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Julia Wauters (Autre)
EAN : 9782362665387
384 pages
Talents Hauts Editions (26/05/2023)
4.29/5   36 notes
Résumé :
1924, Paris-Douarnenez
Alors que la « libération des mœurs » secoue la famille bourgeoise et parisienne de Carol et Suzanne, dans les sardineries de Douarnenez, c’est la grève qui occupe les ouvrières. Yarig, jeune penn sardin, s’y engage corps et âme, découvrant la force de l’action collective ; quant à sa soeur Angèle, elle monte à Paris pour travailler comme bonne dans la famille de Carol et Suzanne.Les quatre soeurs aux tempéraments et aux rêves si différ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Angèle, jeune Penn sardin, monte à Paris pour travailler comme bonne dans la famille de Carol et Suzanne, deux jeunes filles émancipées. Sa soeur Yarig reste à Douarnenez, où la grève couve dans les vingt-et-une sardineries, en cette fin d'année 1924.
Les horaires de travail à l'usine sont fonction de l'arrivée des bateaux, car les poissons ne peuvent pas attendre, faute de système de refroidissement. Rentrées chez elles au milieu de la nuit, elles sont souvent rappelées quelques heures plus tard. Plus d'une a commencé avant 13 ans, l'âge légal. le climat social est propice à de nombreux échanges au sujet de ces conditions sociales.
À Paris, les bonnes ne sont pas mieux loties. Si, elles ont un toit, l'eau courante et la lumière, elles sont rarement payées : une fois le billet de train aller remboursé, toutes sortes de retenues et d'amendes viennent retarder leur première paye. Et les horaires sont tout aussi éreintants. Angèle s'y fait, elle encaisse la fatigue, le mépris et les moqueries incessantes. « Elle a hérité de son père, originaire de l'île d'Ouessant, un corps charpenté, aussi lourd que celui d'un cheval de labour. Sérieuse, entêtée, toujours un peu inquiète… trop sérieuse. Trop soumise, sûrement. »
Carol et Suzanne vivent avec Irina, leur mère, veuve, immigrée russe qui s'est remariée avec Pierre-Guillaume, une brute réactionnaire qui « fait partie de ces hommes obtus et très attachés aux traditions », et qu'elle supporte pour assurer un certain confort à ses filles. Les deux soeurs sortent à Montparnasse, dans les lieux à la mode. La première s'habille en homme et la seconde prend (trop !) régulièrement de l'héroïne, quand elle ne s'enivre pas d'alcool plus que de raison. Carol confronte sa mère à propos de la décision prise lors de sa naissance, de ne pas « “rectifier“ la nature », de la laisser « inter sexuée » (plutôt qu'hermaphrodite) au lieu de la charcuter et de choisir à sa place. Médecin mariée à un chirurgien cela leur eut pourtant été facile. Ils ont décidé de respecter le corps de leur enfant même s'il n‘était pas tout à fait « normal ».

Cathy Ytak brosse le portrait de jeunes femmes émancipées, chacune à leur manière, dans les années 1920. Leurs histoires se croisent et se rejoignent sur fond de grève des sardinières. Même si celle-ci occupe une place très importante, elle sert surtout de décors et de prétextes à réflexions, toujours fort subtilement amenées. Plus qu'un simple roman historique, elle développe une véritable intrigue, avec des personnages consistants, interroge sous tous ses aspects la condition féminine (dans la famille, au travail, face au mariage en cette période particulière après l'hécatombe d'hommes pendant la Grande guerre, dans la société, à l'université…) et aborde une question de genre rarement – si ce n'est jamais – évoquée dans la littérature jeunesse.


Article à retrouver sur le blog de la Bibliothèque Fahrenheit 451 :
Lien : https://bibliothequefahrenhe..
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Cathy, chère amie
Comment les lecteurs vont-ils le prendre ?
Voilà que je me décide enfin à rejoindre Babélio, et comme première contribution je propose de t'adresser cette lettre, une façon peu conventionnelle de participer. Mais comme j'ai le privilège d'être ton amie, comme nous partageons de nombreuses idées, c'est une trop belle occasion de parler de toi (et avec toi ?).

Il faut dire que je viens de dévorer « Têtes Hautes ». J'ai lu beaucoup de tes livres - souvent des histoires de jeunes blessés par la vie. Dans Têtes Hautes, tu racontes en plus un événement historique dont on ne m'a pas parlé à l'école, et pourtant si mes sources sont bonnes il s'agit de la première grève menée par des femmes, et qui ont obtenu gain de cause. Tu évoques donc deux jeunes penn sardin, ouvrières qui travaillent dans les sardineries de Douarnenez. En 1924, pas de bateaux équipés, pas le moindre réfrigérateur, quand le bateau entre au port les femmes doivent être prêtes à préparer les poissons. L'aspect historique de ton roman est très bien documenté, depuis le terrible quotidien de ces ouvrières jusqu'à l'enclenchement du mouvement, son déroulement, ses difficultés, et les manoeuvres criminelles des patrons.

