometteur qui, refusant la facilité, veut vivre pleinement l'épanouissement de ses facultés.
- le code de l'honneur des différents protagonistes : ils savent ce qu'ils doivent à ceux qui les accueillent, comme à ceux qui sont absents.
C'est donc à un voyage complet que l'auteur nous convie, au contact de personnages animés par les valeurs fondamentales de solidarité et de fraternité, alors même que le contexte, enclin aux dénonciations, inciterait certains à l'égoïsme, à la jalousie ou aux réticences.
Nicole Yrle connaît l'itinéraire et les régions traversées, l'impression de « toucher le ciel » comme le contact des sols caillouteux, la flore et la faune. Tout est précis, sans peser, et on sent bien que l'auteur accompagne ses personnages (« ON s'efforçait de trouver de quoi se couvrir[ contre] le froid pénétrant… ») avec le même intérêt que le lecteur lui-même, désireux de partager cette aventure de vie.
L'idéal serait, livre en mains, de refaire ce chemin, d'y retrouver les plantes, les animaux aperçus, les cimes mentionnées, et d'entendre comme de la bouche des locaux, des épisodes historiques comme celui de l'Aiguat. On allierait le guide touristique au récit historique, dans un hommage au pays catalan dont on goûte la langue, les expressions et les usages.
Pour ma part, j'ai été sensible à certaines scènes en filigrane, des « nativités » dans des grottes, refuges éclairés par des feux improvisés mais si chaleureux, la présence d'instituteurs avisés et généreux comme il en fut dans la vie de Camus. Oui, j'ai frémi aussi aux moments dramatiques.
Bien sûr il me manque une culture catalane, mais elle devient accessible dans ce récit qui en est fortement imprégné.
On aimera aussi, dans les différents épisodes, l' optimisme de la volonté dans des temps incertains.