Mais l'une des deux ouvrières est embauchée à Paris comme bonne à tout faire, chez Carol et Suzanne que tu nous fais connaître. Ces deux jeunes adultes n'ont pas l'existence dorée que leur fortune permettrait d'imaginer, chacune ayant ses propres tourments. Bravo pour le malentendu qui s'installe entre les deux jeunes Bretonnes, Yarig étant persuadée que sa soeur mène à Paris une existence bien plus facile, alors que Angèle affronte mille difficultés. Là aussi tu décris une réalité historique, les conditions sordides de travail des bonnes à tout faire, et le mépris dont elles sont victimes, pensez donc, ces paysannes qui puent le poisson ! Auxquelles on ne verse aucun salaire sous des prétextes, alors qu'elles ont un horaire de travail infernal.

Dans tes livres, tu parles souvent de sexe, même si je préfèrerais dire « amour ». Mais voilà, les personnages de tes romans ont souvent des problèmes, cela peut être celui de l'identité sexuelle : quel qu'il soit, tu en parles de façon directe et j'apprécie beaucoup cette absence de pudibonderie. Cela me rappelle ton intervention au salon du livre de Saint-Paul-trois-Châteaux : tu avais parlé de « Rien que ta Peau », une histoire d'amour entre deux adolescents qui, eux, n'ont pas de problème d'identité sexuelle. Louvine a des difficultés dans un autre domaine. On ne sait pas trop quel est son handicap, et j'apprécie aussi que tu ne l'aies pas précisé car une étiquette devient vite une aliénation supplémentaire pour les personnes différentes.

Tu nous avais lu le début de « Rien que ta Peau », de ta voix tranquille, dans l'espace aménagé pour les rencontres entre les auteurs et le public, et l'on entendait le brouhaha du salon tout autour. Et tu nous avais fait partager l'intimité de Mathis et Louvine, j'en garde une impression extraordinaire : contraste entre l'ambiance festive d'un côté, un peu bruyante, et les deux amants enlacés au coeur de la nuit, de l'autre.

Dans « Têtes Hautes », tu abordes le problème de Carol de la même façon directe, par petites touches, jusqu'au dialogue avec sa mère qui éclaire les lecteurs. Tu le sais : les idées que tu défends dans ce livre sont une de mes raisons de te lire. Condition féminine, condition ouvrière, particularité sexuelle, ton discours est clair et ça fait du bien. Mais, alors qu'on n'est pas loin de la sociologie, c'est un roman que tu écris, pas un essai, et les messages passent d'autant mieux et pour un plus large public. Ce livre est destiné à des adolescents, c'est vraiment une bonne chose de leur offrir de ces lectures-là ! Moi j'ai passé l'âge et depuis très longtemps, mais, ne le dis à personne, je continue à me régaler avec la littérature pour la jeunesse.

J'ai remarqué que les éditions « Talents Hauts » offrent un catalogue de bonne tenue pour le public adolescent. Ce qui me pousse à parler du rôle de l'écrivain : quand j'avais lu « Cinquante minutes avec toi », une histoire de maltraitance, je t'avais dit que ce livre dérange, et c'était un compliment. Tu m'avais répondu : « Je pense que c'est le rôle de quelqu'un qui écrit que de bousculer un peu ses lecteurs, de les déranger, de faire naître une réflexion. Si je peux le faire, à mon petit niveau, c'est bien (…). Si mon livre peut libérer quelques ados enfermés dans des histoires similaires (et il y en a toujours, malheureusement), je serai vraiment contente. »

Ces quelques mots suffisent sans doute pour préciser comment toi et moi nous voyons le rôle de l'écrivain.
Alors non, je ne vais pas faire une analyse de ton style (qui me plaît beaucoup), de la construction de ton roman, (super bien structuré), je veux simplement te remercier d'avoir écrit « Têtes Hautes », dont je parle autour de moi, un bien bel ouvrage. Je te remercie aussi de me faire découvrir les éditions « Talents Hauts » dont les titres sont alléchants !

Avant de te quitter, je ne résiste pas au plaisir de te citer quelques mots de Gabriel Celaya, un texte connu surtout par l'interprétation qu'en a faite Paco Ibañez, « la poésie est une arme chargée de futur » (traduction à ma façon).

« Je maudis la poésie conçue comme un luxe
Culturel pour les neutres
(…)
Je maudis la poésie de ceux qui ne prennent pas parti jusqu'à se compromettre. »
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Quatre soeurs d'origine sociale bien différente. Rien ne destinait Yarig et Angèle à croiser la route de Carol et Suzanne. Deux filles d'agriculteurs, travaillant pour une sardinerie de Douarnenez d'un côté, deux filles d'immigrés russes appartenant à la bourgeoisie parisienne de l'autre.
Mais l'année 1924 est celle du changement et de l'affirmation pour ces jeunes femmes.

Alors qu'Angèle quitte sa Bretagne natale pour devenir bonne chez Carol et Suzanne, sa soeur Yarig s'implique activement dans le mouvement de grève des penn sardin. Les conditions de vie sont effroyables pour l'une comme pour l'autre et toutes deux se rendent compte de l'importance du collectif pour faire entendre sa voix.

Les cheminements des deux soeurs privilégiées montrent que si la vie est plus aisée avec de l'argent, elle n'est pas forcément plus simple. Déracinement et deuils ont fragilisé Suzanne, qui se perd dans les fêtes et les vapeurs d'opium. Carol de son côté cherche à affirmer son identité dans un milieu qui impose aux femmes une posture qui ne lui convient pas.

Chacune à sa manière va se chercher, affronter les préjugés et grandir.
Si je n'ai pas été particulièrement émue par leur destin et que j'ai trouvé certains personnages caricaturaux (tout particulièrement les hommes riches), la richesse du contexte historique est le vrai plus de ce roman.
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Je trouve que le livre se dispersé entre trop de personnages, trop d'angles sociaux, pour au final ne faire que survoler ce qui, selon la 4eme de couverture, est le principal : les longues semaines de grève ses ouvrières des conserverie de sardine de Douarnenez entre 1924 et 1925. Aux ouvrières on ajoute la condition des domestiques à la capitale, finalement survolée, on en conclut juste que c'est mieux d'être ouvrière, les immigrés russes, la position des femmes, les personnes intersexes et même la dépendance à l'opium. Finalement on nous décrit sommairement et en pointillés les solidarités ouvrières, l'organisation des grévistes, les manoeuvres patronales pour briser le mouvement... pas une mauvaise lecture (la fin de la grève m'a pas mal émue qd même) mais ça manque de corps à mon goût.
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Dans la France des années folles, l'émancipation féminine peut prendre différentes formes. Alors qu'à Paris les jeunes filles de bonne famille se soucient surtout d'échapper aux injonctions classiques (faire un beau mariage, faire de beaux enfants), du côté de Douarnenez les penn sardin (les ouvrières des conserveries) se posent surtout la question de leur survie au quotidien. Ce récit choral fait le lien entre ces destinées bien éloignées à travers le parcours de quatre jeunes filles, Carol et Suzanne à la capitale, Angèle et Yarig en Bretagne. À l'hiver 1924, leurs chemins vont se croiser alors qu'une grève historique secoue les conserveries de Douarnenez.

J'ai eu un énorme coup de coeur pour ce superbe récit de combat qui rencontre un écho tout particulier avec l'actualité récente. À travers sa galerie de beaux personnages complexes et nuancés, le roman souligne à quel point les luttes féminines peuvent varier, mais aussi comment la solidarité entre femmes n'est pas toujours acquise. Ainsi, tandis que les ouvrières en grève s'entraident pour tenir le coup, Irina, la mère des soeurs parisiennes (qui a du pourtant se battre pour être médecin) exploite sans scrupules la bonne bretonne venue travailler chez elles. Et au final ce sont les faiblesses et les contradictions des héroïnes, plutôt qu'une improbable perfection, qui nous les rendent profondément attachantes.
Lien : http://www.super-chouette.ne..
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Au fond, les patrons, y’en a que de deux sortes : ceux qui te reluquent dès que tu rentres à l'usine et te mettent la main aux fesses à la première occasion, et ceux qui sont tellement pétris de religion que ça les rend impuissants. Avec ceux-la, au moins, on est tranquilles…
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Videos de Cathy Ytak (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Cathy Ytak
Engager son corps dans le monde, dans la lutte et dans L Histoire… Quand le corps féminin se fond avec le corps social, il n'y a qu'un pas entre solidarité et sororité.
Animé par Willy Richert.
Avec les auteur·rice·s Carole Trébor (Louise Michel, Je suis tout en orage, Albin Michel Jeunesse), Cathy Ytak (Têtes hautes, Talents hauts), Jean-Laurent del Socorro (Vainqueuse, l'école des loisirs) et l'auteur-illustrateur Stéphane Fert (La Marche brume, vol. 1, le Souffle des choses, Dargaud).
Avec la participation de Shyrine Slamani et les élèves de 3e et 6e du collège Anatole France - Les Pavillons-sous-Bois (93). Un grand merci à Stéphanie Jarrad, professeure.
Et la voix de Cécile Ribault Caillol pour Kibookin.fr
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